lundi 21 décembre 2009

La béatification de Pie XII ce qu'en aurait pensé Albert Camus

La décision que vient de prendre le Pape de rendre "vénérable" Pie XII et Jean Paul II est d'abord un mauvais coup pour la mémoire de Jean Paul II qui se trouve ainsi associé à l'un des Papes les plus controversés.
Depuis la belle pièce de théatre de Rol Hochhut en 1963: " Le vicaire" dans laquelle l'auteur se penche sur le silence de PieXII pendant la shoah, rien n'est venu nous prouver que ce Pape avait agi correctement. De cette pièce, Gosta Gavras a tiré son film : " Amen".
Mais sur cette question du silence de Pie XII je ne connais pas un texte plus puissant et plus clair que celui d'Albert Camus dans une conférence qu'il fit en 1948 au Couvent des dominicains de Latour-Maubourg. Voici ce texte que l'on peut relire avec profit aujourd'hui.

"Et pourquoi ne le dirais-je pas comme je l'ai écrit ailleurs? J'ai longtemps attendu pendant ces années épouvantables qu'une grande voix s'élevât à Rome. Moi incroyant? Justement. Car je savais que l'esprit se perdrait s'il ne poussait pas devant la force le cri de la condamnation. Il parait que cette voix s'est élevée. Mais je vous jure que des millions d'hommes avec moi ne l'avons pas entendue et qu'il y avait alors dans tous les coeurs, croyants ou incroyants, une solitude qui n'a pas céssé de s'étendre à mesure que les jours passaient et que les bourreaux se multipliaent.
On m'a expliqué depuis que la condamnation avait été bel et bien portée. Mais qu'elle l'avait été dans le langage des encycliques qui n'est point clair. La condamnation avait été portée et elle n'avait pas été comprise! Qui ne sentirait ici où est la vraie condamnation et qui ne verrait que cet exemple apporte en lui-même un des éléments de la réponse, peut-être la réponse toute entière que vous me demandez. Ce que le monde attend des chrétiens est que les chrétiens parlent, à haute et claire voix, et qu'ils portent leur condamnation de telle façon que jamais le doute, jamais un seul doute, ne puisse se lever dans le coeur de l'homme le plus simple. C'est qu'ils sortent de l'abstraction et qu'ils se mettent en face de la figure ensanglantée qu'a prise l'histoire aujourd'hui."

J'ajoute ce jour 29 decembre cette lettre de Paul Claudel dont le thème set si senblable à ce que disait Camus:

Paul Claudel, le 13 décembre 1945, écrivit à Jacques Maritain, alors ambassadeur de France auprès du Saint-Siège - ce document et ses commentaires furent publié par les Cahiers Jacques Maritain, n° 52, 2006. "Je pense souvent à vous et à la mission si importante et si difficile que vous remplissez auprès de Sa Sainteté. Rien actuellement n'empêche plus la voix du pape de se faire entendre. Il me semble que les horreurs sans nom et sans précédent dans l'Histoire commises par l'Allemagne nazie auraient mérité une protestation solennelle du vicaire du Christ. Il semble qu'une cérémonie expiatoire quelconque, se renouvelant chaque année, aurait été une satisfaction donnée à la conscience publique... Nous avons eu beau prêter l'oreille, nous n'avons entendu que de faibles et vagues gémissements."


On trouve ce texte dans une chronique parie dans le Monde du 29 decembre:

http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/12/29/le-long-peche-par-omission-de-pie-xii-par-patrick-kechichian_1285753_3232.html  

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