mercredi 8 juin 2022

Bernard de Fallois: Sept conférences sur Marcel Proust.

 Bernard de Fallois est connu comme éditeur mais il a été surtout un enseignant et un fin connaisseur de l'œuvre de Marcel Proust au sujet duquel il a fait sa thèse. A cette occasion il a eu la chance de rencontrer l'écrivain André Maurois qui avait publié un livre sur Proust et  André Maurois le mit en relation avec une parente de Marcel Proust ,Madame Mante-Proust  qui détenait des milliers de pages non exploitées de l'auteur de la Recherche. Il en fit son miel.

Ses sept conférences sont extrêmement intéressantes  et disons tout de suite qu'elle sont très abordables même pour qui n'est pas familier de la critique littéraire ni de l'œuvre de Proust.

Je mentionnerai ces thèmes intéressants.

Le premier c'est la chronologie de l'œuvre. Il est assez courant de dire que Marcel Proust, riche héritier qui pouvait vivre sans travailler, n'a commencé à écrire son œuvre que passé la trentaine et qu'il est mort à 52 ans avant de totalement la publier. Or, M. de Fallois montre que cela est inexact et que Marcel Proust a, en réalité, commencé a travailler dés sa vingtième année et qu'il a engrangé ainsi ce qui, par la suite , lui a permis d'écrire son chef d'œuvre.

La seconde idée intéressante est la façon dont Marcel Proust envisagé la critique littéraire. Le XIX ° siècle avait vu le travail d'un critique très important en la personne de Sainte Beuve, lequel avait comme théorie que, pour bien connaître une œuvre et la comprendre, il fallait connaître la vie de son auteur. Or, Marcel Proust prend exactement le contrepied de cette théorie et estimant, lui, que l'œuvre d'un artiste se suffit à elle-même et que la vie de l'auteur, ce qu'il pensait, qui il voyait, les évènements petits et grands de sa vie sont sans importance. Marcel Proust élabore, à cette occasion , sa théorie des "deux moi" ,le moi du particulier et le moi de l'artiste.

On peut évidement discuter cette position de Marcel Proust et il aura été, sur ce point, très malheureux puisqu'"il est un des écrivains dont on la plus scruté les moindres détails de sa vie!

Dans une autre conférence Bernard de Fallois montre en citant de nombreux passages de la Recherche que Marcel Proust a le sens du comique et qu'il y a donc dans cette œuvre nombre de passages où le lecteur s'amuse, ce qu'a priori on aurait pas pensé d'une œuvre qui est placé si haut!

Enfin il aborde dans deux conférences distinctes les deux grands problèmes qui sont traités dans cette œuvre: la description du sentiment amoureux sous toute ses formes, sa naissance, son développement et sa mort et cela au travers de l'histoire de différents personnages: Schwan, Le Baron de Charlus etc..

Et enfin dominant et faisant de cette œuvre un chef d'œuvre très nouveau la notion du temps et de la mort.

Moi qui ait toujours été intéressé par la fuite du temps j'ai trouvé dans ce romans des aperçus  géniaux. Il commence à aborder cette notion du temps dans son analyse du sentiment amoureux en montrant comment lorsque l'amour s'est éteint on a peine à croire qu'il ait existé et donné tant de soucis. Il analyse aussi et c'est ce qui est connu par tous la différence entre les souvenirs qui reviennent à vous de manière, disons, intellectuel et qui sont extérieurs à la personne et ceux qui reviennent à l'occasion d'un détail (la fameuse madeleine trempé dans une tasse de thé ou la marche sur des pavés disjoints) qui font vraiment revivre le fait passé. Bien sûr il évoque la mort au travers du récit de la mort de sa grand mère, la mort de Bergotte l'écrivain foudroyé dans un musée en regardant une vue de Delft et il en vient à conclure que la mort n'est pas unique et que nous mourrons , d'une certaine façon, tous les jours, avec la disparition de ce qui faisait nos vies.

Enfin, dans le Temps retrouvé, Marcel Proust nous montre les effets dévastateurs du temps en décrivant une réception où se rend le narrateur prés de quarante après qu'il ait connu ces personnes et la description de tous ces gens qu'il a connu fringants et qui sont des vieillards est une scène dont on se rappelle  longtemps après l'avoir lu. 

Ces conférences donnent envie de lire ou de relire la Recherche du temps perdu et le temps retrouvé.