Pour la première fois depuis bien longtemps on assiste à une action commune et énérgique du monde judiciaire toutes professions confondues. L'objet de ce mouvement est la reforme de la procédure pénale qui est en cours et qui, si elle aboutie, telle qu'elle nous est présentée par le Garde des Sceaux, constituera une trés grande régression démocratique. Je note qu'au passage le pouvoir actuel entend modifier les régles de la prescription de l'abus de bien social. Si cette disposition est adoptée c'est la fin d'un grand nombre de procédure financière et M. Sarkozy met ses amis à l'abri des pouruites en cas d'infractions économiques...
Je profite de cette occasion pour reproduire un texte datant de quelques mois dans lequel j'évoquais la suppression du Juge d'Instruction. J'ai , sur cette question, une position à part.
La suppression du Juge d’Instruction
Le rapport de la Commission Leger ayant été déposé nous entrons dans le temps de la préparation du projet de loi et de nombreuses voies, non des moindres : Badinter, Valini, s’élèvent contre ce projet dans lequel il voit selon l’expression de Robert Badinter : « une OPA
Il ya là un enjeu d’une très grande gravité, dont les citoyens ne se rendent peut être pas bien compte : les libertés individuelles sont en jeu et le projet selon la façon dont il sera réalisé peut conduire à une véritable et grave régression.
Pour que les choses soient claires je dois dire que je suis personnellement pour la suppression du Juge d’Instruction mais à certaines conditions, faute desquelles il y aura une grave atteinte à notre démocratie.
Essayons de présenter clairement ce problème complexe.
Il faut d’abord que l’on ait à l’esprit (ce qui n’est pas souvent le cas dans le public) la distinction essentielle entre les magistrats du siège (Juges) et ceux du Parquet (Procureurs). Les uns ceux du siège chargés de juger sont indépendants de l’Exécutif (Gouvernement) ils ne peuvent recevoir d’ordre et leurs carrières ne dépend pas du pouvoir.
Les autres les magistrats du Parquet (Procureurs) sont hiérarchisés et dépendent pour leur nomination et leur avancement du pouvoir. Ils ne sont pas indépendants. La Cour de Justice a dénié aux magistrats du Parquet la qualité de juge en raison de leur absence d’indépendance par rapport au Gouvernement.
Le Juge d’instruction est un magistrat du siège et à ce titre il est indépendant et il peut donc instruire une affaire même si le pouvoir souhaiterait que l’affaire soit enterrée.
Là est donc le nœud du problème : en supprimant le Juge d’Instruction et en confiant l’instruction des affaires au Procureur, le pouvoir aurait la maîtrise de cette instruction et il pourrait enterrer une affaire qui le dérangerait. Il faut que les citoyens soient conscients que l’on se trouverait alors dans une situation comparable à ces pays non démocratiques où la justice est entre les mains du pouvoir. Ce serait une régression considérable.
Est-ce à dire qu’il faut maintenir le Juge d’Instruction ?
Je ne le pense pas car c’est un Juge dont le rôle est absolument ambigu : il enquête et il doit juger. Je considère que cela n’est pas compatible. Enquêter c’est avoir des pistes, faire des hypothèses quelques fois erronées. C’est aussi utiliser des moyens de coercition en fonction de son hypothèse de départ et comment éviter les éventuels abus d’un juge, même de bonne foi ; qui se trompe dans son hypothèse ? L’histoire a suffisamment montré les graves erreurs commises par les juges d’instruction et l’on ne connaît que celles qui ont connues un éclat médiatique.
Je ne crois donc pas que l’on puisse être à la fois un enquêteur efficace et le juge de cette enquête. Voilà pourquoi je suis d’avis de supprimer le Juge d’Instruction.
Le parquet (procureur) va donc être chargé de la poursuite et de l’enquête. Il l’est déjà pour l’essentiel. Le problème est que les procureurs n’étant pas indépendant du pouvoir on peut légitimement craindre qu’il ne poursuive pas les affaires dans lesquelles le pouvoir où les amis du pouvoir seraient compromis.
C’est, je l’ai déjà dit, le vrai problème. Mais on ne le résoudra pas en faisant des procureurs, comme certain le demande, des magistrats indépendants. Il est normal que le pouvoir (le gouvernement) ait son mot à dire sur la politique pénale et il ne peut le faire qu’en ayant à sa disposition des magistrats qu’il nomme et à qui il peut donner des instructions.
Si l’on confie l’enquête aux procureurs non indépendants du pouvoir il faut absolument mettre en place un système qui permette d’obliger les procureurs à se livrer aux enquêtes. Il faut pour cela trois dispositions essentielles :
-Un juge chargé d’arbitrer les difficultés et de prendre des décisions opposables aux procureurs. C’est le Juge de l’Instruction dont fait état le rapport Leger. Mais il faut donner à ce Juge de véritable pouvoir et lui donner les moyens d’être un véritable contrôleur. La reforme se jugera beaucoup sur ce point.
-Il faut donner aux victimes (particuliers associations) les moyens d’être présent à la procédure d’enquête et de pouvoir efficacement faire valoir leurs demandes devant le Juge de l’Instruction. Cette disposition est essentielle car elle évitera que les procureurs n’enterrent des dossiers à la demande du pouvoir.
-Les parties étant face à un procureur puissant puisqu’il dispose des moyens de police, de gendarmerie, et d’expertise elles doivent pouvoir solliciter des mesures d’enquête (auditions de témoins, expertises etc..) sans se ruiner et doivent dont être aidées par un renforcement sérieux de l’Aide Judiciaire.
Si ces mécanismes sont mis en œuvre dans le cadre de la reforme et si l’on ajoute le poids des medias, le risque de voir le pouvoir enterrer des affaires serait grandement limité.
Voici un lien vers un article du figaro:
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/03/10/01016-20100310ARTFIG00463-procedure-penale-les-points-d-achoppement-.php
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