mardi 24 juillet 2018

Théorie d'Alger de Sébastien Lapaque

Je viens de découvrir un petit livre (une centaine de page) publié en  chez Actes Sud et les éditions Barzach par Sébastien Lapaque: "Théorie d'Alger" qui est un chant d'amour pour la ville d'Alger et j' y ai retrouvé beaucoup de mes propres sensations lors de mon voyage en 2016.
Voici une petite video dans laquelle l'auteur nous explique comment lui est venu l'idée d'écrire ce livre.
Ce petit livre évoque l'Alger d'aujourd'hui qu'arpente l'auteur et l'Alger d'hier à l'histoire mouvementée.Il nous fait connaître le petit peuple d'Alger et évoque des rencontres avec des algériens âgés qui lui racontent l'histoire de cette ville que ce soit des "taxistes" d'un certain âge (car les jeunes sont de plus en plus barbus et muets) ou des rencontres de bar, notamment dans le seul bar où il est possible en dehors des hôtels de luxe de consommer de l'alcool!
IL a des discussions passionnées avec des algériens sur le cas de Camus qui n'est pas encore totalement réglé!
Il parcourt les lieux emblématiques de la ville, le jardin d'Essai, le Musée des beaux arts avec ses magnifiques orientalistes( notamment Dinet), les rues si connues l'ex rue Michelet, l'ex rue d'Isly!
Il y a , aussi, un passage émouvant lorsque l'auteur est à la recherche de la tombe de la mère de Camus la veuve Sintes. Il va d'abord, sur une fausse information à Marengo (Hadjout) le village de l'Etranger puis au cimetière de l'ancien Boulevard Bru sur les hauteurs de Bellecourt, le cimetière d'El Madania et c'est l'occasion de pages émouvantes que je recopie ici.
"Il revint au cimetière chrétien d'El-Madania en avril, sous un ciel bleu et un soleil superbe. C'était très tôt, un dimanche matin,dans un calme absolu à peine troublé par le roucoulement des pigeons. A cette heure de la journée,la vue sur la mer dorée, qui se confondait avec le ciel,était somptueuse. Prêtre de la Mission de France et directeur du centre d'études diocésain Les Glycines à Alger, le père Guillaume, habitué à guider les chercheurs venus du monde entier en pèlerinage sur les traces de Camus, lui avait enfin indiqué où se trouvait la tombe de sa mère. Sûr de son fait cette fois-ci, il avait à nouveau acheté un rosier en pot.
La tombe de mère de Camus est tout en bas du cimetière contre le mur d'enceinte, au milieu de la rangée",lui avait indiqué le père Guillaume. En descendant vers l'endroit indiqué,il observa la différence entre les monuments édifiés à l'entrée de la nécropole, sur les hauteurs ,et la modestie des tomes aux noms souvent effacés qu'on découvrait en bas. Pour trouver la tombe de la mère de Camus,il se fraya un chemin au milieu des herbes folles et arracha les plantes qui poussaient entre les stèles. Il était absolument seul dans le cimetière. Par delà le mur d'enceinte, la vue sur le port était grandiose, avec le quartier de Belcourt en bas sur sa droite et à gauche l'hôtel Aurassi,la place des Martyrs et à la Casbah.
Il trouva enfin ce qu'il cherchait. Une plaque de béton grise, ornée d'une croix, brisée en deux, avec une plaque de marbre portant ces simples mots:

                                          Veuve Lucien Camus
                                        Née Catherine Sintes
                                              1882-1960

La mère d'Albert Camus était donc morte avant l'indépendance de l'Algérie, la même année que son fils, huit mois après ainsi qu'il l'apprendrait en consultant les registres. "C'est trop jeune" avait-elle dit en apprenant l'accident de la route qui avait coûté la vie à l'écrivain. Elle ne lui avait pas survécu très longtemps. Il déposa délicatement son rosier su sa sépulture abandonnée et dit une prière  en songeant a tous ceux qui , de l'autre côté de la Méditerranée,continuaient,de vivre grâce à l'oeuvre de Camus
 ses ayants droits, son éditeur, sans jamais s'être souciés d'honorer la mémoire de la femme qui lui avait donné le jour en entretenant sa tombe. (p 87-88 )"
L'auteur avoue qu'il aime se promener dans les cimetières et je m 'y retrouve tout a fait moi qui ait raconté plusieurs fois mes promenades dans de nombreux cimetières ,ici où là.
Il y a ,aussi, un très bel éloge d'Etienne Dinet et, enfin ,j'ai beaucoup aimé les dernières pages et sa manière de remercier tous les algériens qui l'ont si bien accueilli.
A lire par tous ceux qui connaissent et sont nostalgiques d'Alger et aussi par ceux qui ne connaissent pas cette ville.

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