vendredi 16 février 2018

Ronald Aronson : Sartre et Camus. Amitié et combat

Ronald Aronson, spécialiste de Sartre outre-atlantique  a consacré en 2004 un important ouvrage aux rapports entre Sartre et Camus. Le livre est paru en France aux Editions Alvik en 2005 et cette somme nous donne à la fois le détail de l'amitié qu'il y eut entre les deux hommes et analyse en détail ce qui les opposait et qui a prie une énorme proportion dans le conteste de guerre froide qui régnait alors sur le monde et qui sommait chacun de prendre parti. Comme il le dit dans son prologue ce climat politique les a obligé, d'une certaine façon, a aller au del94)à même de leur réelles divergences. Sartre n'était pas tout  a fait communiste et Camus n'était pas davantage un supporter du capitalisme mais les nuances de leurs pensées véritables étaient écartées au profit d'un affrontement frontal entre les deux idéologies. Telle est , semble t-il, la thèse de l'auteur.
Il y a d'abord une réelle amitié entre les deux et ce malgré les différences d'origine et de formations gens s'amusent beaucoup dans le Paris de l'époque.  Mais avant même les différences d'idée il y a une différence évidente entre leurs deux façons d'écrire.
L'auteur écrit ceci qui est très juste:  "Bien que les deux écrivains nous aient laissé des ouvrages philosophiques ou romanesques importants et qu'ils aient abordé avec succès des genres littéraires très variés, Sartre est, par tempérament, avant tout un philosophe voué à la théorie et aux idées générales, tandis que Camus est avant tout un romancier, plus à son aise dans la traduction de situations concrètes." ( p.30)
Une différence va aussi apparaître au moment de la guerre. Camus s'engage dans la Résistance alors que Sartre reste un peu en arrière. Il le reconnaîtra d'ailleurs dans un  bel éloge du Camus de cette époque.
"Vous avez vécu un combat austère, sans gloire ou fanfare. Ses dangers n'étaient guère exaltants et pire vous avez pris le risque d'être dégradé et avili. Sartre a reconnu que Camus avait vécu cette histoire plus profondément et entièrement que bon nombre d'entre nous"
Sarre nous dit que Camus est devenu "la conjonction admirable d'une personne, d'une action, et d'une oeuvre."
On voit donc à la fois la réelle amitié ( un vrai coup de foudre selon Simone de Beauvoir) et l'admiration de Sartre pour Camus qu'il place dans la ligné des écrivains engagés (Voltaire-Zola)et dont il fait ,à cette époque le type même de l'écrivain engagé (p.94 ) et cela ne plait guère à Camus qui écrit cette phrase significative:" J'aime mieux les homes engagés que les littératures engagées. Du courage dans la vie et du talent dans ses oeuvres, ce n'est déjà pas si mal. Et puis l'écrivain est engagé quand il le veut. Son mérite c'est son mouvement. Et si ça doit devenir une loi, un métier ou une terreur, où est le mérite justement?" (p.95)
Ce livre contient aussi, évidement, un très long développement à la rupture entre les deux écrivains à la suite de la publication de L'homme révolté et l'on ne peut que prendre plaisir à lire les échanges très vifs mais magnifiquement écrits entre Jeanson, Camus et Sartre.
Le livre se termine sur l'opposition de Sartre et de Camus sur l'Algérie et là, on est bien obligé d'admettre que Sartre a eu raison contre Camus. L'auteur montre bien que si Camus était tout a fait en avance et très lucide dans les années 1938-1940 il ne réussira pas a prendre la réelle mesure de l'action du FLN et continuera de penser que des aménagements certes sérieux auraient pu suffire alors qu'il n'en est rien. .
Au total un livre très dense , très bien documenté et équilibré dans son jugement sur ces deux grands intellectuels.

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