lundi 20 février 2017

Kamel Daoud: Mes indépendances

Mes indépendances de Kamel Daoud sont un recueil de chroniques de l’auteur de 2010 a 2016 parues un peu partout car l’auteur est aujourd’hui, après son Meursault contre-enquête, très connu et apprécié et publié un peu partout dans le monde.
Comme tous les recueils de ce genre c’est un livre agréable que l’on peut lire en suivant les chroniques les unes après les autres ou en prenant une chronique ici et une chronique là, car chacune d’elles est un petit texte qui, comme le veut la loi du genre se suffit a elle-même.
Cependant il est clair que l’ensemble a une réelle unité et qu’il donne  a voir le monde aujourd’hui et surtout l’Algérie d’aujourd’hui et il nous donne une vision très triste mais , hélas, très vraie des pays dits musulmans, de l’Algérie qu’il connaît bien pour y vivre et de cette idéologie de notre siècle: l’islamisme politique aussi dangereuse et aussi grave que l’ont été le national socialisme, le fascisme et le communisme soviétique.
Il faut voir comment a travers la description du pouvoir en Algérie le pays est devenu triste, sans ambition réelle, rétif a la liberté et au bonheur, confiné de plus en plus dans une bigoterie qui se répand dans toute la société.
Sur le pouvoir on pourra lire «Schéma standard de la dictature arabe» (p.75) c’est écrit de manière drôle mais le fond est tragique,l «Le concept le plus triste depuis deux mille ans» (p.115) sur l’ inaptitude à la démocratie a laquelle ces pouvoirs ont réussi a persuader le peuple, et encore «Je veux que les révolutions soient un échec» (p.436) qui dit bien comment ces pays voient toute tentative d’aller vers la liberté!
Sur l’Algérie les nombreuses chroniques sont cruelles tant elles montrent l’évidence de l’échec du pouvoir depuis l’indépendance. Il y a d’abord le constat de ‘état du pays, de sa tristesse . On lira «Prenez le jour, rendez nous la nuit» qui montre l’enfermement de ce pays, le «guide de l’Algérie par un ambassadeur américain» (p.63) un pouvoir qui a si mal traité son peuple que  ce dernier ne s’aime pas comme cela est si bien dit dans «Névrose:Les Algériens n’aiment pas ressembler aux Algériens» (p.227);
Sur l’Algérie l’auteur donne aussi quelques clés en montrant comme se comporte le pouvoir pour s’accrocher ainsi dans «La stratégie du labyrinthe pour faire de l’Algérie un «cas complexe» (p.134) au point que pour comprendre l’Algérie actuelle une nouvelle science est née: «Du métier inépuisable de l’  «algérologue» (p.213.) L’auteur est cruel lorsque il pointe la véritable faute du pouvoir qui utilise les «martyrs « de la guerre pour sa petite politique et qui nous dit: «Malheureusement nous n’avons pas eu un Mandela en 1962» car on sent que l’auteur souhaiterait une Algérie regardant l’avenir, ouverte, avec une religion apaisée et ouverte et qui ferait de ses différences (langue-régions) une richesse au point d’acceuillir symboliquement les cendres de Camus (p. 246)
Il dit clairement aussi qu'il faut regarder l'avenir et cesser d'instrumentaliser la colonisation. Il le fait dans une chronique claire : "Peut on encore oser demander des excuses à la France." (p. 229 ) et il le redit aujourd'hui dans un entretien après les propos polémiques de Macron. On lira aussi cet autre entretien  et là encore
Enfin un très grand nombre de chroniques sont consacrées à l’islamisme et à ses ravages en Algérie mais aussi partout dans le monde. L’auteur analyse avec finesse l’emprise de cet islamisme sur les sociétés,  son pouvoir sur les peuples malgré la bêtise, la cruauté et l’absence de réelle perspectives de cette idéologie obscurantiste, son utilisation aussi ,hélas, par les pouvoir et notamment le pouvoir algérien.
Kamel Daoud est-il totalement et définitivement pessimiste? Il ne cache rien de la gravité du mal et de la difficulté d’en venir à bout mais on sent , chez lui, une lueur d’optimisme lorsque il évoque dans plusieurs chroniques la situation et les perspectives en Tunisie. Il va même publier un livre prochainement sur cette question, sur ce seul pays ou un petit espoir reste encore vivant et que les tunisiens ,je l’ espère sauront préserver. Il y a aussi en fin de volume des billets consacrés à la cause palestinienne et Kamel Daoud n'est pas tendre contre l'instrumentalisation qui est faite de cette cause par le monde arabe qui parle beaucoup, qui vitupère mais ne fait rien de sérieux et qui occulte les dérives de certains partis palestiniens sous prétexte qu'il ne faut pas toucher a cette cause et il décrit cela comme une forme d'intégrisme.  Il faut en tous cas ,ici et ailleurs ,lire ces chroniques elles font réfléchir et n’est-ce pas, finalement, l’objectif d’un tel exercice?

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