lundi 10 novembre 2014

Pas pleurer de Lydie Salvayre

Pas pleurer de Lydie Salvayre, prix Goncourt 2014, que je viens de terminer est un excellent roman tant par le style (j’en dirai un mot) que par l’histoire  de cette femme de plus  de quatre-vingt ans qui raconte ce qui fut, pour elle, une partie essentielle de sa vie  en 1936 à l’ombre de  l’histoire de la guerre d’Espagne, une partie si essentielle ,qu’à l’heure du grand âge, elle ne se souvient bien que de cet été 36. Nous vivons avec elle et, dans un langage savoureux français mêlé d’espagnol avec des trouvailles de vocabulaire que seul ceux qui manient mal la langue savent trouver.
L’auteur en nous racontant cette partie de vie qui est celle de sa mère fait également parler le grand écrivain Georges Bernanos qui, tout en étant de la droite quelques fois extrême fut  a ce point choqué par les exactions, les crimes affreux des nationalistes de Franco qu’il écrivit un livre que son camp lui reprocha : « Les grands cimetières sous la lune » dont Lydie Salvayre utilise des phrases pour nous donner une idée de ce que furent ces années épouvantables.
Ces moments sont affreux mais on rit aussi grâce à la force de cette femme et  grâce a son langage imagé qui fait mouche.
Enfin j’ai retenu une condamnation sans appel de l’attitude choquante, scandaleuse, impardonnable de l’Eglise catholique espagnole, attitude qui choqua au plus haut point l’écrivain catholique qu’était Georges Bernanos.
Je me suis demandé ce q'Albert Camus qui s'est beaucoup intéressé à la guerre d'Espagne avait pensé de Bernanos. Comme d'habitude il ne m'a pas déçu et il a été un des seuls ,à gauche, a défendre l'écrivain de droite avec ce texte paru dans Alger républicain:

"Georges Bernanos est un écrivain deux fois trahi. Si les hommes de droite le répudient pour avoir écrit que les assassinats de Franco lui soulevaient le cœur, les partis de gauche l'acclament quand il ne veut point l'être par eux. Car Bernanos est monarchiste. Il l'est comme Péguy le fut et comme peu d'hommes savent l'être. Il garde à la fois l'amour vrai du peuple et le dégoût des formes démocratiques. Il faut croire que cela peut se concilier. Et dans tous les cas, cet écrivain de race mérite le respect et la gratitude de tous les hommes libres. Respecter un homme, c'est le respecter tout entier. Et la première marque de révérence qu'on puisse montrer à Bernanos consiste à ne point l'annexer et à savoir reconnaître son droit à être monarchiste. Je pense qu'il était nécessaire d'écrire cela dans un journal de gauche.
Albert Camus, Alger-Républicain, 4 juillet 1939.
On lira aussi avec intérêt ce ce beau texte de Camus qui complète parfaitement ce que l'on apprend dans le roman de Lydie Salvayre

Enfin et l’auteur le dit elle-même il y a dans la folie qui s’est emparée de l’Espagne à cette époque des enseignements pour aujourd’hui et pour nous mettre en garde contre le ravage que peuvent faire dans les esprits les idéologies criminelles.

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