dimanche 23 janvier 2022

Regis Jauffret: Le dernier bain de Flaubert

 


Regis Jauffret vient de publier aux Editions du Seuil :  « Le dernier bain de Flaubert ». Derrière ce titre ,un peu énigmatique se cache une sorte de biographie romancée de l’illustre écrivain écrite dans un joli style et faisant s’exprimer Flaubert lui-même.

Il nous peint le décor de son enfance dans cet hôtel Dieu de Rouen avec un père chirurgien qui opère sous les fenêtres de ses enfants, sa vie de famille, ses crises d’épilepsie depuis l’adolescence et ses amours ,un peu particuliers avec des femmes  (A peine adolescent avec Elisa Schlesinger) puis Louise Collet et beaucoup de prostituées un peu partout, mais aussi avec l’amour de sa vie Alfred Le Poitevin de cinq ans son aîné, Maxime Du camp et Louis Bouilhet et  quelques jeunes lors du voyage en Orient. Il nous dit comment il a détruit presque toute la correspondance amoureuse, notamment avec Alfred.

Il évoque ses lectures à haute voix dans sa famille et chez ses amis et règle son compte au passage à la théorie du « gueuloir » propre à améliorer le style.

Flaubert nous parle et nous raconte comment ses personnages et bien sûr, Emma Bovary reviennent le visiter régulièrement. A propos de ce roman il évoque le procès qui lui fût fait et son acquittement dû , nous dit-il, à l’intervention de son frère auprès de Napoléon III . Evoquant cette affaire il a des mots très durs pour les Juges et je le cite :

« Napoléon III donna des ordres.

Ils sont habitués à obéir ces esclaves de la Loi, prêts à la trahir pour une promotion, une médaille et d’ordinaire pour rien. Vos tribunaux pendant les périodes troubles obéissent aux pouvoir  dictatoriaux comme après aux vainqueurs d’iceux sans que leurs sbires aient fait amende honorable ou soient remplacés par des propres. Sur ordre ils m’acquittèrent en hiver, au nom de la loi inique ils castrèrent  Les Fleurs du mal de six poèmes au mois d’août.

Courbant l’échine devant l’empereur le tribunal replâtra.

Le temps manquait pour recommencer la besogne. On se borna a contredire les premiers attendus par un dixième et un onzième bâclés en toute hâte reconnaissant qu’en définitive j’étais un brave homme respectueux de ces valeurs que malmenait mon ouvrage qui pour ordurier qu’il fût n’en avait pas moins été longuement et sérieusement travaillé…………

Gredins.

Juges, procureurs, avocats de la partie civile vous savez que votre descendance aura honte du crime l’esprit que vous commettez en bande organisée. Prenez donc votre plaisir en hâte, bientôt le temps vus accablera ,fera de vous des fripouilles.

-Des Pinard. »

Dans la deuxième partie Régis Jauffret fait , une nouvelle fois apparaître Emma Bovary et il y a là une longue diatribe de l’intéressée qui adresse des reproches à Flaubert pour l’avoir, selon elle, maltraitée.

Et puis c’est l’agonie de Flaubert, la mort est là, elle rôde, elle l'entoure, il l'a voit ,lui parle son décès, le chagrin de Guy de Maupassant, la cupidité de la nièce Caroline et de son mari et l’enterrement.

 

Au total un livre remarquable, particulier entre l’essai et le roman et dans un style éblouissant où l'on se régale de pépites presque à chaque page. Régis Jauffret nous fait croire à ce Flaubert.  A lire absolument en cette année Flaubert. Les critiques ne s'y sont pas trompés. Et voilà comment de son côté Régis Jauffret en parle.

 

 

 


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