vendredi 31 juillet 2020

Disparition de Gisèle Halimi

Une grande dame vient de nous quitter après une vie bien remplie et qui aura été efficace et laisse des traces dans notre monde. Avocat j'ai toujours admiré le talent de cette femme, son courage et les choix toujours juste qu'elle a fait tout au long de sa carrière.Né en Algérie j'ai été sensible a son combat pour la justice, contre la torture à une époque où cela n'était pas si évident et où elle manifesta un courage physique pour affronter les Tribunaux militaires en Algérie.
J'ai connu davantage sa vie en lisant les très beaux livres qu'elle a publié. Je pense notamment au Lait de l'oranger qui est le recit d'une partie de sa vie, de sa jeunesse à La Goulette en Tunisie, de ses frustrations dans une société patriarcale caricaturale, des ses révoltes dés son plus jeune âge, de sa passion pour la liberté et pour l'étude. Je pense aussi a Fritna  qui est un livre sur sa mère et sur l'opposition qu'il y eut entre elles , la mère acceptant la soumission des femmes de son époque et voulant que Gisèle plie face a cet état de fait!
Ce sont des livres qui en disent beaucoup sur ce qui a fondé cette femme et qui expliquent ses combats pour le droit des femmes. Sur ce terrain on ne peut avoir que de l'admiration pour elle et quand on voit ce qu'est devenu un certain féminisme, complètement excessif, souvent ridicule dans ses positions, finalement nuisible à la cause des femmes.
ou encore celui de Josyane Savigneau dans le Monde

J'ai évidement admiré son courage, sa lucidité lorsqu'elle a affronté une justice qui  n'était pas à la hauteur et qu'elle combattait fermement sure de la justesse de ses causes. L'histoire sur ce point lui a donné raison et en  ayant été selon son expression : "une avocate irrespectueuse" elle a montré la noblesse et la nécessité de ce genre de combat.

jeudi 9 juillet 2020

François Sureau L'or du temps

François Sureau  a publié en ce début d'année chez Gallimard un gros livre (plus de 800 pages) qu'il indique être un récit: "L'or du temps". Je n'ai lu de lui auparavant qu'un petit livre qui m'avait touché et dont j'ai rendu compte dans le blog: Le chemin des morts.
L'or du temps est un ouvrage étonnant qui ne ressemble a aucune forme connu même si il est présenté comme un récit. C'est un cheminement de l'auteur, qui est donc très présent en creux, le long de la Seine et des bourgades qui la longent et qui permet à l'auteur au fil du courant d'évoquer de nombreuses personnalités, de nombreuses histoires grandes, petites ou minuscules. L'auteur parcourt ces bords de Seine en compagnie d'Agram  Bagramko, peintre russe surréaliste ayant vécu en France, dont j'avoue j'ignorai même l'existence.
Comme je le disais ce livre évoque de nombreuses personnalités politiques ,littéraires ou artistiques et j'y ai trouvé notamment de belles études sur Gide et Gheon, sur Simenon, sur Arthur Koestler et sur la façon dont il a été traité par l'intelligentsia de son époque inféodée aux idées communistes comme l'ont été en leurs temps André Gide et Albert Camus. Belle évocation aussi de Maurice Genevois.
Beaucoup d'autres personnalités du monde de la médecine, de la politique de l'armée sont également évoquées. Ainsi  Lyautey, les rapports de De Gaule et Bernanos.....
Mais, à côté de ses personnalités que l'histoire a retenue, beaucoup d'histoires, certaine étonnantes de personnes inconnues et complètement oubliées. Je pense par exemple a celle de  Pierre l'Ermite, cet avocat de Troyes ayant, un jour tout abandonné et qui devint clochard sous les ponts de Paris et que, nous dit l'auteur, certains avocats jeunes et moins jeunes venaient encore consulter ! (82 et s) celle aussi de  cet homme Robert Anguet faisant des recours très bien construits devant le Conseil d'Etat et qui donne l’occasion à l'auteur de donner son point de vue sur la haute juridiction administrative qu'il a connue de l'intérieur.. Beaucoup de portraits, certains à la manière de Saint Simon comme celui de l'ancien Président du Credit Lyonnais Haberer, d'autres émouvant de personnalités moins connues, oubliées comme celui, par exemple de Michel Klein voulant mourir aux Invalides (p.646)
On y apprend beaucoup aussi sur la Seine et son évolution ,sur ses crues fréquentes et très fortes a certaines époques anciennes (p.175)
Au total un livre où l'on apprend mille choses sur des gens connus ou tout à fait inconnus et que l'auteur fait revivre. Je dois dire que j'ai du mal à voir l'unité de ce livre mais il intéresse et l'on peut grappiller ,ici et là, une foule de petits faits et ma courte analyse n'épuise pas sa richesse et , par ailleurs son titre est bien trouvé car il s'agit bien de recherche de pépites dans l'immensité du temps, d'orpaillage!
Je rajoute , ici le discours de réception de Michel Zink qui a accueilli François Sureau l'Académie Française.