dimanche 22 janvier 2023

Pierre Lemaitre: Le silence et la colère

        


C'est un roman foisonnant . De nombreuses histoires reliées entre elles simplement par le fait qu'elles concernent les membres de la famille Pelletier, une famille avec ses histoires, ses secrets, ses silences.

Parmi toutes ces histoires, en dehors des histoires d'amour, dans le fond asses convenues, il y a deux thèmes qui émergent et qui font l'intérêt de ce roman: 

Le récit  de la disparition d'u petit village voué à disparaitre sous les eaux par la construction d'un barrage.. On suit cette disparition programmée jour après jour et les réactions des habitants sont bien analysées , les peurs, les regrets, les révoltes face à l'inéluctable. C'est souvent émouvant et on tout de la tragédie avec le malheur qui vient  sans possibilité véritable de l'éviter. C'est la lutte du progrès et les catastrophes qu'il entraine quelques fois. Dans cette partie du livre c'est Hélène , la fille de la famille qui, en sa qualité de journaliste et l'ingénieur Destouches chargé de faire partir les habitants qui jouent les premiers rôles.

Le second thème est celui de l'avortement dans les années 1950.

 

C'est l'occasion pour l'auteur d'évoquer avec subtilité le sort des femmes et de leurs droits à cette époque qui paraît aujourd'hui si lointaine. Tous les drames de l'avortement sont évoquées d'abord pour les femmes mais aussi pour ceux qui les aident et qui font l'objet de poursuites quelques fois abusives. On retiendra dans cette partie ce qui concerne le Docteur Marelle et, aussi, l'inspecteur  Palmari     qui traque les femmes et  ceux qui leur viennent en aide avec une sorte de sadisme et une absence totale d'empathie qui font de ce policier une sorte de caricature qui n'hésite pas à utiliser les ignobles dénonciations de la période de Vichy pour initier ses enquêtes.

                     On peut aussi voir la naissance des commerces de masse destiné à vendre du "pas cher" 

                      plus grand nombre et préfigurant des magasins comme Tati par exemple. 

                    Un grand roman que l'on a du mal à lâcher lorsque l'on a commencé. 

 

lundi 16 janvier 2023

Yasmina Khadra






 Le dernier roman de Yamisna Khadra connaît un grand succès comme , d'ailleurs, beaucoup de ses précédents romans. Les vertueux, tel est le titre de ce roman. C'est l'histoire mouvementée de Yacine Cheraga, fils d'une très pauvre famille algérienne dans la régions des Hauts-Plateaux et dans les années 1915.

Ce très jeune homme est victime ,au moment où se déclenche la première guerre mondiale d'une ignominie commise par  Gaïd Boussai. Cet homme tout puissant et sans scrupule  veut éviter à son fils  de partir à la guerre et surtout voudrait faire croire que son fils se montre héroïque, ce qui l'arrangerait dans son rapport de servilité à l'égard de la France. Il va donc prendre un jeune sur son territoire et l'envoyer à la guerre à la place de son fils. Si ce fait pourrait paraître invraisemblable, n'oublions pas qu'il y eut des époques où l'on pouvait acheter un "remplaçant" pour l'armée! Ici point d'achat, un acte autoritaire sur une population miséreuse et des promesses trompeuses.

Voilà donc le point de départ. Yassine Cheraga, connu , évidement sous le nom du fils de Gaïd Boussai partira à la guerre En France, se battra vaillamment, liera dans le cadre de ces combats avec quelques uns des soldats de sa section qui deviendront comme il le dit plus que des amis, des frères. Il verra mourir beaucoup de jeunes gens dans cette boucherie que fut cette guerre. Une partie du roman nous emmène donc dans  cette guerre et sont bien décrits les conditions des soldats, la misère, les horreurs.

Après la guerre et son retour en Algérie , Yassine se rendra compte qu'il a été trahi par le  Caïd   qui , au surplus a expulsé ses parents de son territoire. S'ouvriront alors de nombreuses péripéties et des malheurs en cascade, mais aussi des gestes de bonté de ses amis où de certains intervenants dans sa vie.

Après une série de malheurs la lumière viendra. je n'entre pas dans les détails car il faut se laisser prendre par le récit.

