lundi 18 avril 2022

René Fregni: Minuit dans la ville des songes



                                                                 




 Ce livre présenté comme un roman est en réalité une sorte d'autobiographie, une histoire de formation et surtout un magnifique éloge de la lecture. La vie de Renè Fregni , né à Marseille et y ayant vécu de nombreuses années est intéressante à plus d'un titre car c'est une sorte de roman d'éducation. Le héros a été un enfant turbulent, mauvais élève, rétif a toute forme d'autorité et qui a désolé une mère aimante et qu'il aimait pourtant beaucoup. 

Il ya de belles pages sur cet amour maternelle mais qui n'a pas réussi à l'empêcher de faire ,comme on le dit, des bêtises. Evidement faisant ses "bêtises" il les regrettait aussitôt et était malheureux de peiner sa mère et il a cette phrase à la fois belle et si vrai toujours. Il vient d'être exclu de l'école: " Tête basse, sans un mot, plus discrète que le silence, ma mère allait attendre son bus ,mon livret à la main. Fallait-il que mon coeur soit de pierre pour imposer à cette femme, si douce, et qui m'aimait tant, unetelle tristesse. Ce sont les seuls regrets de ma vie et ils ne servent à rien."

On le retrouve donc en cavale ou en prison très souvent mais là n'est pas l'essentiel de ce beau livre qui est un éloge de la lecture , de la littérature laquelle va le sauver.

Il a commencé à lire grâce à un aumonier dans un quartier disciplinaire et la lecture ne le lâchera plus, il y trouvera le dépaysement, le rêve, la réalité.IL lira les grands auteurs partout où il sera. Il y aura dans sa vie des moments de grâce, des moments lumineux comme ce séjour en Corse ,à Bastia après avoir déserté de l'armée. Il faut lire ces pages magnifiques magnifique hymne à la beauté de la Corse, de la mer, de la méditerranée et de la mentalité corse. 

"Je ne possédais rien, même pas un lit pour dormir, une table pour manger, une chaise pour m'asseoir. Deux chemises et mon blazer suspendus à une ficelle tendue dans la chambre. J'avais la lumière immense de la mer, l'odeur du maquis, l'eau fraîche d'une source, tous ces arbres qui allaient fleurir, des livres que je choisissais moi-même, que je comprenais maintenant. J'étais l'homme le plus riche du monde, ma liberté était sans limite....... Je vécus sur cette colline, au dessus de Bastia, dans ce dépouillement, entre la page d'un livre et celle de la mer, la plus belle année de ma vie."

De là il errera en Grèce puis en Turquie et reviendra dans a région natale à Manosque où il tentera de faire oublier qu'il est déserteur.

Puis ce sera Aix où il vivra une vie d'étudiant sans l'être vraiment et deviendra un soignant  apprécié dans un hôpital psychiatrique, passera des diplômes et finira par se faire rattraper pour purger sa condamnation a trois ans d'emprisonnement pour désertion et deviendra écrivain.

En racontant ces pérégrinations il pense et évoque les livres qu'il a lu: Dostoïevski, Albert Camus et l'Etranger et Giono pour lequel il a une très grande admiration parce qu'il sait, comme personne , évoquer cette région autour de Marseille mais aussi Céline et d'autres encore.

Lire c'est aussi pour lui entendre la voix de sa mère qui, lorsqu'il était enfant, assis sur ses genoux lui lisait d'une voix tendre Les Misérables ou Sans famille.

Magnifique livre évoquant des paysages somptueux , des livres, une littérature qui l'a sauvé.  En terminant ce beau roman, on se dit que ce jeune si rétif à l'autorité et qui a fait tant et tant de bêtises avait cependant un bon fond puisque la pensée de sa mère et la littérature ont réussi à lui éviter le pire et il donne à penser que même chez le délinquant apparemment le plus compromis il y a un fond positif qu'il faut savoir trouver. Ici la clé a été la littérature.

Et je ne peux pas terminer sans citer cette conclusion si émouvante de son livre:

"Je n'ai pas de bibliothèque. Les livres, je les ai ramassés partout, laissés partout. Je suis un fugitif. J'ai lu Giono dans un cachot glacé, Camus face à des champs de tabac, Dostoïevski sur les rochers de Bastia, devant la mer. J'ai découvert Jim Harrison dans la chambre d'une étudiante, Carson Mac Cullers dans un train qui longeait le Rhin.

J'ai lu sur tous les chemins, au sommet des collines, enfermé dans les cabinets de l'hôpital, adossé à tous les talus. j'ai lu dans des gares, des bus, je ne sais plus où sont tous ces livres, ils vibrent en moi, à la pointe de chaque nerf, dans chacune de mes cellules.

Je suis devenu en lisant Meursault, Raskolnikov, le Grand Meaulnes. J'aime les vagabonds, les errants, tous les picaros, Don Quichotte, Bardamu... Je marche la nuit avec Jean Genet, sur toutes les routes poussiéreuses d'Europe. Je fais partie de ce peuple anonyme des lecteurs. Chacun de nous est assis dans sa chambre, un livre à la main, et nous voyageons dans un immense rain qui n'existe pas." (p. 252)

On peut écouter,  René Fregni parler de son livre dans la Grande Librairie




mercredi 13 avril 2022

Un occident décadent?

