mardi 26 mai 2020

Albert Memmi: Portrait du colonisé


Comme je le fais souvent à l’occasion d’un décès je relis en ce moment l’ouvrage d’Albert Memmi : « Portrait du colonisé » dans l’édition Gallimard de 1985 avec une préface de Jean Paul Sartre et une préface de l’auteur datée de 1966.
Albert Memmi https://laregledujeu.org/2020/03/18/35765/albert-memmi-vie-et-oeuvre-de-lauteur-du-portrait-du-colonise/?fbclid=IwAR3XARndGYfgYwigx4zFrk6gqCtqt6sGs1kjvzZxgy60iJS58uqslP2oxp8  est un écrivain d’origine tunisienne qui a produit une œuvre considérable et qui a marqué son temps.
On y trouve des analyses à la fois brillantes et fortes et j’y découvre par exemple une excellente explication de la mauvaise conscience de la gauche, mauvaise conscience qui la conduit à accepter l’inacceptable comme c’est encore le cas aujourd’hui.
Cette phrase par exemple n’a pas pris une ride « Il soutiendra la libération inconditionnelle des colonisés, avec les moyens dont ils se servent (le terrorisme c’est moi qui ajoute), et l’avenir qu’ils semblent s’être choisi. Il finit par admettre que la condition humaine puisse signifier le Coran et la Ligue arabe. Le Coran soit ; mais la Ligue Arabe ! La juste cause d’un peuple doit-elle impliquer ses mystifications et ses erreurs ? Pour ne pas être exclu ou suspect, le colonisateur de gauche acceptera cependant tous les thèmes idéologiques des colonisés en lutte : il oubliera provisoirement qu’il est de gauche. » p. 63
Albert Memmi montre aussi et c’est ce qui est le plus cruel que même ce colonisateur de bonne volonté qui a œuvré pour la libération du peuple colonisé n’aura pas sa place dans le nouvel Etat.
« Il aura beau se rassurer. « J’ai été ceci ou cela avec les colonisés » il soupçonne, ne serait-il aucunement coupable comme individu, qu’il participe d’une responsabilité collective, en tant que membre d’un groupe national oppresseur. Opprimés en tant que groupe, les colonisés adoptent fatalement, une forme de libération nationale et ethnique d’où il ne peut qu’être exclu. »  (p.65)
Il y a aussi le pendant du portrait du colonisateur celui du colonisé et celui-là doit être diminué et on lui attribue des traits comme la paresse pour faciliter son exploitation, sa frugalité pour justifier de mal le paye !
Camus l’avait déjà dit dans ses articles « Misères en Kabylie ».
Ce qui fait aussi l’intérêt de ce livre qui a connu un succès mondial c’est qu’il est écrit dans un style élégant et loin du langage érudit. Il parle de ce que chacun peut comprendre et ressentir.
On lira cet hommage du Professeur Guy Dugas et la video d'un entretine d'Albert Memmi
https://algeriecultures.com/actualite-culturelle/albert-memmi-va-manquer-cruellement-au-monde-de-demain-guy-dugas-professeur-de-litterature/?fbclid=IwAR3WylNcX9tkM9_gt9HksOvuGw8vlj78LnyOoe-PrYnenyetP_4vrbziqFs
Il faut savoir que cet anticolonialiste  est cependant assez peu étudié dans les anciens pays colonisés car on lui reproche son "sionisme

