jeudi 26 octobre 2017

Une BD pour le "Premier Homme" de Camus

Moi qui ne lit presque jamais de bandes dessinées je viens d’acheter et de lire immédiatement celle que vient de publier, chez Gallimard, Jacques Ferrandez et qui est consacrée au « Premier Homme » d’Albert Camus, ce roman inachevé que l’on a trouvé dans une sacoche lors de l’accident de la route dont il est mort.
J’appréhendai un peu cette découverte car j’avais un tel souvenir du livre, très émouvant et dont je me souviens de la plupart des épisodes, que je craignais qu’en dessin cela ne soit pas aussi prenant.
Je reste sur l’idée , que le dessinateur doit lui-même partagé, que rien ne peut remplacer la lecture du livre avec le style de Camus.
Mais il n’en reste pas moins que cette bande dessinée est très réussie d’abord parce qu’elle n’omet aucun des épisodes importants du livre et qu’elle utilise dans les bulles les propres phrases de l’écrivain, ce qui fait que l’on croit lire le livre et, enfin, parce que les planches dessinées sont absolument magnifiques à la fois par le dessin et les couleurs choisies qui en font autant de petits tableaux.
Le dessinateur qui, à ce que j’ai cru comprendre, connaît bien la ville d’Alger a montré la ville de manière remarquable. Moi qui vient d’y faire un séjour je retrouve totalement les rues, le port, les escaliers les bâtiments (comme le Lycée). C’est frappant d’exactitude et ces images qui me rappellent l’Alger ancien correspondent aussi à l’Alger d’aujourd’hui, le centre n’ayant vraiment pas changé, vieilli, peut être tout au plus.
Et c’est ainsi, par exemple, que je retrouve dans ces dessins le trajet que le jeune Albert faisait tous les matins pour aller de la rue de Lyon à Belcourt jusqu’à son Lycée à l’entrée de Bab el Oued. C’est le trajet que j’ai fait, moi-même, pendant quatre ans.
Au total un très beau livre et qui peut, peut-être, faire entrer quelques jeunes lecteurs adeptes de la bande dessinée dans l’œuvre d’Albert Camus, d’autant que je pense que le Premier Homme est une très belle voie d’accès à cette œuvre. Si elle parvient a ce résultat elle aura le grand mérite de faire aimer Camus à plus de jeunes.
J’ajoute que le livre est précédé d’une belle préface d’Alice Kaplan qui vient de publier une étude très fouillée sur la réception de l’Etranger, ouvrage que j’ai déjà évoqué, ici, dans ce blog.




La petite voleuse de livre

La voleuse de livres de Markus Suzak est un roman que l’on garde longtemps à l’esprit. On ne peut que s’attacher au sort de la petite héroïne Lisa Meminger et à la partie de sa vie (son enfance) qui nous est racontée par une étrange narratrice : la mort en personne !
On apprend à la fin du roman que Lisa Meminger a eu une longue vie, des enfants et petits-enfants et qu’elle a écrit l’histoire de son enfance dans un petit village d’Allemagne au temps du nazisme. On constate qu’elle a vécu des horreurs, qu’elle a vu mourir presque tous ceux qu’elle aimait, qu’elle a appris à lire et à écrire au fond d’un sous-sol avec l’aide de son père adoptif et de Max, un jeune juif caché par sa famille.  
Les portraits de Hans et de Rosa les parents adoptifs sont absolument touchants mais beaucoup d’autres protagonistes (le jeune Rudy et la femme du Maire) de cette longue histoire sombre tireront les larmes du lecteur. C’est le livre de la fureur des hommes en temps de guerre, une description de la vie sous le nazisme et l’emprise qu’il prend insidieusement sur les gens qui finissent par croire aux discours haineux et a y adhérer. Il montre comment ceux qui osent s’opposer sont broyés.
J’ai déjà évoqué ce roman en parlant du roman de Kamel Daoud : Zabor ou les psaumes car tous deux sont un éloge de la lecture et de l’écriture. Dans Zabor le jeune héros croit éloigner la mort en écrivant la vie de celui qu’elle menace et, ici, Lisa Meminger veut aussi arrêter la mort qui s’en prend à Max, le jeune juif, en lui faisant la lecture à haute voix des nuits durant.

J’ai eu envie de lire ce roman, après avoir vu le film qui en a été tiré. Le film est beau et mérite d’être vu mais le roman est inoubliable et bouleversant et il n’est pas étonnant qu’il ait connu un grand succès mondial.