Il y a ,dans l'attitude de Yassine, tout au long de cette vie, une philosophie qui est celle de l'acceptation de son destin. Là où on imaginerait une immense colère et une volonté permanente de vengeance, on voit que Yassine accepte, qu'il ne se venge pas, qu'il ne recourt pas à la violence.  On a ,là, un exemple de résilience au sens que lui donne Boris Cyrulnik .C'est un vertueux et, à la fin, grâce à d'autres vertueux il trouvera dans un petit village du Sud, dans le désert, une sorte de sérénité contemplative.

Yasmina Khadra vient de faire une tournée en Tunisie pour présenter son roman et, partout, il a obtenu un grand succès comme nous l'indique cet article. qui, de plus m'indique le parcours de l'écrivain et la raison qu'il a eu pour prendre un pseudonyme qui est le nom de sa femme! A Sfax il a été présenté par le Professeur Trabelsi dont j'ai fait la connaissance récemment lors du colloque sur Camus.

vendredi 13 janvier 2023

L'Alouette de Jean Anouilh

 Cette entrée n'est que pour moi, pour me souvenir d'un temps ancien avant qu'il ne sombre définitivement, un petit évènement sans grande importance mais qui ne eut ,pour moi et mes camarades en son temps!

Je m'en sui souvenu en apprenant le décès de Marc Cabane, Préfet  puis Adjoint au Maire de Pau, Marc Cabane qui fit partie de ce moment.

C'était en 1963 ou 1964 j'étais étudiant en droit à la Faculté de Droit qui n'était alors que l'Institut Robert Poplawski et cette année là un étudiant ,brillant, qui s'intéressait beaucoup au théâtre , Serge Groussard avait monté la pièce de Jean Anouilh: L'Alouette qui est le procès de Jean d'Arc reproduit dans le style d'Anouilh dont on connaît aussi une magnifique Antigone.

Cette pièce , les répétitions ,le spectacle donné deux ou trois fois dans l'ancienne salle du Casino de Pau furent pour tous les "acteurs" des moments très heureux et très chaleureux.

Sans fausse modestie je dirai que nous avons eu beaucoup de succès et que tous étaient très bien dans leurs rôles, des amis aujourd'hui un peu perdus de vue: Maité Pucheu dans le rôle essentiel de Jeanne, Granger  dans le rôle de Charles, Didier Moura dans celui de l'évêque Cauchon, Jean Pierre Laborde aujourd'hui professeur émérite de Droit , Marc Cabane :Beaudricourt, Xavier Gayan:

La presse locale nous encensa et signala la belle performance de Maité Pucheu incarnant une Jeanne d'Arc touchante et forte. Elle retint de moi, qui jouai le rôle de l'Inquisiteur la voix cassante et métallique, comme il convient pour un inquisiteur encre que "une voix doucereuse et hypocrite" pourrait, sans doute, convenir aussi pour cette sorte d' engeance!

Sur la liste des acteurs j'ai indiqué ,à l'époque , au crayon les résultats de l'année!

Je suis heureux de rappeler ce moment d'autant plus que Serge Groussard qui monta l'année suivante le "Caligula " de Camus, mourut ensuite très jeune.









  






jeudi 12 janvier 2023

Trois livres magnifiques sur le deuil

 




 






Pendant un petit séjour chez ma soeur j'ai découvert dans sa bibliothèque deux livres superbes sur le même thème: la mort d'un très jeune homme à la suite d'une maladie.

Dans Son frère, Philippe Besson dont j'avais beaucoup aimé "Arrête donc tes mensonges", analyse les rapports de deux frères, très proches dont l'un est , tout à coup, atteint d'une forme de leucémie qui le conduira à la mort. Ce livre c'est le parcours pendant des mois de ses deux frères ,l'un malade et l'autre toujours a ses côtés. Rien du déroulement de cette maladie ne nous est épargné depuis les tâtonnements du diagnostic , les multiples examens plus ou moins invasifs, les échecs, les espoirs finalement déçus.