lundi 18 mai 2020

André Scwartz-Bart: Le dernier des Justes


Je découvre le roman d’'André Scwartz-Bart« Le dernier des Justes » qui fut Prix Goncourt 1959. On sort de la lecture de ce roman complétement bouleversé. C’est un roman difficile à résumer car il se déroule sur des siècles et nous raconte, à travers des chroniques anciennes, la vie d’une lignée de « justes » nés dans une famille Levy jusqu’à l’holocauste final, en passant par les milliers de pogroms, de persécutions en tous genre, de fuite d’un pays à l’autre, une vie toujours menacée. La fin du roman consacré à l’histoire du « dernier des justes » Ernie Levy est émouvante et nul n’y restera insensible.
Et ce roman se termine par la mort d’Ernie Levy à Auschwitz au milieu des enfants qui vont être gazés après avoir parcouru depuis Drancy des milliers de kilomètres dans un Wagon plombé, avec pendant le trajet des morts qui s’entassent dans un coin du wagon.
Chacun connaît l’horreur de la « solution finale » mais elle reste quelques fois abstraite. Elle ne le sera plus pour ceux qui liront ce magnifique roman. Quelqu’un qui a su écrire un tel roman a justifié sa vie et voici quel était son projet en écrivant ce roman : « … Je n’ai pas cherché (mon) héros parmi les révoltés du ghetto de Varsovie, ni parmi les résistants qui furent, eux aussi, la terrible exception. Je l’ai préféré désarmé de cœur, se gardant naïf devant le mal, et tel que furent nos lointains ascendants. Ce type de héros n’est pas spectaculaire. On le conteste volontiers aujourd’hui au nom d’une humanité plus martiale… On voudrait que mille ans d’histoire juive ne soit que la chronique dérisoire des victimes et de leurs bourreaux… je désire montrer un Juif de la vieille race, désarmé et sans haine, et qui pourtant soit homme, véritablement, selon une tradition aujourd’hui presque éteinte »
Ce roman a été critiqué par certains, des critiques que je ne comprends absolument pas (mais qui ont meurtris l’auteur) car ,pour moi, c’est indiscutablement un chef d’œuvre.
Et voilà les dernières lignes de ce roman :

« Ainsi donc, cette histoire ne s’achèvera pas sur quelque tombe à visiter en souvenir. Car la fumée qui sort des crématoires obéit tout comme une autre aux lois physiques : les particules s’assemblent et se dispersent au vent, qui les pousse. Le seul pèlerinage serait, estimable lecteur, de regarder parfois un ciel d’orage avec mélancolie.
Parfois il est vrai, le cœur veut crever de chagrin. Mais souvent aussi, le soir de préférence, je ne puis m’empêcher de penser qu’Ernie Levy, mort six millions de fois, est encore vivant, quelque part. je ne sais où…Hier, comme je tremblais de désespoir au milieu de la rue, cloué au sol, une goutte de pitié tomba d’en haut sur mon visage ; mais il n y avait nul souffle dans l’air, aucun nuage dans le ciel...il n’y avait qu’une présence. »
André Scwartz-Bart est surtout connu pour ce roman même s'il a écrit sur  la question noire aprés son mariage  et son installation en Guadeloupe. Lire un entretien de sa veuve

samedi 16 mai 2020

Claro: La maison indigène




                                        






Vient de paraître aux Editions Actes Sud : » La maison indigène » de Claro. C’est un très beau livre au croisement de tout ce qui m’intéresse : l’Algérie, Albert Camus et Jean Sénac et aussi ce rapport que l’on a avec son passé, notamment quand on a été la victime d’un exil définitif. Caro, qui a déjà beaucoup écrit, est né à Paris d’un père pied-noir qui fut terriblement meurtri par la perte de son pays et qui mourut très jeune. Caro, celui qui écrit, s’était désintéressé complétement et de sa famille et de l’Algérie mais il a été rattrapé par ce passé et ce livre est en grande partie un retour dans ce passé qu’il croyait avoir définitivement oublié. Il y a un moment émouvant lorsqu’il reçoit une lettre d’un vieil homme qui a été un ami d’enfance de son père et qu’il va le voir à Marseille.
« C’est à Marseille que va devenir réel le sentiment d’être lié, ou relié, à un passé dont je n’ai pas voulu, comme on ne veut pas d’un vêtement dont on est sûr qu’il ne nous ira pas-sans l’avoir essayé- ou comme on s’interdit de goûter à un plat qu’on imagine empoisonné, alors même que c’est notre imagination qui est empoisonnée, par la peur, la peur de succomber à des saveurs qui peut être nous sauveraient de bien des famines. »
Cette recherche de son passé familial va le conduire à cette maison indigène qui fut construite par l’architecte Léon Claro son grand père qui construisit beaucoup d’autres bâtiments à Alger comme le Foyer       , l’immeuble de l’OFALAC et d’autres encore, comme le Collège du Champ de Manœuvre où le père de l’auteur fit ses études !
Cette maison mauresque construite à l’occasion du centenaire de la conquête fut visitée par un jeune homme de 20 ans, Albert Camus qui en tira l’un de ses premiers textes littéraires !
Ce récit évoque souvent Jean Sénac que les parents de Claro hébergèrent à Paris Rue d’Alésia.
J’en apprends aussi beaucoup sur le tournage de l’Etranger avec Marcello Mastroianni et les nombreuses questions qui apparurent au moment de la production de ce film.
Enfin comme le livre est touffu j’en apprends aussi sur la Franc Maçonnerie en Algérie qui milita pour une plus grande justice et pour l’assimilation sans être suivie. Cela est d’autant plus évocateur, pour moi, que mon arrière-grand-père, fut lui-même franc- maçon à Sétif et il me plait de penser qu’il ait soutenu, lui aussi, de telles idées de justice.
Enfin on en apprend beaucoup aussi sur Le Corbusier qui visita Alger, la Casbah et la Maison indigène avec Leon Claro.
Au total un livre foisonnant où l’auteur croise et recroise les fils d’un passé qu’il n’a pas connu, allant jusqu’à inventer une parenté très ancienne des deux familles, la sienne et celle de Camus toutes les deux issues de Minorque.  Et voici une excellente analyse suivie d'un entretien avec l'auteur.


