lundi 23 septembre 2019

Stefan Zweig: Le monde d'hier.Souvenirs d'un EuropéenLe

Le monde d'hier: Souvenirs d'un Européen de Stefan Zweig est à la fois l'analyse, historique et politique, d'une période cruciale de l'Europe, celle où elle s'est détruite par un nationalisme borné et un populisme bête et féroce, mais aussi, et ce n'est pas la partie la moins captivante, les réflexions d'un homme sur sa vie.
C'est un immense livre qu'il faut lire absolument magnifiquement écrit.
J'avais déjà lu un certain nombre de livres de ce grand écrivain comme :"La confusion des sentiments", "Amok" ou certaines biographies de personnage historique ou littéraire. Je connaissais aussi un peu sa vie et, notamment, cette dernière partie où, chassé de son pays par les nazis, il errait dans différents pays jusqu'au suicide avec sa femme au Brésil en 1942 en laissant cette belle lettre que j'ai souvent relu.




"Chaque jour j'ai appris à aimer un peu plus ce pays [le Brésil, NdR], et je n'aurais voulu refaire ma vie dans aucun autre pays après que mon foyer linguistique ne cède et que mon foyer spirituel, l'Europe, ne s'effondre. 

Mais tout recommencer à 60 ans demande des pouvoirs spéciaux, et mon propre pouvoir a été épuisé après des années de vagabondage sans foyer. Je préfère donc mettre fin à ma vie au bon moment, debout, comme un homme dont les productions culturelles ont été son bonheur le plus pur et sa liberté personnelle — les deux choses les plus précieuses sur cette terre. 

Je salue tous mes amis : puissent-ils vivre pour voir l'aube après cette longue nuit. Moi-même, impatient, les précède. "

On voudrait presque tout citer, tant chaque page de ce livre est pleine d'enseignements, tant elles sont l'oeuvre d'un grand esprit et tant elles sont souvent touchantes lorsque l'on voit un esprit de cette envergure être lui-même capable d'admirer et d'évoquer brillamment d'autres esprits.
je pense ,ici, aux pages touchantes dans lesquelles il évoque ses années de classe et de lycée dans la Vienne d'avant 1914 et où il écrit des pages si élogieuses sur les très jeunes poètes "en culottes courtes" mais déjà géniaux qu'il eut la chance de côtoyer et d'admirer: Hugo Von Hommenstahl et le jeune Rilke (p. 66 à71 et 73 à 75)
On lit aussi avec un intérêt étonné ce qu'il écrit de la sexualité, sur les hommes et les femmes de cette époque et sur l'évolution heureuse qui a suivi. On se dit que certains dans les pays dits arabo-musulmans devraient lire ces pages qui montrent avec une efficacité et une justesse très grande combien certaines conceptions des rapports homme /femme peuvent conduire aux complexes et affecter gravement les rapports sociaux. Stefan Zweig n'est pas pour rien le contemporain et le voisin a Vienne de Freud!  (p. 99 à 115 ).
Bien sûr l'essentiel du livre est consacré à la survenance des événements majeurs qui allaient détruire l'Europe: les deux guerres puis la montée des nationalismes et du nazisme et Stefan Zweig montre bien comment ces drames sont survenus sans que , dés le début, les populations même informées et cultivées s'en rendent compte. Il montre comment l'on est conduit a accepter certaines entorses aux règles et aux principe en se disant que leurs auteurs n'iront pas plus loin. Que c'est impossible!Eh bien non c'est possible et de renoncement en renoncement le pire arrive qu'il est alors si difficile de combattre.
Et ce qui entraîne chez Zweig une véritable dépressions c'est de voir ses amis, des intellectuels avec lesquels il a fraternisé se détourner tout à coup de lui et accepter les dérives criminelles et incompréhensibles du nazisme. cela reste une sorte de mystère  et encore ,pour moi, aujourd’hui.
Ce livre évoque aussi une des passions de Zweig la collection depuis son plus jeune âge d'autographes, de manuscrits de créateurs , écrivains ou musiciens . Il était un des grands spécialistes de ce genre de document. Et cela aussi il a dû s'en défaire avant son errance dans me monde et son suicide.

On pourra aussi écouter cette émission de radio



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