Mais il y a, aussi, des rappels de l'enfance des deux frères dans la maison de vacances familiale sur l'île de Ré, tout au bout face à l'océan et c'est ce va et vient entre les évolutions de la maladie et les souvenirs, la réaction du malade et de sa famille qui bouleverse le lecteur .  Partout même dans les parties techniques médicales l'émotion court tout au long des phrases et l'on se dit que le plus malheureux c'est peut être, non pas celui qui va mourir, mais ses proches et ce frère aimé.

Le thème est le même dans le recit de Michel Rostain :"Le fils". Là il y a un parti pris particulier puisque l'auteur fait parler tout au long du livre le très jeune homme décédé d'une méningite foudroyante. Ce jeune homme de là ,où il est, examine le comportement et les sentiments de ses parents pendant la maladie de très courte durée et après sa mort. Là encore le livre est poignant, émouvant et on est dans l'analyse fine de toutes les étapes par lesquelles passent le père et la mère: les regrets, la croyance en leur culpabilité, le refus de cette mort et puis, enfin, la manière d'enterrer ce fils. La cérémonie des obsèques est très émouvante.

Le troisième livre est le journal qu'a tenu André Miquel, un universitaire très grand spécialiste des arabes et des musulmans et ce journal est consacré à la période pendant laquelle son fils est atteint d'un cancer qui le conduira à la mort. Ce livre ; "Le fils interrompu" est un des grands livres du deuil d'un enfant ;

Tous ces livres évoquent donc la perte inconcevable contre nature d'un enfant et rappelle de manière différente mais avec une égale force le deuil de Victor Hugo après la perte de Léopoldine et dont il a évoqué l'évolution dans les Contemplations et, notamment dans la partie intitulée: Pauca meae" "Quelques vers pour ma fille". Demain dès l'aube....... et il n'est donc pas étonnant que l'un de ces livres porte en exergue ce s vers de Victor Hugo: " Je cesse d'accuser, je cesse de maudire, Mais laissez-moi pleurer ! 

dimanche 8 janvier 2023

Giuliano De Empoli: Le mage du Kremlin

                                                                   




 Ce roman a beaucoup de succès et c'est justice car il est passionnant et d'actualité car il nous permet de mieux comprendre l'attitude de Poutine en Ukraine. C'est donc un roman mais à partir d'une très sérieuse base historique et il retrace une partie de l'histoire de la Russie ,à cette époque charnière où l'URSS ayant disparue avec la chute du mur de Berlin elle se reconstitue en tâtonnant, une sorte "d'entracte féodal " sous Eltsine.

Plus précisément le roman évoque  ce passage de la période d'Eltsine, homme âgé et malade à celle de Poutine jusqu'alors inconnu. Ce chef des services spéciaux de l'URSS, habitué à la surveillance, aux coups tordus, à la violence va se révéler un habile politicien sachant par ses propos et ses actes aller dans le sens de ce que souhaitaient , à ce moment là , les russes.

Ce passage nous est raconté par un conseiller de Poutine Baranov et, au passage, nous apprenons par l'histoire personnelle de ce conseiller comment était la vie en URSS avec ses contrôles policiers, la création d'une classe de privilégiés, la nomenklatura et ses passes droit, la folie du chef dont les décisions étaient imprévisibles et l'auteur nous montre que cette imprévisibilité des décisions qui créent la terreur dans un pays bien plus qu'une répression permanente. En Russie il y avait les deux.

Quant à Baranov a t-il réellement existé? Je ne le sais pas. Je vais rechercher mais qu'il ait vécu ou pas c'est un personnage très attachant par  sa liberté dans ce monde d'esclave.

Le roman nous fait assister à la mise au pas des oligarques enrichis et le sort de Berëzovski est très bien décrit comme est bien décrit également le premier voyage de Poutine aux Etats-Unis pour l'Assemblée générale de l'ONU et où il assistera ,attéré, à l'humiliation d'Eltsine.

On voit très bien cette reprise en main par Poutine et cette ambiance de Cour autour de lui qui rappelle Saint Simon et Louis XIV, la violence en plus.

Au total le roman suit de très prés l'évolution du pouvoir russe sous Poutine. On comprend mieux son attitude en Ukraine. On aurait pu lire tout cela dans des essais mais le roman nous fait vivre ces évènements et c'est ce qui en fait la force., même si certains estiment qu'il y a plus de magie que de réalité dans ce roman.