jeudi 5 mars 2020

Adresse au Parti Destourien libre à l'occasion de son centenaire 1920-2020

Le Parti Destourien Libre fête a fêté le 2  mars son centenaire et ,à cette occasion, certains dirigeants de ce parti m'ont invité à assister a ces cérémonies en Tunisie. je n'ai pu  m'y rendre et j'ai donc adressé , en guise de remerciement , en quelque sorte le message suivant en vidéo.
Je publie,ici , cette vidéo et j'y ajoute le texte écrit.


                                                                   




CENTENAIRE DU DESTOUR 1920-2020
MESSAGE DE MONSIEUR JEAN-PIERRE RYF




Mesdames et Messieurs,
Monsieur Foued Mouakhar, en accord avec Madame Abir Moussi, a bien voulu m’inviter à votre réunion célébrant les cent ans du Destour.
Cette invitation est évidement un grand honneur pour moi et je suis désolé de ne pas avoir pu l’accepter en raison de mon emploi du temps. Je vous remercie cependant vivement et vous dis mon regret de ne pas pouvoir célébrer avec vous cette réunion importante.
Je veux cependant vous adresser ce message en guise de remerciement.
Je veux saluer les nombreux participants qui montrent leur attachement aux valeurs du parti Destourien et par là même comme je le dirai leur patriotisme.
Je voudrai d’abord, avant d’en arriver au fond de mon propos, vous dire dans quel état d’esprit je vous adresse ce message.
Je connais la Tunisie depuis plus de cinquante ans et j’y suis venu régulièrement une ou deux fois par an pour profiter des plaisirs que donne à profusion votre pays : le soleil, la mer, l’accueil chaleureux de son peuple et parce qu’il évoquait pour moi, mon Algérie natale, que j’ai quittée à dix-huit ans et dont j’ai toujours gardé la nostalgie.
La Tunisie, votre pays, a remplacé un peu pour moi, cette Algérie de mon enfance que je n’ai jamais oubliée.
Ceci explique que j’ai suivi l’évolution politique et sociale de votre pays depuis ces cinquante dernières années et que j’ai donc connu le régime du Président Bourguiba, celui de Ben Ali et plus récemment tous les évènements qui ont suivi ce que l’on a appelé : « La révolution du Jasmin » ou encore « le printemps arabe ».
Je voudrai donc vous dire en quelques mots, d’une part, comment je vois la situation actuelle et en second lieu ce que devrait être l’apport de votre parti Destourien à la Tunisie après sa longue et importante histoire.
Je précise que je le fais sans aucune volonté d’ingérence, la politique tunisienne n’appartenant qu’aux Tunisiens, mais comme le ferait un ami.
Je dois vous dire en débutant, que j’ai eu au lendemain de la « Révolution » et du départ de Ben Ali, un immense espoir pour votre pays.
J’ai pensé, qu’avec la qualité du peuple tunisien, due en très grande partie aux réformes du Président Bourguiba dans le domaine des droits de la femme et de l’éducation, ce pays allait choisir la voie de la liberté et du progrès et qu’il allait faire encore un pas de plus vers la modernité.
J’ai, en suivant jour après jour les débats sur les réseaux sociaux, constaté que les Tunisiens s’emparaient avec joie de la liberté de s’exprimer et qu’au fil du temps, par l’échange, la discussion, les débats, chacun progressait dans la connaissance de son histoire, dans la maîtrise des idées politiques et même dans la connaissance du droit constitutionnel.
Cependant j’ai aussi constaté qu’il fallait avoir le cœur bien accroché car je suis passé, comme d’ailleurs beaucoup de Tunisiens, de l’espoir, à la crainte, à l’indignation ; puis de nouveau à l’espoir et, hélas, de nouveau aux regrets et à la tristesse.
Mais je n’insiste pas car vous êtes, tous sans doute, passé par les mêmes étapes que moi.
Je n’entre pas dans les détails mais ce qui a dominé mes sentiments c’est une véritable colère et une forme de honte face à ces hommes politiques et leurs partis dont j’ai détesté l’absence totale de conviction, de patriotisme, occupés seulement de leurs petits intérêts personnels, sans projet et sans ligne directive.
Vous me trouvez, peut-être, bien sévères mais la seule excuse que je peux trouver à ces hommes politiques, sans colonnes vertébrales, c’est la Constitution et le régime électoral, absolument déplorable qui était voulu par les islamistes et qui a, malheureusement, été aussi accepté par des partis qui se disent de progrès et qui favorisent l’émiettement et les tractations douteuses.
Si je voulais résumer la façon dont je vois la situation actuelle, je dirai que le pays court à la catastrophe, à la régression, et qu’il ne peut pas s’en sortir avec la classe politique actuelle et le régime électoral d’aujourd’hui. Car aucun pouvoir n’existe vraiment.
Comme je l’ai dit dans une vidéo, le pouvoir n’est ni à Carthage ni au Bardo en raison de l’émiettement des partis. Aucune politique sérieuse ne peut naître de cette situation.
J’aborde maintenant plus précisément ce que le Destour, votre parti, dont vous célébrez le centenaire de la naissance, peut apporter à la Tunisie en cette période délicate.
