vendredi 29 août 2025

Sylvie Le Bihan : L'ami Louis

 Dans ce livre qui se présente comme un roman l'autrice nous raconte la vie de Louis Guilloux, écrivain connu ,qui a vécu toute sa vie à Saint Brieuc et son amitié avec Albert Camus.

Celle qui parle dans ce livre est, elle-même, originaire de Saint Brieuc ,la ville de Louis Guilloux mais elle a complétement rompu avec sa famille et est allé vivre à Paris puis en Angleterre. Elle songe a écrire sur ce conflit familial, un passé qu'elle ne connaît pas vraiment mais qui la mine. 

A Paris elle entre au service de Bernard Pivot et  est chargée de l'aider dans la préparation de son émission célèbre : Apostrophes. Bernard Pivot la charge notamment de la préparation d'une émission consacrée à Albert Camus et de  trouver pour cette émission des amis de l' écrivain . René Char décline et ne veut pas participer et l'oriente vers Louis Guilloux.

Elle nous raconte alors sa prise de contact avec Guilloux et la belle relation qui s'installe entre eux. Le roman est avant tout une évocation de la vie et de la personne de Louis Guilloux. C'est l'occasion de revenir sur la vie de ce milieu littéraire à Saint Germain des Prés et l'on croise beaucoup des écrivains de ce temps là, on assiste à leurs rencontres, aux débats qui agitaient ce temps.

C'est un très beau portrait de Louis Guilloux qui donne envie de relire cet écrivain. L'amitié de Louis Guilloux et d'Albert Camus est longuement décrite et l'on comprend combien ces deux écrivains se sont appréciés, eux qui venaient d'un milieu très modeste, Guilloux le fis d'un petit cordonnier et Camus le fils d'une femme de ménage .Ils étaient un peu en, dehors du cercle des intellectuels de Saint Germain des Prés.

Au total un beau roman ou s'emboitent la vie de la narratrice, la vie de Louis Guilloux et celle de Camus.

samedi 7 juin 2025

Hélène Gestern: Toi

 Ce petit livre ( 87 p.) que l'on vient de m'offrir est celui d'une écrivaine que je connaissais pas et qui a ,pourtant, publier de nombreux livres. Celui-ci est la réflexion de cet auteur sur sa relation aux animaux et plus spécialement à une chatte  persane prénommée "Mimi".

L'auteur analyse ce qui fait la relation que nous avons avec les animaux et, ici, notamment les chats et son analyse psychologique est très fine. Elle montre, mais certains l'ignorent -ils, que la relation avec un animal, ici un chat mais cela pourrait être dit de la même façon pour un chien, a une faculté d'apaisement extraordinaire. On s'en rend compte et ,de plus en plus ,aujourd'hui, des animaux aident les malades ou les personnes âgées et sont admis dans les lieux de soins ou de retraite.

L'essentiel du propos est consacré à la survenance de la maladie chez "Mimi" ,un diabète sévère et la difficulté (assumée) des soins journaliers , des piqures matin et soir, et d'une forme de renoncement aux autres intérêts de la vie. Cela m'a fait penser à une amie qui pendant des années a, elle aussi, piqué matin et soir sa chatte, qui d'ailleurs avait fini par venir réclamer sa piqure.

L'auteur nous livre la réaction de l'entourage ,amis et famille, faite soit de compréhension  et d'aide soit d'étonnement. Après tout cela n'est qu'un animal!

L'auteur évoque aussi l'attachement qui a été celui de beaucoup d'écrivains à leur chat qui serait le compagnon des poètes et des écrivains.

