Ce récit de Bruno Le Maire, Ministre de l'Economie, je ne l'aurai certainement pas lu si il ne m'avait été offert car -d'ailleurs a tort- je me méfie un peu des écrits des hommes politiques. Or ce récit est un beau texte , émouvant sur une amitié qui n'a pas duré très longtemps mais qui a eu une grande force.
Ce recit alterne des pages consacrées au travail ministériel de Bruno Le Maire et, ici, surtout de ses nombreux voyages pour participer a des réunions internationales et au rappel de sa relation avec Pau qui est en train de mourir d'un cancer du cerveau.
J'ai passé assez vite les réunions ministérielles qui m'ont assez peu intéressés mais j'ai beaucoup aimé les pages consacrées aux visites que Bruno Le Maire fait a son ami mourant. C'est un récit dur car il est pénible de voir la dégradation d'un homme qui vous renvoie à ce qui pourrait vous arriver, à cette maladie qui vous amoindri, qui vous laisse dans l’impuissance absolue et qui , peu à peu enlève ce qui faisait votre personnalité.
L'auteur écrit fort bien et l'on garde , le livre fermé, un souvenir fort de cette amitié et de cet accompagnement jusque au bout. Bruno Le Maire a raison de nous dire qu’après la mort plus rien n'est dans le cadavre mais tout est dans le souvenir que l'on garde de la personne et il a réussi par ce beau texte a faire que Paul restera dans l'avenir comme une belle image de l'amitié et il a répondu a cette demande de Paul : Ne m’oublie pas" de la meilleure façon.
Voilà un entretien dans lequel Bruno Le Maire parle de ce livre et une belle critique
Ce blog est consacré à mes coups de coeur dans l'actualité, dans la littérature et dans mes voyages
mercredi 29 mai 2019
lundi 20 mai 2019
Julien Jouanneau: Le voyage de Ludwig
Julien Jouanneau vient de publier aux Editions Flammarion un nouveau roman : Le voyage de Ludwig. C'est un roman très original car c'est le récit par un chien, Ludwig, de sa vie avec sa maîtresse Hannah pendant l'occupation Allemande et, surtout, de la déportation de sa maîtresse et la recherche à laquelle se livre Ludwig pour tenter de la retrouver.
On pourrait penser de prime abord qu'il s'agit là d'un procédé et que, derrière ce chien, l'écrivain a fait de l’anthropomorphisme mais il réussit , à mon sens, à bien camoufler ce procédé car il utilise les sens de ce chien dont on sait qu'ils sont différents et tellement plus développés pour certains que chez l'homme, l'odorat bien sûr, une vision différente, une sorte de sixième sens.
Hannah va être déportée et elle va prendre un de ces trains de la mort dans un wagon a bestiaux. Ludwig qui va réussir à s’échapper de l'appartement court à la gare, assiste impuissant a tout ce remue-ménage odieux et le voilà qui va courir après des trains, à la poursuite de l'odeur et de l'image d'Hannah! Il vivra des aventures cocasses ou éprouvantes, rencontrera des hommes cruels et mauvais mais aussi, quelques fois des hommes bons.
Est-ce crédible? Chacun a lu les récits de ces animaux , chiens ou chats, ayant parcouru des milliers de kilomètres loin de chez eux et qui retrouvent leur maison et leurs maîtres! Le roman se termine mal. Comment aurait-il pu en être autrement? Mais il est un hymne à la fidélité des chiens et l'auteur évoque d'ailleurs dans une note à la fin du livre quelques exemples de cette fidélité dont celui d'Hatchi ce chien dont la statue est devant la Gare de Tokyo et qui a attendu son maître pendant 14 ans!
On pourrait penser de prime abord qu'il s'agit là d'un procédé et que, derrière ce chien, l'écrivain a fait de l’anthropomorphisme mais il réussit , à mon sens, à bien camoufler ce procédé car il utilise les sens de ce chien dont on sait qu'ils sont différents et tellement plus développés pour certains que chez l'homme, l'odorat bien sûr, une vision différente, une sorte de sixième sens.
Hannah va être déportée et elle va prendre un de ces trains de la mort dans un wagon a bestiaux. Ludwig qui va réussir à s’échapper de l'appartement court à la gare, assiste impuissant a tout ce remue-ménage odieux et le voilà qui va courir après des trains, à la poursuite de l'odeur et de l'image d'Hannah! Il vivra des aventures cocasses ou éprouvantes, rencontrera des hommes cruels et mauvais mais aussi, quelques fois des hommes bons.