lundi 11 mai 2020

Antoine Lilti: L'héritage des Lumières





                                                       




L’ouvrage d’Antoine Lilti : « L’héritage des Lumières » , publié par Les Hautes Etudes en sciences sociales avec Gallimard et Le Seuil en 2019, est une étude sur le concept des Lumières et sur ce qu’il en reste dans notre monde contemporain. C’est un ouvrage savant, universitaire qui creuse cette idée des Lumières dans l’histoire.
Les idées des lumières sont nées, chacun le sait, au XVIII° siècle avec les travaux des philosophes : Voltaire, Rousseau, Diderot, D’Alembert, Condorcet et d’autres encore et ces idées ont dominé le monde pendant deux siècles. Il faut cependant préciser que certains ont fait naître ces idées au XVII° siècle dans les Pays bas et dans l’environnement de la pensée de Spinoza. Nées en Europe elles ont été contestées d’abord par un certain nombre de philosophes marxistes avec leur distinction entre les droits formels et les droits réels, les lumières selon eux n’ayant soutenu que les droits formels.
Mais les attaques les plus rudes ont été portées par les études post-coloniales qui ont voulu montrer que les principes des lumières ont été les instruments de la domination coloniale de l’occident et par certaines feministes
Ces attaques sont encore prégnantes dans une partie du monde où certains développent avec succès l’idée que l’Occident et ses valeurs (les idées des Lumières) est devenu décadent, consumériste, matérialiste et jusqu’à » immoral ». On reconnaitra là un des angles d’attaque des islamistes.
Que faut-il penser de tout cela ? Les Lumières sont-elles dépassées ?

Si l’on veut résumer la philosophie des Lumières on peut dire qu’elles ont mis en avant trois grands principes :
-La prédominance de la raison sur la foi. Il faut se souvenir qu’elles sont nées dans une époque où la religion dominait et voulait tout régenter (Monarchie de droit divin, enseignement religieux, volonté dominatrice des religions avec combat entre elles au moment du protestantisme)
-Volonté du progrès que l’on croyait sans fin avec le développement des sciences et des techniques
-Elaboration et développement des droits de l’homme, c’est-à-dire de l’individu par rapport à la famille et à la société.

