dimanche 2 janvier 2011

Venise toujours

Voici , en ce début d'année, un texte que je m'approprie totalement et j'éspère bien aller , de nouveau retrouver ces sensations vénitiennes


.J'ai souvent réfléchi à cet étrange ascendant, à cet attrait singulier qu'exercent sur moi ces lieux auxquels m'attache une tendre fascination. Venise est une ville admirable, d'une beauté unique, et elle a suscité bien des ardentes curiosités et bien des fidelités passionnées.[...]
...Ce n'est pas par mode et par imitation que j'ai aimé Venise et ma passion pour elle n'est pas plus d'origine sentimentale que de provenance esthétique. Certes l'art vénitien en ses manifestations architecturales, picturales ou décoratives m'a charmé. J'ai goûté les merveilles de ses artisans, leurs verreries délicates comme des dentelles et qui s'irisent de toutes les nuances de son ciel et de sa Lagune, mais ce n'est pas par ces voies que Venise m'a conduit jusqu'à son coeur. Mon envoûtement vient d'ailleurs. Je cherche en vain la clé qui m'a ouvert ses portes secrètes et les a refermées sur moi.
Que de fois ai-je poursuivi en moi-même et en elle le mot de cette tendre enigme ! Pourquoi, dès que je respire l'air vénitien, éprouvé-je ce plaisir à vivre où les actes les plus insignifiants et les pensées les plus quotidiennes prennent une valeur particulière, un sens exceptionnel et me communiquent un bien-être inaccoutumé ? Pourquoi m'y sens-je si intimement adapté aux choses, si près d'elles et si à elles, en une sorte de convenance profonde ? Pourquoi le son des cloches dans le ciel, le bruit d'un pas sur les dalles me font-ils battre le coeur d'une certaine façon ? De quelle prédisposition me vient cet accord avec tout ce qui m'entoure ? De quelque lointaine influence atavique peut-être ? N'ai-je pas dans mon ascendance deux aïeules qui portaient un nom à consonanace italienne et qui m'auraient transmis d'obscures affinités ?
[...]Ce sont de longues heures d'intimité passionnée dont j'essaie de fixer le souvenir, les heures où, errant de calle en calle, de campo en campo, voguant sur la solitude lumineuse de la Lagune, balancé aux coussins d'une gondole ou accoudé à la rampe de bois d'une altana, Venise m'a confié, en échange de mon attentive tendresse, quelques-uns des secrets de son silence et de sa beauté.
Henri de Régnier, l'Altana ou la vie vénitienne.

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