jeudi 12 décembre 2024

Les romans de Boualem Sansal

 Les éditions Gallimard ont publié dans la collection "Quarto" des romans de Boualem Sansal publiés par lui dans les années 1991-2011.

Je viens de relire deux de ces romans: "Le serment des barbares" et "Le village de l'Allemand" et je dois dire  que les ayant lus il y a quelques années j'avais oublié leur force et les critiques féroces qu'ils portent sur l'Algérie Indépendante et sur l'Islamisme. IL est clair que ces livres ont dû faire du mal aux autorités Algériennes en montrant la dérive du pouvoir et aux islamistes dont il met clairement  en évidence et de manière indiscutable l'idéologie criminelle qu'il rapproche dans son raisonnement du nazisme et de ces crimes.

Le pouvoir Algérien vient, en l'emprisonnant de manière totalement arbitraire et ne le privant d'une défense libre, de montrer que ce qu'écrit Boualem Sansal est la vérité.

Le "Serment des barbares"  est un livre difficile, un peu trop touffus et si l'on voit bien la critique du pouvoir Algérien on a du mal à comprendre tout ce qui s'y passe. 

Par contre j'ai beaucoup aimé "Le village de l'Allemand" qui est un récit très prenant qui revient sur ce que l'Allemagne hitlérienne a fait subir aux Juifs et à quelques catégories de population et il montre bien ce que ces faits ont d'unique, d'inimaginables et d'impardonnables. Le roman cite et prend appui sur le beau texte de Primo Levi Si c'est un homme.

Le roman nous décrit , ensuite , l'emprise de l'islamisme dans les banlieues et il en souligne la caractère insidieux et très grave. Comment- ne pas l'approuver et son parallèle entre le nazisme et l'islamisme pourra paraître excessif à certains mais je crois, qu'en réalité ces deux idéologies ont très exactement le même ressort, les mêmes mécanismes et le même danger.

Ce "Village de l'Allemand" devrait être lu et relu et notamment par tous les irresponsables qui ont des indulgences envers l'islamisme.

dimanche 8 décembre 2024

Albert Camus; Actuelles IV

Ce quatrième tome de la série des Actuelles d'Albert Camus a une histoire tout à fait singulière qui nous est racontée à la fois dans l'avant-propos de Catherine Camus et dans la très intéressante préface de Vincent Duclert un des meilleurs spécialistes de Camus, dont j'avais particulièrement  "Camus ,du pays des libertés".
Tout part d'un petit dossier trouvé à Lourmarin et qui était le plan et les textes que Camus souhaitait publier au moment de sa disparition. Il travaillait donc ,à ce moment, à la fois au Premier Homme qui paru longtemps après sa mort et à la réunion d'articles , de discours , de lettres qu'il souhaitait réunir et publier dans Actuelles IV.
Catherine Camus et ceux qui l'ont aidé font finalement paraître ce livre plus de soixante ans parés sa disparition et c'est une très heureuse initiative car beaucoup de la pensée de Camus se trouve là dans ce livre qui porte en sous-titre : " Face au tragique de l'histoire". On pourrait penser que ces textes sont dépassés, les temps ayant changé. Ce n'est pas du tout le cas et le lecteur y découvrira de nombreuses grilles de lectures pour les temps présents., dans ce style magnifique de l'auteur.
On y trouve de nombreux textes ( souvent des discours) concernant la guerre d'Espagne et la lutte contre les franquisme et ses crimes mais aussi concernant les crimes commis à l'Est et devant lesquels de trop nombreux intellectuels en France et en occident se montraient soit aveugles soit complaisants. IL est bon de relire ces textes au moment où le monde est , de nouveau, confronté au tragique et à la guerre.
Dans un texte intitulé Poznan il écrit : "Depuis quelques mois, un mythe s'écroule irrésistiblement devant nos yeux. Nous connaissons aujourd'hui ma tristesse d'avoir eu raison en refusant de considérer les régimes de l' Est comme révolutionnaires et prolétariens. Tristesse en effet; qui se réjouirait d'avoir eu raison en annonçant que des millions d'hommes souffraient véritablement de misère et d'oppression? Aujourd'hui la vérité, la terrible vérité éclate, le mythe vole en éclats. Mais nous savons que ce mythe pendant des années a perverti les consciences et les intelligences européennes. Même devant l'éclat du jour, ces aveugles diront encore qu'il fait nuit. Ils le diront plus malaisément aujourd'hui. Les ouvriers de Poznan viennent de porter le dernier coup à une mystification longtemps triomphante, longtemps cynique. Il ne peut plus y avoir d'aveugles, ou naïfs, aujourd'hui ,autour de cette déchéance. IUL ne peut plus y avoir que des complices."  ( p. 116).
On trouve aussi , dans ce livre trois lettres très émouvantes d'une jeune Hongroise qui écrit à Camus la façon dont il est lu dans ce pays par la jeunesse et le réconfort que l'écrivain apporte à cette jeunesse sous le joug soviétique dans ses efforts pour se libérer. Vous lirez aussi la réponse d'Albert Camus chaleureuse et forte à cette jeune fille.
Camus nous emmène à réfléchir sur le fait totalitaire, encore existant de nos jours en Russie par exemple, et il met en  garde: "  ..Il n' y a pas d'évolution possible dans une société totalitaire. La terreur n'évolue pas, sinon ,vers le pire, l'échafaud ne se libéralise pas, la potence n'est pas tolérante. Nulle part au monde on n'a pu voir un parti  ou un homme disposant du pouvoir absolu ne pas en abuser absolument.
Ce qui définit la société totalitaire, de droite ou de gauche, c'est d'abord le parti unique et le parti unique n'a aucune raison de se détruire lui-même." (p.140). Cela est toujours vrai.
Enfin une partie du livre est consacrée à sa réflexion sur l'engagement de l'intellectuel et ces articles démontrent son engagement permanent pour la liberté et la justice.
Il y a , enfin , dans cet ouvrage quelques lettres adressées ou reçues par Camus  dans le cadre de son engagement. Parmi elles quelques lettres de Gisèle Halimi, importantes , pour moi, car elle font justice de ce qu'a écrit Olivier Gloag dans son "Oublier Camus  et que j'avais déjà critiqué.
Nous avons là un livre qui nous montre l'essentiel de la pensée politique de Camus, l'illustration de ce qu'il a écrit un jour et qui me paraît la quintessence de sa pensée en ce domaine  "Si l'on échoue à réunir la justice et la liberté on échoue en tout."