Voilà un livre , bien  écrit, qui plaira aux nombreux amoureux des animaux.



mardi 27 mai 2025

Hamid Grine: Sénac et son diable. Enquête

Hamid Grine est un écrivain algérien qui a été journaliste, deux fois Ministre et qui écrit plusieurs livres concernant des écrivains Français.
Originaire de Biskra il s'est intéressé à André Gide qui a fait plusieurs séjours dans cette ville et dont il nous dit qu'il lui a appris à mieux voir et apprécier sa ville natale.
De même il a écrit sur Albert Camus qui a ,aussi, révélé aux Algériens la beauté de leurs pays dans ces textes inoubliables sur Tipaza et Djemila.
Dans le présent ouvrage qu'il présente, a raison, comme une enquête il s'intéresse à la mort de Jean Sénac. Il connaît bien l'œuvre de ce poète qu'il admire et revient sur sa mort, assassiné dans son logement de la rue Elysée Reclus .
Sur cette mort, survenue en 1971 a circulé , très vite après des thèses suggérant que Jean Sénac aurait été assassiné pour des raisons politiques soit par le pouvoir soit par les islamistes parce qu'il était indésirable en raison notamment de ses mœurs et parce qu'il parlait haut et fort et très librement et qu'il était devenu très critique sur l'évolution du pays.
Cette analyse avait été , ensuite , reproduite systématiquement par tous les biographes de Sénac.
Hamid Grine s'est livré à une enquête minutieuse, il a rencontré des protagonistes et des personnes qui connaissaient la vie de Sénac et il parvient à la conclusion que cet assassinat est une affaire de mœurs liée à l'homosexualité du poète.
Est-ce que l'auteur nous convaincs et enlève toutes les zones d'ombre?
En réalité il y a , dans cette enquête, de tels rebondissements et notamment son entretien avec celui qui fut présenté comme l'assassin de Sénac que l'on en vient à ne plus savoir vraiment (la saura t-on un jour)quelle est la vérité.
Son analyse est, cependant, tout à fait crédible et , dans l'avenir, on ne pourra pas se contenter des analyses qui prévalaient jusqu'alors.
Il n'en reste pas moins que Jean Sénac restera pour toujours celui qui a participé à la guerre d'indépendance, qui croyait à une Algérie ouverte et plurielle et  qui en a été exclu: privation de son emploi, refus de la nationalité; Sur ce refus de la nationalité il y a plusieurs pages et les politiques de l'époque n'en sortent pas grandi. C'est le moins que l'on puisse dire.
Le livre est également captivant car il fait bien revivre cette période et  nous y voyons le monde politique te le monde intellectuel de l'époque.
C'est aussi l'occasion pour l'auteur de revenir longuement sur la relation de Jean Sénac avec Albert Camus et avec le milieu littéraire de l'époque.

jeudi 10 avril 2025

Xavier Le Clerc : Le pain des Français.

Xavier Leclerc a publié il y a quelques années  un livre très fort, très émouvant en hommage à son père, algérien, immigré en France. Xavier Leclerc est un admirateur de l'œuvre d'Albert Camus et ils utilisait dans ce livre des éléments tirés des enquêtes de Camus lorsqu'il était journaliste à Alger Républicain sur la "Misère en Kabylie" cette région dont son père était originaire. Une nouvelle fois je recommande la lecture de c

.beau livre.   https://jpryf-actualitsvoyagesetlitterature.blogspot.com/2022/09/xavier-le-clerc-un-homme-sans-titre.html

Voilà que dans un roman qu'il vient de paraitre: "Le pain des Français"  il aborde la question des crimes commis par la France lors de la conquête de l'Algérie. Il le fait de manière originale, cruelle et émouvante en racontant l'histoire de Zohra dont seul subsiste un crâne déposé avec , hélas, beaucoup d'autres dans les sous-sols du Musée de l'Homme au Trocadéro.

En examinant , en s'adressant à ce crâne, en  nouant un dialogue entre  le destin si cruel de cette petite fille et  lui-même l'auteur nous fait passer du passé au présent.

A l'heure où une déclaration du journaliste Apathie sur les crimes de la France en Algérie a entrainé de nombreuses réactions, il est bon de lire ce roman qui donne vie à une partie de ces  crimes et qui derrière des faits bruts et des statistiques nous oblige a voir l'histoire en  face. C'est un roman mais il est étayé par de nombreuses études historiques, par des mémoires des participants à ces crimes.