 Un occident décadent ?

Que ce soit du côté des islamistes (mais aussi de certains musulmans), du côté de la Turquie d’Erdogan, du côté de la Russie de Poutine, dans quelques monarchies dictatoriales ou militaires ou encore dans quelques pays européens de l’Est comme la Pologne de Monsieur Orban ou la Hongrie on entend ce refrain, mille fois répétés, selon lequel l’occident et ses valeurs seraient la preuve d’une décadence qu’il faut combattre.
Cette idée on la retrouve chez beaucoup de musulmans soit dans leur pays soit en France dans les quartiers et ce rejet de « l’ occident » est ,à nouveau réapparu au grand jour à l’occasion de la guerre menée par la Russie en Ukraine où l’on a pu constater , en Tunisie par exemple, une forme de soutient à Poutine par rejet de l’occident !
Cette affirmation sur la décadence de l’occident est à la fois complétement fausse et très dangereuse car elle conduit souvent ceux qui la portent à l’extrémisme et à la violence et entrainent des pouvoirs autoritaires et liberticides et ce n’est pas parce qu’ils répètent cette affirmation quelle est vraie !
Non content de refuser ces valeurs ils affirment souvent qu’il faut les combattre au besoin par la violence pour échapper à cette prétendue décadence !
Examinons d’abord quels sont les signes de ces valeurs décadentes ?
De manière générale c’est la liberté qui est visée : liberté d’expression , de manifestation, de discussion car pour ces idéologies ultra conservatrices la discussion libre et l’appel à la raison est déjà le premier signe de la décadence.
Plus précisément des principes comme l’égalité des hommes et des femmes, le fait que les femmes puissent librement mener leur vie, s’habiller librement, travailler , vivre de la façon dont elle le souhaite, ne pas être soumises aux hommes et ne pas se contenter d’être des mères et des femmes au foyer, éloignées de l’éducation est l’objet de critiques et de restrictions dans ces idéologies à la manière des talibans ou de façon plus subtile mais tout aussi dangereuse. Les islamistes en sont évidemment les premiers tenant et ceux qui briment le plus ce principe, mais les autres suivent aussi ces analyses.
Autre critique des valeurs concernant le droit de chacun de vivre sa sexualité comme il l’entend. Dans les idéologies que j’évoque seul le modèle un homme/une femme et dans le mariage serait admis et le reste la démonstration de la décadence !
Cette affirmation passe même quelques fois par la négation, contre toute évidence, de l’inexistence dans ces pays de l’homosexualité par exemple, ce qui est à la fois évidement faux et complétement ridicule, l’histoire millénaire étant là pour le démontrer.
Inutile de dire que dans ces pays se développe une hypocrisie absolue ,les gens vivant cachés, honteux. Que ce soit les homosexuels ou les femmes des comportements complétement hypocrites se mettent en place dans tous les milieux y compris dans ceux qui développent les condamnations et ils osent appeler cela la morale!
Ces pays et ces idéologies condamnent donc ces comportements et ces libertés en les déclarant immorales alors que d’une part ils favorisent l’hypocrisie bien plus immorale et que d’autre part ces pays sont, souvent et même, disons le toujours, ceux où règnent la corruption et les passe droits les plus honteux qui, eux ,sont sans doute des comportements moraux !
Ceux qui prétendent penser nous disent que l'explication de cette prétendue décadence serait l'absence de "spiritualité" de cet occident préoccupé seulement de consommation!
Je note seulement que c'est en occident et beaucoup moins ailleurs qu'il y a le plus de créativité, d'inventions scientifiques et techniques et de création de littérature et d arts et si la "spiritualité" dont on parle est dans ces pratiques de la religion qui confirment, le plus souvent, à de la bigoterie et de l'hypocrisie je pense qu'il vaut mieux s'en passer.
J'ajoute que l'attraction des pays occidentaux est nettement supérieur à celle des autres et cela devrait questionner les partisans de cette thèse de la décadence du monde occidental!
Notons, en effet, que les religions ont, hélas, une immense part de responsabilité devant ces attitudes partout où ces idées se développent, que ce soit l’Islam mais aussi les Orthodoxes et les intégristes chrétiens.
Il faut donc lutter de manière permanente pour mettre ces pays et ces idéologues face à leur hypocrisie et à leur aveuglement.
Non les valeurs dites occidentales n’ont rien de décadentes et favorisent, au contraire, la marche de l’humanité vers plus de liberté, plus de responsabilité et moins de cette hypocrisie sociale qui a fait tant de mal depuis si longtemps en empêchant de vivre heureux tant de gens qui n’étaient une menace pour personne.
Les régimes ,le plus souvent autoritaires qui soutiennent cette thèse sont parmi les plus corrompus et ceux qui maltraitent le plus leur peuple et qui sont dans le déni de la réalité. Ils veulent avoir à faire-en tous cas c’est ce qu’ils disent- à une humanité qui n’a jamais existé et ils se refusent à laisser vivre des citoyens qui n’ont pas choisi leur façon d’être et de se comporter en les rabaissant et en les brimant. Ils ont perdu face à l’histoire et ils faut le leur dire et le leur répéter, même s’il est illusoire de penser que l’on parviendra à secouer des millénaires d’obscurantisme et que l’on fera certains réfléchir par eux-mêmes. !