dimanche 3 novembre 2024

Christophe Bigot: Un autre m'attends ailleurs.

 

Parmi mes écrivains préférés il y a Marguerite Yourcenar dont j’ai pratiquement tout lu. Ses « mémoires d’Hadrien » sont un des très grands livres de la littérature. Je ne pouvais donc pas passer à côté de ce livre de Christophe Bigot : Un autre m’attend ailleurs. C’est un roman mais nourri de beaucoup d’éléments biographiques.

On est presque à la fin de la vie de l’écrivain. Elle vit dans sa maison dans l’île de Mont Désert avec sa compagne de 40 ans, Grace Frick qui est sa traductrice et qui tient sa maison. Grace Frick est atteinte d’un cancer et proche de la phase terminale.

C’est alors qu’à l’occasion de la venue d’une équipe de télévision qui veut faire un documentaire sur Marguerite Yourcenar elle fait la connaissance de Jerry Wilson, un jeune homme, d’une trentaine d’année, assistant du réalisateur et pour lequel elle éprouve une sorte de coup de foudre malgré les nombreuses années qui les séparent.

On assite à l’agonie et à la mort de Grace Frick et très vite après sa disparition, trop vite penseront certains, elle part ave Jerry Wilson pour un long voyage à travers les Etats Unis et pour une croisière. Elle fait ainsi de très longs voyages, toujours en bateau car elle ne veut pas prendre l’avion. Elle revoit, ainsi, des lieux qu’elle a connus et aimés dans sa jeunesse en compagnie de Grace : L’Egypte et le Nil à la recherche d’Antinoüs un des héros des Mémoires d’Hadrien. Elle revoit l’Angleterre, la Belgique de sa naissance, le Maroc, le Japon. Elle revit et étonne par son énergie.

Mais la fin sera une véritable tragédie. Les relations entre Marguerite Yourcenar et Jerry Wilson se dégrade. Jerry a un comportement de plus en plus violent dû à la drogue et à des relations toxiques et on voit cette femme âgée, très célèbre pardonner l’impardonnable.

On a du mal à comprendre comment Marguerite Yourcenar a pu accepter d’être ainsi traitée. L’explication se trouve, sans doute, dans cet amour singulier qu’elle a eu pour ce jeune homme.

Jerry Wilson meurt du Sida en 1986 et Marguerite Yourcenar disparaît à son tour en 1987.

Ce livre est absolument captivant en nous dévoilant la dernière partie, singulière de sa vie et en nous dépeignant une femme indépendante, éloignée des convenances sociales. La soirée où elle se rend, dans le Marais à Paris, après sa réception à l’Académie Française où elle quitte la réception officielle laissant en plan tous les invités est le trait d’une indépendance totale.

C’est un éclairage sur le caractère de cette femme et c’est captivant pour ceux qui l’ont lu. Voici un line d'une émission dans laquelle s'exprime l'auteur du livre:  Marguerite Yourcenar : mystères et génie d'une écrivaine inclassable                  

samedi 2 novembre 2024

Kamel Daoud : Houris

 

Je viens de terminer la lecture du dernier roman de Kamel Daoud : « Houris » Ce livre figure parmi les finalistes pour le prix Goncourt et cela me paraît tout à fait justifié.

Ce roman est l’histoire d’Aube, une jeune femme qui a été victime d’une très grave attaque des islamistes pendant la décennie noire en Algérie dans les années 90.

Victime d’une tentative d’égorgement ne peut plus parler, elle ne peut respirer que grâce à une canule installée dans sa gorge et elle a une horrible trace de sa blessure sur la gorge qui fait peur aux enfants et détourne le regard des adultes.

C’est, cependant une femme libre. Elle n’est pas mariée et subvient a ses besoins en tenant un salon de coiffure. Elle est , ce faisant , une anomalie pour les milieux conservateurs en Algérie.

Au moment où débute le roman, Aube est enceinte. Elle ne l’annonce à personne pas même à sa mère mais s’adresse à son futur bébé à qui elle raconte ce qu’elle a vécu et comme ce futur bébé est une fille elle lui montre qu’elle sera sa place dans ce pays.

Rien ne nous est épargné de la barbarie des islamistes et leur incommensurable bêtise. La scène chez le gynécologue serait très drôle si elle n’était aussi le reflet de la bêtise absolue qui se donne des airs de religion !

On va suivre un long périple de cette jeune femme qui veut retourner sur les lieux de son malheur et ce sera l’occasion pour l’auteur de revenir sur l’ensemble des drames du pays à cette époque. Aube pense à avorter car, comme elle l’explique a son futur bébé elle ne veut le laisser venir dans un tel monde et elle lui explique et à nous par là même pourquoi.

Tout au long de son périple elle fait des rencontres. Ces destins ont été, eux-aussi, bouleversés par les islamistes et c’est une façon, pour l’auteur ,de protester contre la décision du pouvoir d’effacer cette guerre, de passer l’éponge sur ces crimes, sans jugement, sans récit comme si cela n’avait pas existé

Le lecteur est amené à réfléchir sur cet oubli volontaire, sur l’absence de tous récits historiques dans un pays, par ailleurs si soucieux d’histoire dans sa guerre contre la France !

Ce roman est fort et il revient, en détail sur cette période historique. Il fera date et il amène le lecteur à affronter des questions essentielles sur la place des femmes, sur l’idéologie islamiste, sur le rôle de la mémoire et de l’histoire.