Je dois dire que je connaissais cette histoire de crâne conservés et dont la restitution à l'Algérie est en discussion, mais c'est une chose de connaître la question et une autre de la voir prendre chair ,si l'on peut dire, dans une évocation romanesque.

On a beau savoir que l histoire est tragique et que les hommes ont commis des abominations on reste stupéfait face a ces comportements,emanant parfois d hommes cultives.

La réconciliation est possible car l'on ne peut tenir pour responsables les hommes et les femmes d'aujourd'hui des agissements de meurs aïeux. Mais cette réconciliation ne sera possible que par la connaissance de l'histoire et de ses crimes et par la reconnaissance de ces abominations.

L'histoire ,quant à elle , peut être mieux comprises par la littérature ,la fiction (basée sur des faits réels) car elle est source d'émotion ,elle fait appel à la sensibilité et comme le disait le Petit Prince "On ne vois bien qu'avec le cœur ".

L'auteur au cours de sa réflexion revient sur son propre parcours que nous avions déjà compris dans son précédent ouvrage et il tente de rapprocher son destin et celui de cette petite fille, ce crâne du Musée de l'homme.

Encore un roman à lire. Après sa lecture on ne peut rester le même.

mardi 8 avril 2025

Jean Noel Pancrazi: Quand s'arrêtent les larmes.

Et voilà un nouveau livre de Jean Noel  Pancrazi: Quand s'arrêtent les larmes qui vient de paraître chez Gallimard.

J'ai presque tout lu de cet auteur dont j'admire le style et la sensibilité à fleur de peau. Trois  grands thèmes dans son œuvre: l'enfance en Algérie (Madame Arnoul, La montagne, Renée Camps, Je voulais leur dire mon amour) sa famille au retour d'Algérie à Perpignan: (Long séjour,), son homosexualité ( Les quartiers d'hiver, Les dollars de sable).

Dans ce dernier livre il revient à la fois sur l'enfance en évoquant sa petite sœur et ses propres amours le plus souvent dans des pays éloignés et souvent avec des jeunes gens pauvres. On retrouve donc les différents éléments figurants déjà dans ces récits antérieurs.

Le point de départ de ce livre est la maladie de sa sœur atteinte d'un cancer et qu'il vient rejoindre à Perpignan où elle vit et , comme toujours dans les livres de Jean Noel Pancrazi on retrouve cette émotion qui traverse tout le récit lorsqu'il évoque cette petite sœur aimé affrontant l'épreuve de la maladie et l 'évocation de ses amitiés lointaines. C'est un très beau portrait de sa sœur, une jeune femme déterminée, active, soucieuse des autres et qui s'engagent avec générosité. Il y a beaucoup de pages absolument bouleversantes et pour compléter cette courte analyse je ferais prochainement la lecture de quelques pages qui vous donneront , je pense, encore plus l'envie de lire cet auteur.

lundi 10 mars 2025

Jean Pélégri: Le maboul

 Je viens de terminer la lecture du Maboul de Jean Pélégri après avoir lu et aimer :Les oliviers de la justice. Ce roman est très différent même s'il se passa aussi dans la campagne, dans ce milieu de l'agriculture et des petits colons. 

Tout le roman est le soliloque de Slimane qui raconte sa vie de pauvres ouvrier agricole et, ce faisant, celle des innombrables ouvriers dans ce domaine.

Ce roman est d'abord un exercice difficile et pourtant très réussi de style car l'auteur fait parler Slimane tout au long du roman dans une langue particulière, à la fois pleine d'erreurs, mais aussi de trouvailles , d'idées particulières, d'expression très imagée. On comprend de que Slimane veut dire mais il le dit à sa manière et tenir ce style tout au long d'un roman de prés de 200 pages est une réelle prouesse.

