Je viens de terminer la lecture du dernier livre de Christian
Phèline : L’Etranger en trois questions restées obscures paru en 2023 aux
Editions Domens. Comme l’auteur se pose lui-même la question :
« Comment peut-on encore écrire sur l’Etranger » ?
Et pourtant ce livre a le mérite de poser trois questions
pertinentes qui ont parfois reçu des réponses insatisfaisantes.
Ces trois questions sont :
-D’abord celle de l’emplacement exact où se situe la scène du
crime et l’auteur fait la synthèse des recherches qui ont déjà été faites et
montre qu’en réalité la fameuse plage est une création littéraire de Camus
faite du souvenir de plusieurs endroits précis. On sait que le crime a lieu sur
une plage située près d’Oran et le fait divers lui-même a eu une réalité et a
fait l’objet d’un compte rendu dans la Presse de l’époque.
Mais dans le roman cette plage n’est pas située près d’Oran
mais près d’Alger et qu’elle emprunte pour sa description des images que Camus
a déjà utilisé pour d’autres plages et notamment pour celle de Tipaza. Ce
faisant l’auteur montre le mécanisme de la création littéraire à l’œuvre.
-Ensuite celle de la motivation de Meursault : Est-ce un
crime prémédité ou un crime de circonstances ? La psychologie du
personnage est analysée finement et l’on est tenté de pencher vers l’idée d’un « accident »
c’est-à-dire d’un meurtre non prémédité. Il y a dans cette partie du livre une
étude approfondie de la situation et l’évocation que je n’avais lu nulle part d’une
attirance homophile de Meursault envers l’arabe qu’il va tuer. Difficile de se
faire une idée claire même si Luchino Visconti avait eu, aussi, cette lecture.
-Enfin l’auteur se demande pourquoi Camus a conduit Meursault
à la condamnation à mort alors que cette situation est totalement
invraisemblable dans la situation de l’Algérie coloniale. L’auteur s’est penché
sur les divers crimes commis à l’époque en Algérie. Beaucoup peuvent évoquer le
crime de Meursault mais aucun des auteurs de ces crimes n’a été condamné à
mort.
Un livre qu’il faut lire en parallèle d’une lecture de l’Etranger.
Enfin j’ai amé ce livre parce qu’il fait justice de certaines
accusations qui ont été portées contre Camus et encore récemment.
L’auteur écrit ainsi : « A l’inverse, trop souvent dans
sa reprise depuis prés d’un demi-siècle, la dénonciation « post-coloniale »
néglige donc, pour l’essentiel, ce qui sépare un romancier, des actes, des
pensées ou des dires de ses personnages, et que l’objet d’une fiction est de
figurer dans sa complexité contradictoire la réalité dont elle s’inspire, et
non pas de porter sur elle un jugement explicite. »
Bonne réponse a ces lecteurs et universitaires idéologues qui
maltraitent le travail du romancier pour alimenter leurs thèses.
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