Je termine ce livre de Jean
Noel Pancrazi : « Les années manquantes » publié en 2022 et paru
dans la collection Folio en ce mois de juin 2024.
J’ai lu presque tous les
livres de cet auteur que j’admire beaucoup, Madame Arnoul, La Montagne, Renée Camps,
Les quartiers d’hiver, Long séjour, Dollars de sable et tous ces livres je les
ai aimés tout d’abord en raison de la façon d’écrit de Jean Noel Pancrazi. Tous
ces livres sont émouvants par ce qu’ils racontent mais surtout par la façon
dont l’auteur sait faire courir l’émotion tout au long de son texte.
On pleure en lisant Jean Noel
Pancrazi car tous les protagonistes de ses livres ont des destins cruels, des
vies contrariées, des besoins d’amour ou de reconnaissance non satisfaits.
Dans les années manquantes
Jean Noel Pancrazi évoque la partie de sa vie qui a suivi le départ de
l’Algérie où ses parents étaient employés dans une minoterie du côté de Sétif,
la difficulté de leur installation, le mauvais accueil reçu dans cette région
(Perpignan).
Ses parents vont très vite
repartir en Algérie pour tenter d’y rester.
Pendant cette période il est
confié à sa grand-mère Joséphine, une vieille femme harcelée par un eczéma qui
lui rend la vie difficile mais qu’elle affronte avec courage, son seul plaisir
étant les visites de son fils Noel qui, pourtant, sombre dans l’alcool et les
plaisirs. L’auteur fait un très joli portrait ce cette grand-mère jusqu’au jour
où elle décèdera.
Ses parents rentreront à ce
moment et s’ouvrira une période très douloureuse pour le jeune homme qui devra
vivre avec des parents qui se détestent, qui sont en permanence dans la
violence verbale.
Enfin la dernière partie du
livre est constituée par le récit de son départ pour Paris. Il vient d’être
reçu en hypokhâgne au Lycée Louis Legrand et il va, petit à petit, tout en
menant de brillantes études, connaître la vie parisienne et connaître la
période si cruelle du Sida qu’il a magnifiquement raconté dans : Les
quartiers d’hiver.
Pour vous donner une idée du
style de cet écrivain voici la dernière page du livre. Sa mère est morte. Il va
reprendre son train pour Paris, seul et désespéré :
« J’attendais le train de
nuit que je n’avais pas pris depuis longtemps ;il aurait dû être supprimé
comme les autres lignes de nuit avec les anciens wagons-couchettes, mais il
résistait, était encore maintenu pour encore quelque temps grâce à la pétition de ceux qui
aimaient la lenteur, traverser longtemps la France, éterniser sur les rails
leur rêve de la capitale. Paris n’était plus pour moi un but, une promesse,
mais seulement une escale, un lieu commode de départ pour tous ces voyages, ces
villes étrangères- il y en avait tant eu- où j’aimais rester sans lien, sans
donner de nouvelles, sans rien décider ni même cher à aimer. Je n’avais rien
acquis depuis le soir où j’étais parti de Perpignan avec la cantine et les
draps brodés ; la vie avait passé, je n’avais rien anticipé, je n’avais
pas fait attention, je n’avais rien à moi ; tous mes livres tenaient dans
un unique sac… J’étais seul, sans croyance ni compagnon à rejoindre ; il n
y avait pas de maison, de terre de retour, de place pour revenir mourir
.
Le train allait partir
; la gare semblait
déserte ; il n’y avait plus aucun écho de roulements de valises ou de chariots ; mais ils étaient là-bas,
réunis dans la nuit ; c’était les miens, ils ne m’avaient pas
oublié ;ils venaient me dire au revoir, me rappeler que je n’étais pas
aussi seul que je le croyais, avançaient sur le quai, embarrassés, ne sachant
s’ils avaient le droit de monter ou non, essayant de retrouver l’origine de
leur erreur dans le trajet, mais ils n’en avaient pas fait -c’était la
vie ;oscillant avec cette case en moins qu’on avait en commun, ce petit
groupe de déracinés, tendres et cinglés ,ces romanichels d’un autre temps qui
ne jugeaient jamais, habitués à ne rien attendre, à ne rien demander, à ne pas
s’installer, à ne pas se soucier d’être sauvés et qui, sans le savoir,
m’avaient tout donné. »
Après avoir lu ce livre j’ai
pris la décision de relire, cet été, tous les livres de l’auteur.