Le roman est un peu policier car Slimane a tué un homme et il ne sait pas très bien pourquoi. C'est un maboule c'est à dire quelqu'un d'un  peu dérangé mais pourquoi est-il dans cet état?

Le tout se déroule dans une exploitation agricole pendant la guerre d'Algérie et l'atmosphère est fort bien rendu. Il est vrai que Jean Pélégri était un agriculteur, fils d'agriculteur. (Voir les Oliviers de la Justice)

André le propriétaire  et Slimane se connaisse depuis longtemps. Ils discutent souvent ensemble et il y a des discussions émouvantes lorsqu' André parle de son fils Lakhdar à Slimane. Ce fils fait la guerre en France et sur une grande carte André montre régulièrement à Slimane où se trouve son fils. 

Ils sont vieux tous les deux, la vie a passé et bientôt ce domaine pour lequel ils ont tant donné, l'un et l'autre, va probablement disparaitre. On songe a des scènes de Tchekhov. (Oncle Vania et la cerisaie ).

L'atmosphère de la période de la fin de la guerre est fort bien rendu.

lundi 3 mars 2025

Jean Pélégri : Les oliviers de la justice

 Ce roman a été publié par Jean Pélégri en 1959 et je le découvre qu'aujourd'hui. C'est une très belle découverte d'un romancier Algérien qui fut un juste.

Le roman se situe en 1955 alors que la guerre d'indépendance vient de commencer et que le père de l'auteur est en train de mourir. Tout le début du roman est l'évocation de cette mort d'un père respecté et aimé qui fut un des ces agriculteurs pionniers qui défrichèrent et assainirent à force de travail ce qui deviendrait la belle région agricole de la Mitidja. 

C'est l'occasion pour l'auteur de se souvenir de son enfance , de son adolescence , de la naissance de son amour pour cette terre. Dans ces évocations de la jeunesse et de l'admiration pour son père  on pense aux souvenirs de Pagnol dans la Gloire de mon père.

Le roman m'a plu car il évoque des endroits que j'ai bien connu. La ferme des Pélégri était situé pas très loin du petit village colonial où ont vécu mes grands parents maternels: Le Fondouk. La description des paysages que l'auteur fait avec talent me renvoi à mes propres souvenirs et à mes propres impressions. 

De même lorsqu'il évoque ses pérégrinations d'adolescent dans l'Alger d'autrefois je m'y retrouve totalement et lors de mon dernier séjour à Alger j'ai suivi ces itinéraires.

Mais ce roman n'est pas qu'un livre de souvenir il est une réflexion sur le sort fait aux Algériens. Dans la famille Pélégri on travaillait avec les Algériens mais on allait plus loin car se créaient des liens de fraternité profonds et un respect et une admiration pour la culture de cette population et tout cela est bien rendu dans le roman.

Le roman se passe en 1955. les Algériens et les pieds noirs ont connu, très peu d'années avant, la fraternité d'armes. Les Algériens se sont montrés courageux et ont défendu la France avec bravoure. Or bien loin d'en être reconnaissant on les a traités avec une grande injustice  qui révolte Jean Pélégri. Il pousse un cri  émouvant contre cette injustice.

Le roman nous amène à réfléchir à nouveau sur l'injustice coloniale qu'il décrit très bien et à un moment il a cette formule:

"Ce que je comprenais pas, c'est que, d'abord, pour qu'un paysage devienne un pays, il ne suffit pas qu'il soit beau. Encore faut-il que tous les hommes s'y sentent égaux."

Jean Pélégri a dédicacé son roman  un poète Jean Sénac et tous deux, mais aussi Camus partageaient cette espoir d'une Algérie plurielle et libre. On sait ce qu'il en est advenu. Sans doute ,  contrairement à eux, Camus n'a pas pu envisager l'indépendance du pays mais il a , comme eux, contester le colonialisme et il aurait adhéré pleinement à ces rêves de fraternité qui court tout au long de ce très beau roman.