Est-ce crédible? Chacun a lu les récits de ces animaux , chiens ou chats, ayant parcouru des milliers de kilomètres loin de chez eux et qui retrouvent leur maison et leurs maîtres! Le roman se termine mal. Comment aurait-il pu en être autrement? Mais il est un hymne à la fidélité des chiens et l'auteur évoque d'ailleurs dans une note à la fin du livre quelques exemples de cette fidélité dont celui d'Hatchi ce chien dont la statue est devant la Gare de Tokyo et qui a attendu son maître pendant 14 ans!
samedi 18 mai 2019
Charles Poncet: Camus et l'impossible Trêve civile
Ce livre paru chez Gallimard en 2015 est composé d'un texte de Charles Poncet, ami de Camus et qui a été à l'origine et la cheville ouvrière de cet "Appel a la Trêve Civile" lancé d'une haut d'une tribune par Albert Camus à Alger le 22 Janvier 1956. Il faut ,évidement lire le texte écrit par Camus et qui est très beau .
Charles Poncet retrace ,dans tous les détails, les semaines qui ont précédées cet appel et ils montrent comment cette idée a fait surface.
Il nous montre et c'est un des grands intérêts de ce livre le petit milieu de ceux que l'on appelait les "libéraux" et qui, venus d'horizons idéologiques divers, souhaitaient depuis longtemps faire prendre conscience aux pieds-noirs des injustices faites aux Algériens et militaient pour une évolution de la situation. Ce groupe ( assez restreint) était lui-même divers et les engagements des uns et des autres n'étaient pas les même et n'avaient pas la même intensité depuis ceux qui militaient pour l'indépendance du pays, qui même apportaient leurs concours aux Algériens, ceux qui étaient favorables à une évolution voir une indépendance mais avec le maintient des deux communautés et ceux qui n'acceptaient pas de perdre leur nationalité française.Il y avait là des anciens communistes, des catholiques ( la hiérarchie étant très ouverte à l'évolution du pays plus que les pratiquants), des protestants.Il y avait , aussi quelques musulmans et notamment Amar Ouzegane qui avait été communiste et les organisateurs de l'appel apprendront après qu'il était membre du FLN.
Tous ces gens étaient -ils des utopistes , de doux rêveur. Il est bien qu'il y ait eu des personnes qui ne résignent pas à la violence et qui croient possible une Algérie ouverte acceptant ses deux communautés, mais avec le recul que donne le temps passé ,il est clair que c'était un rêve qui ne tenait pas compte ni des blessures trop grandes faites aux Algériens, ni des idéologies et des religions dont on a vu, par la suite et encore aujourd’hui qu'elles ne pouvaient que conduire à la séparation.
Le livre contient aussi la correspondance échangée entre Poncet et Ouzegane, des analyses sur les différentes façon dont a été perçue et comprise la démarche qui a aboutit à l'Appel, chacun essayant de t
irer Camus a soi!
Charles Poncet retrace ,dans tous les détails, les semaines qui ont précédées cet appel et ils montrent comment cette idée a fait surface.
Il nous montre et c'est un des grands intérêts de ce livre le petit milieu de ceux que l'on appelait les "libéraux" et qui, venus d'horizons idéologiques divers, souhaitaient depuis longtemps faire prendre conscience aux pieds-noirs des injustices faites aux Algériens et militaient pour une évolution de la situation. Ce groupe ( assez restreint) était lui-même divers et les engagements des uns et des autres n'étaient pas les même et n'avaient pas la même intensité depuis ceux qui militaient pour l'indépendance du pays, qui même apportaient leurs concours aux Algériens, ceux qui étaient favorables à une évolution voir une indépendance mais avec le maintient des deux communautés et ceux qui n'acceptaient pas de perdre leur nationalité française.Il y avait là des anciens communistes, des catholiques ( la hiérarchie étant très ouverte à l'évolution du pays plus que les pratiquants), des protestants.Il y avait , aussi quelques musulmans et notamment Amar Ouzegane qui avait été communiste et les organisateurs de l'appel apprendront après qu'il était membre du FLN.
Tous ces gens étaient -ils des utopistes , de doux rêveur. Il est bien qu'il y ait eu des personnes qui ne résignent pas à la violence et qui croient possible une Algérie ouverte acceptant ses deux communautés, mais avec le recul que donne le temps passé ,il est clair que c'était un rêve qui ne tenait pas compte ni des blessures trop grandes faites aux Algériens, ni des idéologies et des religions dont on a vu, par la suite et encore aujourd’hui qu'elles ne pouvaient que conduire à la séparation.
