jeudi 20 janvier 2022

Jean-Noël Pancrazi: Les années manquantes

                                                                       


 

Jean Noël Pancrazi vient de publier chez Gallimard : « Les années manquantes ».J’ai presque tout lu de cet écrivain né en Algérie et qui, roman après roman évoque sa vie depuis ses années d’enfance sur les Hauts plateaux sétifiens jusqu’ à son retour en France du côté de Perpignan. Son enfance il l’a évoquée dans ;  « La montagne » dans Madame Arnoul puis dans l’évocation de la fin de vie de ses parents : « Long séjour » pour son père, « Madame Camps » pour sa mère.

Il a aussi évoqué sa propre vie en France et son homosexualité dans un magnifique roman : « quartiers d'hiver, ce roman qui évoque les années sida et son cortège de morts, « Dollars de sable » qui évoque le tourisme sexuel.


Récemment il a fait le récit de son retour en Algérie plus de cinquante ans après son départ et c’est : « Je voulais leur dire mon amour  » et c’est un retour en parti raté, gâché par les autorités du pays.

 

Et, là dans ce dernier récit : « Les années manquantes » il évoque cette période où, ses parents étant retourné ,après 1962, en Algérie ils le laissèrent prés de Perpignan chez sa grand-mère Joséphine.

Ils y évoque ses quinze ans, son sentiment d’abandon, ceux qui l’entourent comme son oncle Noël, la mort de sa grand-mère, le mauvais accueil qui fut fait aux rapatriés., le retour de ses parents et leur séparation. Il y évoque son départ pour Paris par un train de nuit pour le pensionnat du Lycée Louis Le grand où il est en Hypo Cagne, puis sa découverte de Paris , de mai 68, de l’indépendance et des nuits parisiennes.

Le livre se termine par un retour à Perpignan où toute sa famille a maintenant disparue et avec ces lignes tristes :

 « Paris n’était plus pour moi un but, une promesse, mais seulement une escale, un lieu commode de départ pour tous ces voyages, ces villes étrangères, ces hôtels- il y en avait tant eu-où j’aimais rester sans lien, sans donner de nouvelles, sans rien décider ni même chercher encore à aimer. Je n’avais rien acquis depuis le soir où j’étais parti de Perpignan avec la cantine et les draps brodés ;la vie avait passé, je n’avais rien à moi ; tous mes livres tenaient dans un unique sac de papier qu’on pouvait abandonner dans un hall sans qu’il soit considéré comme colis dangereux. J’étais seul , sans croyance, ni compagnon à rejoindre ;il n' y avait pas de maison, de terre de retour, de place pour revenir mourir, ni ici ni de l’autre côté, au cimetière corse que j’aimais tant pourtant, ce carré familial, déjà complet, comme secret dans la montagne en plein maquis sous le grand chêne. Le train allait partir ; la gare semblait déserte ;il n’y avait plus aucun écho de roulement de valises ou de chariots ; mais ils étaient là-bas, réunis dans la nuit ; c’étaient les miens ; ils ne m’avaient pas oublié ; ils venaient me dire au revoir, me rappeler que je n’étais pas aussi seul que je le croyais, avançaient sur la quai, embarrassés, ne sachant s’ils aveint le droit de monter ou non, essayant de trouver l’origine de leur erreur dans le trajet, mais ils n’en avaient pas fait -c’était la vie ; oscillant avec cette « case en moins » qu’on avait en commun, ce petit groupe de déracinés, tendres et cinglés, ces romanichels d’un autre temps qui ne jugeaient jamais, habitués à ne rien attendre, à ne rien demander, à ne pas s’installer, à ne pas se soucier d’être sauvés et qui, sans le savoir, m’avaient tout donné. »

Comme je l’ai écrit dans une autre entrée il est l’écrivain des mondes qui passent, qui disparaissent et tous ses écrits baignent dans la nostalgie, dans la tristesse des disparitions.

Et l’on retrouve toujours son style inimitable, ses longues phrases, et tout au long une sorte de tristesse, une émotion qui court sur chacune de ses phrases.

 

 


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