J’attendais le livre d’Alain Virc
Concernant ce rapport de Camus avec la guerre d’Algérie c’est
, évidemment , une question absolument centrale et elle a été tout a fait centrale pour Albert Camus comme il le montre bien.
Je dirai d’abord que ce livre est écrit par un
écrivain et le lecteur aimera la façon dont Alain Vircondelet se saisit de cette question mêlant des faits historiques,
les analyses de Camus et sa propre analyse dont la dominante me semble
littéraire plus que politique. Ce n’est donc pas un livre d’historien même si
l’histoire n’est pas du tout négligée et qu'elle est, au contraire décrite dans le détail.
Ce mélange d’histoire et d’analyse littéraire rend le livre
parfois complexe mais permet de voir, si je puis dire, se créer et évoluer la
pensée de Camus sur cette guerre. Alain Vircondelet cherche à aller au plus
profond de ce que ressent Albert Camus.
Il analyse évidement la position de Camus en face de la question de l’indépendance du pays. Comme beaucoup il montre que Camus ne pouvait envisager de quitter ce pays mais il le fait de manière très approfondi en remontant à toute l’histoire personnelle de cet écrivain.
C’est
presque à une psychanalyse qu’il se livre en insistant , par exemple, sur tout
ce qu’il a vécu à Tipaza, sur les leçons de Tipaza et sur les leçons de son père avec sa maxime :
« un homme ça s’empêche » leçons qui sont à la source de sa position si controversée.
Il montre longuement comment Camus dès ses débuts, très jeune
encore critique fortement les méthodes du pouvoir colonial.
Amour de cette terre : oui, lutte contre le pouvoir
colonial :oui.
Mais par contre Albert Camus ne peut accepter le terrorisme qui s’attaque aux victimes innocentes.
Alain Vircondelet montre très bien ce terrorisme du FLN, il décrit ces actes odieux comme les attentats dans les bars du Centre d’Alger (p.155) et il montre comme d’autres l’ont fait avant lui les positions opposées de Sartre (et sa phrase odieuse) et de Camus sur ce thème du terrorisme qu’il ne peut absolument pas accepter.
D’ailleurs en ouverture du
livre Alain Vircondelet rappelle cette phrase de Camus :
« Ghandi a prouvé qu’on pouvait lutter pour son peuple et vaincre, sans
cesser, un seul jour de rester estimable. Quelle que soit la cause que l’on
défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d’une foule
innocente où le tuer sait d’avance qu’il atteindra la femme et l’enfant. »
Chroniques Algériennes. Avant-propos.
Le livre nous montre cette violence aveugle et complétement
barbare et, évidemment, l’enchaînement de violence qui s’en suit. (p 179 et s.)
Camus voit aussi au delà il : « voit au contraire
l’ombre inquiétante de la Russie soviétique recouvrir lentement sa terre
natale. A qui, en effet, sinon à elle, les nouveaux chefs de l’Algérie nouvelle
vont-ils se livrer eux-mêmes ne serait-ce que pour reconstruire le pays et
l’administrer autrement ? » (p. 223)
Je trouve Alain Vircondelet un peu sévère à l’égard de Macron
et ses tentatives d’apaiser le climat franco-algérien ainsi qu’à l’égard de
Benjamin Stora mais je suis d’accord sur le fait que le pouvoir Algérien et une
partie des élites liés à ce pouvoir continuent de ne voir qu’un côté des crimes !
En définitive un livre dense, complet, qui va au fond des
questions , qui le fait, non pas en universitaire, mais en écrivain et qui
rend justice à Albert Camus à un moment où l’on peut dire que sa pensée a
triomphé et commence même à être apprécié en Algérie.
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