Le livre contient aussi la correspondance échangée entre Poncet et Ouzegane, des analyses sur les différentes façon dont a été perçue et comprise la démarche qui a aboutit à l'Appel, chacun essayant de t
irer Camus a soi!
dimanche 5 mai 2019
L'Algérie entre révolte et avenir
Je lisais récemment un article sur la difficulté de nommer
clairement les évènements actuels qui ont lieu en Algérie et des universitaires
dissertaient sur les notions de « révolution » « mouvement ou
Hirak » « révolte ».
Cela m’a conduit à réfléchir également sur cette situation.
Je dirai d’abord que ce qui frappe l’observateur c’est la
force de ce mouvement et la vue des manifestations de chaque semaine avec cette
foule immense démontre que c’est vraiment tout un peuple qui se lève, partout
dans le pays, sans distinction de catégorie sociale, de zones géographiques,
d’opinion politique.
La seconde observation que chacun a pu faire c’est
l’extraordinaire sang froid de ces foules pourtant immenses, leur calme, leur
volonté absolue d’être pacifique et sans violence et cet aspect est à mettre en
évidence car, en général, une révolte ou une révolution est violente.
Un autre caractère et non des moindres est que ce peuple a
manifesté tout au long de ces journées un humour constant dans ses slogans et
dans la façon d’exprimer son action. Il a, aussi, et c’est déjà un des
bienfaits de ces journées, apprécié le fait de se retrouver et de jouir du
plaisir de rire, de bavarder, de prendre possession des rues. Cela paraît banal
mais quand on a connu une Algérie triste, morose, inquiète de son avenir, sans
réaction face aux abus du pouvoir et a son mépris, c’est une nouveauté et il
est clair que cela ne sera jamais plus comme avant quelque soit le sort de ce
mouvement.
Quand
on a dit cela je serai assez tenté, pour ma part, d’utiliser le mot de révolte
tel que nous l’a enseigné Albert Camus. C’est ainsi qu’il écrivait :
« Qu’est-ce qu’un homme révolté ? Un homme qui dit non. Mais s’il refuse, il ne renonce pas : c’est aussi un homme qui dit oui, dès son premier mouvement. Un esclave, qui a reçu des ordres toute sa vie, juge soudain inacceptable un nouveau commandement. Quel est le contenu de ce « non »
« Qu’est-ce qu’un homme révolté ? Un homme qui dit non. Mais s’il refuse, il ne renonce pas : c’est aussi un homme qui dit oui, dès son premier mouvement. Un esclave, qui a reçu des ordres toute sa vie, juge soudain inacceptable un nouveau commandement. Quel est le contenu de ce « non »
Il signifie, par exemple, « les choses ont trop duré », «
jusque-là oui, au-delà non », « vous allez
trop loin », et encore, « il y a une limite que vous ne dépasserez pas ». En
somme, ce non affirme l’existence d’une frontière. On retrouve la même idée de
limite dans ce sentiment du révolté que l’autre « exagère », qu’il étend son
droit au-delà d’une frontière à partir de laquelle un autre droit lui fait face
et le limite. Ainsi, le mouvement de révolte s’appuie, en même temps, sur le
refus catégorique d’une intrusion jugée intolérable et sur la certitude confuse
d’un bon droit, plus exactement l’impression, chez le révolté, qu’il est « en
droit de… ». La révolte ne va pas sans le sentiment d’avoir soi-même, en
quelque façon, et quelque part, raison. C’est en cela que l’esclave révolté dit
à la fois oui et non. Il affirme, en même temps que la frontière, tout ce qu’il
soupçonne et veut préserver en deçà de la frontière. Il démontre, avec
entêtement, qu’il y a en lui quelque chose qui « vaut la peine de… », qui
demande qu’on y prenne garde.
(…) En même temps que la répulsion à l’égard de l’intrus, il y a
dans toute révolte une adhésion à part entière et instantanée de l’homme à une
certaine part de lui-même. Il fait donc intervenir implicitement un jugement de
valeur, et si peu gratuit, qu’il le maintien au milieu des périls. (…) Le
révolté, au sens étymologique, fait volte-face. Il marchait sous le fouet du
maître. Le voilà qui fait face. Il oppose ce qui est préférable à ce qui ne
l’est pas. Toute valeur n’entraîne pas la révolte, mais tout mouvement de
révolte invoque tacitement une valeur. »
Camus, L’homme révolté (Gallimard), p 25-26
Et bien les Algériens sont bien ceux qui disent non et qui
soulignent aussi que cela a trop duré et qu’ils ne peuvent plus accepter à
partir de ce moment le comportement du pouvoir à leur égard.
C’est donc bien une révolte mais,
comme le souligne aussi Camus, dans la révolte il y a non seulement un refus
mais la volonté d’autre chose et la revendication d’un autre mode de
fonctionnement du pouvoir et de la société, en somme une autre valeur.
