jeudi 15 octobre 2020

Laurent Gaudé: Paris, Mille vies

                                           


Laurent Gaudé dont j'avais lu "Le soleil des Scorta" roman qui lui valut le Prix Goncourt vient de publier, toujours aux Editions Actes Sud, en octobre 2020 un tout petit récit de 87 pages intitulé: "Paris, Mille Vies". La lecture d'une critique et le fait que le recit concerne Paris m'a conduit à le lire et je dois dire que c'est un petit bijou avec de nombreuses pages très émouvantes.

Dans ce récit Laurent Gaudé parcourt la ville de Paris qui est "sa ville", qu'il connaît et aime et il le fait en évoquant, au milieu de la vie animée de la capitale, toutes ces vies passées, tous ces gens connus ou inconnus qui vécurent, ici où là , dans la ville, tous ces morts qu'ils réveillent et évoquent en les faisant sortir, un court instant de l'oubli.

Ce parti pris ne pouvait que me plaire , moi qui aime visiter les cimetières,  et notamment le Père Lachaise et songer en parcourant ces allées, a toutes ces vies évanouies. Dans le récit, Laurent Gaudé les évoque au détour d'une rue , d'un monument et il évoque aussi bien quelques célébrités (Victor Hugo, François Villon, Antonin Arthaud) que des anonymes complétement oublié aujourd'hui. Il le fait notamment grâce a ces plaques du souvenir sur les immeubles parisiens et qui évoquent souvent des jeunes gens tués pendant l'occupation et que ,par la magie du verbe, il  fait revivre un instant.

Beaucoup de ces évocations sont très émouvantes : celle de Victor Hugo suivant le cortège funèbre de son fils Charles, l'arrivée du jeune Rimbaud à Paris où il est mal reçu, une conférence d'Antonin Arthaud l'esprit complétement bousillé par les électrochocs reçus à Rodez et l'histoire absolument bouleversante de deux cousins de  vingt ans, André Dupont et André Faucher fusillé ,un peu avant la libération sur les quais de la Gare de l'Est.

Ce récit est une méditation sur la mort et donc sur la vie et, pour vous donner envie de lire ce petit livre je ferai très vite deux lectures de quelques pages.

Curieusement je trouve ce matin dans Libération dans un article sur Robert Bober cet extrait qui colle parfaitement a ce qu'é écrit Laurent Gaudé

"Vladimir Jankélévitch, souvent cité par Robert Bober, le dit en philosophe, et non plus en écrivain : «Ce qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été.» Et aussi : «Les morts dépendent entièrement de notre fidélité. Le passé, comme les morts, a besoin de nous. Nous parlerons donc de ces morts afin qu’ils ne soient pas anéantis.» Et enfin : «Les fusillés, les massacrés, n’ont plus que nous pour penser à eux. Si nous cessions d’y penser, nous achèverions de les exterminer.» Robert Bober aime les livres d’Eric Vuillard, notamment 14 Juillet parce qu’il donne les noms de ceux qui sont «tombés à la Bastille». Bober donne les noms de l’Affiche rouge, ceux qui ont été conduits au mont Valérien le 23 février 1944 pour y être passés par les armes, et les noms de «ceux de Charlie Hebdo morts le 7 janvier 2015»."

                                                  


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