Les critiques des Lumières nous ont d’abord dit que les droits humains soutenus par les Lumières étaient le plus souvent des droits formels et que dans la réalité, c’est-à-dire dans les droits réels ils n’étaient pas appliqués. Il y a du vrai dans cette critique et l’on sait bien que même de nos jours les droits de l’homme sont toujours à gagner et que c’’est un combat. Mais ce n’est pas parce qu’une philosophie n’est pas appliquée qu’il faut la condamner.
La critique venue des « post coloniaux » est plus importante. Elle consiste à montrer que les Lumières ont été un instrument de domination des Européens sur certaines parties du monde. C’est à travers l’idée de civilisation que certains ont pu à la fois dénigrer certaines cultures et vouloir imposer la leur.
Ces critiques sont cependant contestables pour plusieurs raisons :
-D’abord parce qu’il est faux que les créateurs des Lumières aient été partisans de la colonisation ou de l’’esclavage. L’ouvrage de M. Lilti cite un certain nombre de textes d’auteur du XVIII° siècle et non des moindres qui condamnent avec une force rarement vue la colonisation et ses crimes, l’esclavage et appellent même à la révolte les populations soumises à ces crimes. (p.63-68-74)
-Ensuite parce que les Lumières ont été pour de nombreux acteurs de la décolonisation une arme intellectuel par laquelle ils s’armaient contre l’occupant le renvoyant à sa propre philosophie. Un homme comme Bourguiba combattant de la décolonisation tunisienne utilisait les droits de l’homme et les idées des Lumières pour lutter contre les français et il demeura fidèle à ces idées. Il ne fut pas le seul dans ce cas.
En réalité il me semble que l’on peut reprocher aux « post coloniaux » qui critiquent les Lumières de jeter le bébé avec l’eau du bain !
Est-ce à dire que les idées des Lumières telles que nous les avons résumés plus haut doivent être abandonnées ?  Evidement non car elles conservent une valeur universelle pour peu qu’on veuille bien les nuancer.
Ainsi la prédominance de la raison sur la foi me paraît une nécessité absolue à condition toutefois de respecter le désir de croire qui est très fort chez l’homme. On a d’ailleurs vu, à travers l’expérience désastreuse du communisme que l’interdiction des Eglises et de la religion n’avait jamais réussi à éteindre la foi et le besoin de religion et que dès la fin du communisme les Eglises se sont, à nouveau, développées.
La solution née du régime de laïcité me paraît la bonne solution car elle réunit les deux nécessités : lutter contre la volonté totalitaire des religions et cependant assurer la liberté de la foi.
De même l’idée de progrès et la nécessité de développer les connaissances et les sciences me semblent nécessaires mais il ne faut pas que cette idée de progrès permanent donne aux hommes l’idée qu’ils sont tout puissants et les meilleurs de l’Univers. Le développement des idées écologiques, la pensée selon laquelle après la pandémie de corona virus il fallait revoir notre mode de vie à la baisse, l’idée d’une consommation plus raisonnable et plus durable, la protection de la nature et des animaux sont des idées utiles et qui doivent assagir cette idée de progrès. Nous devons considérer que quel que soit la puissance de la pensée humaine, l’homme n’est qu’un élément de l’ensemble et qu’il ne doit pas accaparer des richesses du monde à son seul profit.

Enfin les droits de l’homme sont de toute évidence à développer et à faire respecter partout car il me semble évident qu’ils correspondent à un désir de tout homme sur la terre : pouvoir penser et s’exprimer librement, pouvoir croire ou ne pas croire, pouvoir aller et venir librement. Et d’ailleurs si les droits de l’homme ne sont pas respectés partout dans le monde (loin de là !) il faut remarquer que même les dictateurs font souvent référence dans leurs Constitution aux droits de l’homme en une sorte d’hommage qui ne les engage pas plus avant !
L’ouvrage se poursuit par l’étude d’une question qui a captivé les intellectuels du XVIII° siècle : Peut-on éduquer le peuple, comment le faire et faut-il des dirigeants qui impulsent les idées de progrès ?
Les écrivains s’adressent-ils a tout le peuple ou à une élite ? Quel est le rôle de l’éducation, question sur laquelle s’est penché Condorcet ? Faut-il des despotes éclairés ?
Au total un livre savant mais qui permet de donner à l’idée des Lumières une consistance alors que l’on se contente trop souvent de les évoquer sans savoir vraiment a quoi elles correspondent.
Je garde la conviction que cette élaboration des idées des Lumières a été un moment crucial de la pensée et que les grands principes qui ont alors été élaborés restent parfaitement valables et nécessaires pour assurer autant que faire se peut le bonheur des peuples. On lira avec intérêt cet entretien avec une romancière noire qui dit juste a propos des Lumières et également cette critique de divers ouvrages sur la question

