dimanche 21 décembre 2008

Souvenirs d'André Labarrére

La ville de Pau ne cesse de regretter son Maire. Quand les discussions de café du commerce s'engagent sur la politique municipale il n'est pas rare que les interlocuteurs déclarent regretter le temps d'André Labarrère. Quel plus bel hommage!
Voici un petit texte paru sur le site : Alternatives Paloises que je reproduis parcequ'il traduit, avec humour, ce sentiments très partagé.


Tout le monde en rêvait. Alternatives Paloises l’a réalisé. Notre correspondant Carmontelle a réussi - dieu sait comment - a obtenir un entretien avec notre regretté maire de Pau, en direct du Purgatoire où il a pris sa nouvelle résidence, par ligne inter satellitaire, grâce au très haut débit dont il fut l’initiateur. Voici l’essentiel de cet entretien.
A@P - Bonjour, monsieur le ministre...AL - Je vous interromps immédiatement, mon cher ami, ici, les titres, les civilités et autres entregents n’ont pas cours - si je puis m’exprimer ainsi, vous savez qu’on me qualifiait dans votre monde d’éternel courtisan (petit rire saccadé) -, mais bref l’ordre hiérarchique des priorités n’obéit point aux mêmes contingences.A@P - C’est-à-dire ? AL - Comprenez-moi, dans votre monde, j’étais l’éternel maire de Pau, ici, je ne suis plus qu’un éternel défunt, la nuance est savoureuse, n’est-ce pas ? Mais venons-en à l’objectif de votre appel. Si les jours ne me sont plus comptés - et la comptabilité ne fut pas mon fort autrefois, j’aimais à citer cette phrase de Figaro qui se présentant à un emploi public dit : « il y fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l’obtint » (nouveau petit rire saccadé) - mais vos heures sont précieuses, alors n’en abusons point. Posez vos questions, mon ami.
A@P - Depuis votre... départ.AL - Décès, dîtes le mot juste, foin de la langue de bois !
A@P - Donc depuis votre décès, nous assistons à Pau, à la déliquescence de la politique culturelle : point d’harmonisation, aucune programmation concertée, déchéance du pôle des abattoirs, suppression de subventions pour certaines compagnies, augmentation démesurée pour d’autres sans contrepartie négociée, mépris des artistes et créateurs, il semble que seul l’OPPB tire son épingle du jeu... Qu’en pensez-vous ?AL - Vous savez, lorsque Périclès mourut, les sénateurs élirent à sa place le stratège le plus niais qu’ils trouvèrent. Cette pale figure contribua à élever dans la conscience populaire celle du défunt qui devint un mythe populaire. Je veux dire par là que je n’ai pas fait mieux ni pis que mes prédécesseurs et que mes successeurs ne feront pas autrement. En matière de culture, il faut dissocier la programmation officielle, forcément arbitraire et bourgeoise, de l’initiative populaire. L’élu dispose du pouvoir et des cordons de la bourse. Il ne maîtrise pas - dieu merci - la conscience du peuple. Les mouvements littéraires et philosophiques les plus marquants de l’humanité se développèrent contre le pouvoir en place, son inertie, sa bêtise ou son obscurantisme. En conséquence, il me semble que le meilleur service que mes héritiers (nouveau petit rire saccadé) puissent rendre à la culture paloise, c’est de poursuivre la politique absurde et insipide que j’ai promue durant mon règne.
A@P - Cependant l’Orchestre de Pau...AL - J’ai été séduit par un jeune homme, faiblesse trop humaine...
A@P - Que diriez-vous à Martine ?AL - Tu as choisi d’exercer le métier de prince, sois en digne et souviens-toi que le meilleur chemin vers la réussite est l’humilité.
A ces mots, notre maire regretté fut pris d’une légère toux. Comme je m’inquiétais de cette indisposition, il me répondit :
AL - Oh ! ce n’est rien, un accident de nuage : j’ai l’âme un peu frileuse à l’approche de ce long hiver qu’est l’immortalité.
A@P - Je ne vais donc pas vous importuner davantage. Un dernier mot cependant.AL - Dernier mot, l’expression ne manque pas de piquant ici... Je vous écoute.
A@P - Vous êtes au Purgatoire, pourquoi pas l’Enfer ou le Paradis ?AL - Oh ! vous savez, on ne choisit pas ses défunts. Le Paradis, pour moi, ce fut être maire de Pau pendant 35 ans, et comme dit Sartre, l’Enfer, c’est les autres...
A@P - Les autres ?AL - Les autres élus !Il y eut des fritures sur la ligne, comme les soubresauts d’un rire distrait et lointain, et la communication fut interrompue. Je n’eus pas le temps de lui souhaiter un joyeux Noël ni de lui demander quels étaient ses vœux pour l’avenir de notre ville.
Je pense qu’il nous aurait régalé de quelque ironique épigramme à la sauce béarnaise et au piment d’Espelette - dont il avait le secret - ou d’anecdotes truffées de vertes saillies à l’adresse du bouillant François ou de la sémillante Martine...
- par Carmontelle

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