L’histoire est tragique et est jalonnée de crimes, de fautes, de décisions aberrantes et ceux qui ne veulent voir que la beauté, les œuvres magnifiques, les actes de bravoure et de générosité -et il y en a -ne voient qu’un côté de l’histoire complexe des hommes.
Cela dit l’histoire a été et nul n’a le pouvoir de refaire ce qui a été fait.
Dés lors que cela a existé, la première exigence est de savoir, de connaître sans faux fuyant la réalité et cela seuls les historiens peuvent le faire avec précision et si possible sans passion, car les peuples mêlés à l’histoire en épousent, pendant un certain temps, les passions et les erreurs.
Nous devons donc être conscients de l’importance de la recherche historique qui ne doit pas être bridée, de l’importance des débats autour de cette histoire et de son enseignement élargi.
Par ailleurs l’histoire est complexe, les hommes qui l’ont faite sont eux aussi souvent très complexes et les simplifications, les oublis, l’absence de connaissance du contexte conduisent à des visions réductrices et donc fausses.
Utiliser l’histoire, l’instrumentaliser pour gérer le présent est une grave erreur et tous ceux qui accaparent l’histoire pour demander des comptes et se donner un statut commettent un contre sens, s’adressent non à la connaissance mais à la passion politique et dès lors dénaturent l’histoire.
Ils font de l’histoire réduite dans sa complexité une arme politique.
Voilà les raisons profondes pour lesquelles je suis absolument hostile aux lois mémorielles, à la repentance et que je milite, au contraire pour un développement de la recherche historique et son enseignement.
Vouloir effacer les signes de crimes commis dans le passé c’est avoir une attitude simpliste et vouloir, en réalité, ne plus voir le passé et croire que ne le voyant plus il disparaîtra.
S’en prendre aux statues, au nom de rue ou de place c’est ce qui s’est toujours pratiqué dans l’histoire et les nouveaux pouvoirs qu’ils soient religieux ou civils ont toujours eu la tentation d’effacer le passé et de faire croire que l’histoire commençait avec eux ! C’est là une pauvre attitude complètement déraisonnable et qui ne donne aucun fruit que l’ignorance.
Non il faut garder toutes les traces du passé parce que tout simplement cela a eu lieu et, cependant, il faut, avec la mentalité du moment, analyser, comprendre et éventuellement condamner mais savoir ce qui, encore une fois, nécessite d’accepter la complexité et de refuser les raccourcis et les slogans. On lira ,ici, un exemple montrant que les bonnes intentions ne sont pas toujours les bienvenues. C'est vrai de Colbert et c'est aussi vrai de Jules Ferry. On peut approfondir la question en étudiant l'analyse que fait Paul Ricoeur de la mémoire , de l'histoire...
Je lis , à l'instant, cette information selon laquelle on aurait songé à installer Avenue Bugeaud dans le XVI arrondissement une statue de l’Émir Abdelkader.. Je trouve cette idée -apparemment abandonnée-judicieuse pour deux raisons au moins.
La première est que l'érection de cette statue dans l'Avenue Bugeaud montrerait la complexité de l'Histoire puisque ce serait l'occasion de revenir sur toute une partie de la guerre coloniale en Algérie. Evidemment cela pourrait aussi-et ce qui a sans doute entraîner l'abandon de l'idée- une guerre des mémoires!
La seconde raison pour laquelle je trouve l'idée bonne c'est que l’Émir Abdelkader ne saurait être réduit à un homme de guerre. Il fut même avant tout un homme de paix et de réflexion et on gagnerait beaucoup à étudier sa pensée et notamment sa façon d'appréhender l'Islam.
Vous avez écrit un texte magnifique.
RépondreSupprimerNe rien déboulonner, ne rien effacer , ne pas se repentir des fautes qui ne sont pas nôtres mais ne rien oublier,expliquer pour que ne se reproduisent pas les erreurs les drames passés. Se servir de leur exemple pour aller vers plus d'humanisme...