                                                     



vendredi 8 mai 2020

"J'ai tant vu le soleil" d'Emmanuel de Waresquiel


« J’ai tant vu le soleil » est un essai que vient de publier Emmanuel de Waresquiel consacré à Stendhal. Cet éminent historien auteur de nombreux ouvrages d’histoire se livre là à ce quelqu’un a appelé « une lecture buissonnière de Stendhal ». Ce livre écrit au cours d’un été nous présente la vie de Stendhal, son caractère. On y apprend qu’il a perdu sa mère très jeune et qu’il ne s’est pas entendu avec son père et qu’il a eu, dés sa prime jeunesse une horreur de la religion et surtout des religieux
« Avec ma mère finit toute la joie de mon enfance » et plus loin : « Je haïssais l’abbé, je haïssais mon père source des pouvoirs de l’abbé, je haïssais encore plus la religion au nom de laquelle ils me tyrannisaient »
Il est ambitieux tout en ayant parfaitement conscience des petitesses de l’ambition et il aura une carrière, militaire et civile, sous l’Empire grâce à la protection de la famille Daru mais s’il a beaucoup aimé le Bonaparte du début il sera assez critique sur les dérives autoritaires de l’Empire.
Mais évidemment ce que l’on a beaucoup retenu de cette vie c’est son amour pour l’Italie, pour Milan, Venise et Rome. Il écrira beaucoup à la fois sur les paysages et sur l’histoire de ce pays qui le ramène à la Renaissance et il terminera sa carrière, un peu en disgrâce, comme Consul à Civitavecchia non loin de Rome.
Stendhal n’était pas beau mais il fut tout sa vie, amoureux, peut être plus amoureux de l’amour que des femmes qu’il fréquenta mais cela le conduisit à écrire les plus beaux romans français : La Chartreuse de Parme et Le Rouge et le Noir.
J’ai tant vu le soleil est un petit livre qui , en quelques pages, vous permet de mieux connaître Stendhal au caractère pourtant difficile a cerner.


jeudi 7 mai 2020











                                                       



Le Ghetto intérieur  de SantiagoH.Amigorena paru en 2019 aux Editions P.O.L. Cet écrivain et aussi un cinéaste comme vous pourrez le voir dans sa biographie.
Le Ghetto intérieur est un récit poignant. Le heros, Vincent a quitté la Pologne et son antisémitisme juste avant la seconde guerre mondiale et a trouvé refuge à Buenos Aires où il devient marchand de meubles après avoir épousé Rosita  fille de deux parents qui , eux-même, ont fui l'Europe de l'Est pour éviter la persécution des juifs.
Vincent s'es bien adapté a sa nouvelle vie et a son nouveau pays. Marié il devient père de famille et a a tout pour être un homme heureux et il l'est pendant un certain temps.
Il a laissé en Pologne , à Varsovie sa mère, une soeur et son frère aîné. Il correspond avec eux , tente même de convaincre sa mère de venir le rejoindre en Argentine, mais, comme il en prend conscience, il le fait sans réelle conviction , sans faire tout ce qui aurait été nécessaire pour réussir. Et c'est alors qu'il va apprendre petit à petit ce qui est en train de se passer en Pologne, dans ce pays pour lequel ,jeune homme il a combattu dans l'armée,le développement des mesures antisémites puis, aprés l'arrivée des Allemands la répression, le ghetto de Varsovie, et enfin les mesures prises par Hitler et ses hommes pour ce qu'ils ont appelé "la solution finale". Il l'apprend par la lecture des journaux, même si cette lecture ne dit pas tout de l'horreur,et des lettres ,rares, reçues de sa mère. Il va  culpabiliser mais surtout il va se trouver impuissant et va , à partir de ce moment ne plus pouvoir exprimer sa douleur,il va devenir quasiment muet ne parlant plus ni a sa femme ni a ses enfants ni a ses amis.
On a beaucoup évoqué le fait que ceux qui revenaient des camps ne disaient rien même à leur famille. Ce traumatisme face à l'indicible est fort bien raconté par ce récit poignant et l'on comprend bien que rien ni personne ,dans ce cas , ne peut  venir en aide.
C'est finalement un de ces romans qui en disent plus long sur la Shoah que beaucoup de livres d'histoire.