J’ai vu et
même plusieurs fois le film tiré du roman de Boris Pasternak : Le Docteur
Jivago avec Omar Sharif mais je n’avais jamais lu le roman lui-même et je
vais évidement le lire. J’avais aussi été très intéressé par un documentaire
passionnant qui montrait de quelle manière ce roman, condamné par les autorités
soviétiques qui en refusaient la publication avait franchi clandestinement le
rideau de fer pour être finalement publié à l’Ouest.
J’ai donc
appris avec intérêt la publication chez Robert Laffont du roman de Lora
Prescott « Nos secrets trop bien gardés » consacrée à cette
affaire.
Le roman se
situe aux Etats-Unis et en URSS au temps de la guerre froide et du rideau de
fer et dans le milieu de l’espionnage et de la propagande, plus exactement dans
le pool dactylographique d’une Agence Américaine où se trouvaient des
secrétaires qui étaient aussi, quelques fois, agent secret.
En URSS nous
rencontrons Boris Pasternak au moment où il écrit le Docteur Jivago, Olga sa
maîtresse, celle qui lui a inspiré sa Lara,
habite non loin de chez lui et a
subi trois ans de camp, le pouvoir voulant ,par cette mesure, faire pression
sur l’auteur. Toute l’horreur et souvent l’imbécilité du pouvoir tyrannique est
décrite.
En Italie, à
Milan, nous écoutons l’histoire de cet éditeur qui décide de publier le Docteur
Jivago avant même que l’URSS ait autorisé sa publication dans le pays.
Aux
Etats-Unis nous voyons comment les services secrets veulent utiliser ce livre
dans leur lutte contre l’URSS.
Ainsi le
roman paraitra d’abord en Europe dans différentes langues puis il s’agira pour
les Services d’en faire faire une bonne traduction en russe et de faire
parvenir clandestinement le livre en Russie. Cela sera fait au moment de La
Foire internationale de Bruxelles qui recevra des visiteurs russes.
Une des
belles scènes de ce roman : le jour où Boris Pasternak apprend qu’il a le
prix Nobel de littérature, le jour où le pouvoir fait pression sur lui pour qu’il
refuse et qu’il écrit, avec courage aux Nobel ce télégramme :
« Infiniment reconnaissant, Touché, fier, stupéfait et confus. »
Malgré les
menaces il a accepté.
La
persécution a continué.
Le roman met
aussi en scène la vie personnelle des femmes de l’Agence, les
« dactylos » « espionnes » qui ont œuvré dans l’ombre pour
que ce grand roman soit connu partout et en ce sens ce roman est aussi celui du
pouvoir de la littérature.
Dans un
remerciement l’auteur nous donne ses sources et rend donc encore plus crédible
ce qu’elle écrit.
Je place ici un court texte paru sur Facebook relatant la relation d'Albert Camus avec Boris Pasternak.
L'émouvante correspondance d'Albert Camus et de Boris Pasternak.
*Il est faux de dire que les frontières n'existent pas. Ils existent, temporairement. Mais en même temps, il existe une force de créativité et de vérité qui nous unit tous, dans l'humilité et la fierté à la fois.
*Quelques mois après qu'Albert Camus ait reçu le prix Nobel de littérature en 1957 - ce qui l'a incité à envoyer une belle lettre de gratitude à son professeur d'enfance - il écrivit au grand poète et traducteur soviétique Boris Pasternak ( 10 février 1890-30 mai 1960). Camus était devenu enchanté par l'œuvre de Pasternak pour les raisons mêmes - l'élégance intellectuelle, la pensée critique, un esprit socialiste indépendant - qui avaient poussé le gouvernement soviétique à garder un œil critique sur l'écrivain russe et à menacer progressivement ses libertés civiles.
*Habitué aux amitiés improbables , Camus traversait le rideau de fer, traversait la langue, la culture, la politique et l'âge, avec une large offrande d'appréciation et d'encouragement à un homme qu'il n'avait jamais rencontré mais qu'il ressentait profondément comme une âme sœur . Pasternak, l'aîné de Camus de près d'un quart de siècle, a répondu par un reflet d'admiration merveilleusement généreux.
*Le 9 juin 1958 - peu de temps après la publication française du Docteur Jivago de Pasternak et quelques mois seulement avant que Pasternak lui-même ne reçoive le prix Nobel de littérature, que le Parti communiste russe humilié l'a forcé à refuser - Camus écrit :
Cher Boris Pasternak,
René Char, qui est mon meilleur ami, m'a donné votre adresse car il connaît l'amitié et l'admiration que je porte depuis longtemps à votre travail et à l'homme que l'on sent vivre en lui. Je voulais juste vous envoyer un petit texte dont la seule importance est celle d'un signe lointain, mais fidèle, à votre égard. Nous sommes quelques-uns en France à vous connaître, à partager votre vie, d'une certaine manière. Moi qui ne serais rien sans le XIXe siècle russe. Je retrouve en toi la Russie qui m'a nourri et m'a donné la force. Il est faux de dire que les frontières n'existent pas. Ils existent, temporairement. Mais en même temps il existe une force de créativité et de vérité qui nous unit tous, dans l'humilité et la fierté à la fois. Je n'ai jamais ressenti cela plus qu'en vous lisant et c'est pourquoi je tiens à vous exprimer ma gratitude et ma solidarité.Je vous envoie, à vous et auxvôtres, des vœux chaleureux pour votre travail et votre grand pays. Je te serre la main.
lettre de Pasternak à Camus.
Cher Monsieur Camus,
J'ai peine à en croire mes yeux en t'écrivant, Camus. Une nouvelle page s'est ouverte dans ma vie, celle d'avoir acquis le prétexte, le droit, la chance de vous dire ma joie et ma gratitude pour la nuance particulière du jeu de la pensée universelle d'aujourd'hui, [de vous dire] qu'il est dû à toi.
J'ai rarement le temps de lire ce que j'aime et ce qui m'intéresse. Kafka, Faulkner, toujours pas lus, attendez que je les prenne sur l'étagère de la bibliothèque. Remembrance of Things Past » est interrompu à la fin de « Sodome et Gomorrhe ». je jubile. Je vous félicite d'avoir écrit une prose dont la lecture devient un véritable voyage : on visite les lieux que vous décrivez, on vit les situations relatées, on les ressent pour les personnages principaux… Ma nouvelle amitié, si j'ose dire, avec vous… est une un bonheur indicible, et un enchantement, un conte de fées. J'attrape le souffle inconcevable du jardin à l'aube. Je veux surprendre le mystère de l'éclipse verte du feuillage dense, et je pense à René Char, qui est tout cela. Ou bien je médite sur l'originalité absolue de l'art et sur quelle est la tâche de l'art,plutôt que de la philosophie — saisir l'essence de la vie et le dire de façon palpable… Et vous vous inquiétez de ce qui peut m'arriver et vous oubliez qu'aucun prix ne suffit à cette nouvelle parenté qui vaut infiniment d'être vécue et même subie. Merci, merci pour tout.
*****Pasternak est mort d'un cancer du poumon deux ans plus tard - moins de cinq mois après la mort de Camus .
Avez vous lu le dernier Goncourt " L'Anomalie", un régal ? Avec "La panthère des neiges" ces deux superbes ouvrages apportent un peu de merveilleux en cette triste période .
RépondreSupprimerUn beau film que j'ai revu plusieurs fois !
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