Les Algériens, le peuple, sait-il
vers quelles valeurs il veut aller, vers quel destin, vers quel type de
civilisation ? Rien n’est moins sûr et c’est naturel car le peuple, en
dehors de son patriotisme, de son amour pour un pays est très divers et dés
lors il y a une multitude d’intérêts, d’objectifs et de comportement.
Citons les différences régionales
qui demeurent importantes, les différences de niveau social et d’éducation, les
différences religieuses, car, même dans un pays musulman dans sa majorité les
différences sont évidentes entre les très pratiquants et ceux qui le sont moins, entre les soufis et les salafistes purs et durs et même entre diverses obédiences !
Tous ces gens ne veulent pas la même
chose, leurs objectifs sont différents et très contraires entre eux.
Quel est le système politique qui
peut unir un peuple malgré ses différences ? Il y a deux systèmes que l’expérience
ailleurs a mis en évidence :
-la règle démocratique de la majorité
-la laïcité
La règle majoritaire permet de
trancher entre les diverses conceptions et objectifs. Une fois les questions
tranchées l’ensemble de la population accepte.
Dans une dictature au contraire
le pouvoir jouera sur les différences pour les opposer et le pouvoir sera celui
(on l’a vu d’un clan).
Mais il faut ajouter que la vraie
démocratie ce n’est pas seulement la règle majoritaire c’est aussi et de
manière essentielle, le respect des minorités qui doivent être libres de s’exprimer,
de manifester et de militer pour un autre projet avec dans la ligne de mire l’alternance
sans laquelle la démocratie n’est qu’une forme déguisée de dictature et il ne suffit pas qu'un pouvoir soit élu pour qu'il soit démocratique!
Ceci étant dit et comme le diable
se niche dans les détails tous les mécanismes juridiques ne se valent pas et l’exemple
Tunisien est, à cet égard, très significatif.
Les Tunisiens comme les Algériens
se sont levés contre un régime de dictature et ses pratiques. Ils ont alors
voulu prendre toutes les dispositions juridiques pour qu’une dictature ne
puisse plus revenir et c’est dans ces conditions qu’ils ont choisi une
Constitution et un régime électoral de proportionnel. Le résultat a été désastreux
car plus de 210 partis (ridicules) sont apparus et aucune majorité stable n’a
pu voir le jour entrainant des alliances contre nature entre des partis aux
conceptions totalement opposées ! La Constitution et le régime électoral
ont organisé l’impuissance du pouvoir et a partir de là la régression du pays
dans tous les domaines, aucun projet sérieux ne pouvant voir le jour et être
mis en œuvre.
Les Algériens devront donc s’ils
s’orientent vers la démocratie étudier et tirer des leçons de l’expérience
Tunisienne.
La deuxième règle nécessaire est
la laïcité car c’est la seule qui permet d’organiser un vivre ensemble apaisé
et porteur d’ouverture et de progrès.
L’Algérie est indiscutablement un
pays musulman et de cela personne n’en doute et ne le met en cause. Mais il y a,
aussi, quelques religions minoritaires et même chez les musulmans il y (personne
ne peut le contester) une variété de pratique et d’idée importante puisque il n’y
a strictement rien de commun entre des soufis ouverts, tolérants et apaisés à
l’exemple de l’Emir Abdelkader ce fondateur de l’Etat et des salafistes intolérant
et dominateurs qui veulent imposer, quelques fois par la violence, une façon de croire et de se comporter venu
d’ailleurs.
Or qui peut faire qu’un vivre ensemble,
une tolérance, une acceptation de l’autre s’installe dans le pays pour son plus
grand bien sinon la règle de la laïcité ?
C’est à cela aussi que devront réfléchir
les Algériens et qu’ils devront trancher.
Je conclurai cette analyse en
disant qu’un pays pour progresser, pour aller de l’avant et pour vivre apaisé
se doit de trancher entre ces grandes options. Les hommes politiques ne veulent
quelques fois pas trancher pour ne pas perdre de voix, pour essayer de plaire a
tout le monde et ce faisant ils ne rendent pas service a leur pays car les non-dits
pourrissent la vie de la société.
Alors après la révolte magnifique et bienvenue il faut
maintenant que les Algériens prennent conscience des enjeux et les tranchent
tranquillement, démocratiquement en s’organisant et ne faisant apparaître des
leaders car les leaders sont absolument nécessaires pour parvenir à ces choix
qui ne se feront pas spontanément. Et c'est là que l'on entre dans les difficultés mais qui ne sont pas insurmontables. On peut aussi écouter l'équivalent de ce texte dans cette video