Je dirai d’abord que la longue histoire de votre parti depuis 1920 n’a pas été un long fleuve tranquille et qu’il a connu des divisions, des séparations, des retours en arrière, des luttes pour le leadership, mais qu’il faut cependant lui accorder la constance sur un certain nombre de principes sur lesquels il a toujours été intransigeant et qui lui ont permis de conduire, d’abord votre pays à l’indépendance et ensuite à le moderniser en lui donnant un véritable Etat et une administration efficace.
Parmi les qualités essentielles, à mes yeux, de votre parti, je note d’abord le patriotisme.
En définitive, à l’origine de votre parti il y a la volonté de faire accéder le pays à l’indépendance et à le sortir de sa position coloniale. Cela a été un long et difficile combat mais qui, par la persévérance des fondateurs du parti, est parvenu au résultat voulu.
La deuxième caractéristique que je vois dans le Destour c’est son attachement à l’Etat national et au souci de son efficacité et de son indépendance.
Enfin la troisième caractéristique est d’être fondamentalement un parti pragmatique, respectueux des libertés et hostiles aux idéologies totalitaires.
Or on sait depuis Annah Arendt et Albert Camus combien les totalitarismes sont meurtriers et attentatoires aux libertés et aux droits de l’homme.
Le pragmatisme, c’est tenir compte de la réalité, refuser les idéologies plus ou moins rêveuses et avancer en fonction des possibilités et du réel. N’est-ce pas le Président Bourguiba qui a théorisé dans le passé la politique des étapes car il était, à la fois, un visionnaire et un réaliste.
Or ces trois qualités, patriotisme, pragmatisme, attachement à l’Etat national et lutte contre toutes formes de totalitarisme, sont absolument indispensables aujourd’hui et très menacées.
D’abord par les partis islamistes qui ne veulent pas d’Etat et pensent à leur Califat mais aussi par ce qui reste des pan-arabistes qui croient en cette veille lune de l’unité des nations arabes et qui, dès lors, ne voient pas l’Etat national d’un bon œil.
Alors que, maintenir un Etat fort et éclairé, est la seule façon d’aller dans un avenir, certes lointain, vers des unions avec des pays arabes qui, eux aussi, auraient réussi à entrer dans le progrès.
En raison de ces idéologies, certains acceptent que la Tunisie devienne le vassal de certains plus forts ou plus riches ; alors que précisément le Destour, a toujours considéré que la Tunisie devait être un Etat indépendant et libre et qu’il a refusé toutes formes de vassalité., comme vous le faîte encore aujourd’hui avec votre Présidente.
Par ailleurs, l’ennemi principal de la Tunisie, est aujourd’hui l’islamisme politique qui est une idéologie totalitaire et je voudrai insister brièvement sur ce point.
Les partis islamistes instrumentalisent la religion qui devrait appartenir à tout le monde. Les Tunisiens sont des musulmans depuis de nombreuses générations et être un parti qui se dit islamique c’est vouloir créer une division artificielle et meurtrière entre les Tunisiens dont certains seraient de bons musulmans et d’autre pas !
Par ailleurs se fonder sur la religion qui est celle de tout un peuple, c’est vouloir instaurer un régime totalitaire avec une seule vision des choses et de l’avenir et la création d’un nouveau tunisien.
Je voudrai, ici, vous rendre attentif à une phrase qui a été prononcé par M Abdel Fattah Mourou et qui me paraît la chose la plus grave que j’ai entendue.
C’est lorsque dans un aparté avec un obscurantiste il a dit en substance : « que les adultes étaient perdus pour Nadha mais qu’il fallait faire avec les enfants en les éduquant »
Cette phrase est le propre des partis totalitaires qui veulent façonner ce qu’ils appellent le « nouvel homme ». Cela a été vrai des nazis, cela a été vrai des communistes et l’on sait où cela a conduit !
 Ce n’est plus, là, l’éducation à laquelle votre parti est attaché mais la propagande, l’enrôlement et l’endoctrinement idéologique.
Voilà les raisons profondes qui ont fait que j’ai adhéré aussitôt aux discours de votre Présidente Madame Abir Moussi qui, avec lucidité, clarté, persévérance et courage a mis en évidence à la fois les dangers de la situation actuelle et qui a élaboré la seule méthode possible pour en sortir : réformer la Constitution et le régime électoral pour que puisse émerger un réel pouvoir démocratique mais pas impuissant.
J’ai la conviction profonde qu’il est tout à fait possible d’allier démocratie et liberté avec efficacité et réalisations.
C’est la priorité des priorités car rien ne se fera, je le répète, sans cela.
Mais il faudra ensuite, je suis sûr que c’est votre objectif, consolider les libertés, développer l’éducation la seule vraie richesse en ce monde, ce qu’avait compris le Président Bourguiba ; et enfin assurer plus de justice sociale, car la misère, l’absence d’éducation et de culture, conduisent à l’islamisme et aux idéologies mortifères.
Vaste programme mais exaltant.
Je crois que, ce faisant, votre Présidente Madame Abir Moussi et vous-même seraient dans la droite ligne du Destour dont vous célébrez aujourd’hui le centenaire et vous serez, ainsi, fidèles aux anciens, en appliquant à aujourd’hui les exigences qu’ils avaient hier.

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