Analysant avec, à la fois, un léger recul et cependant en plein milieu des événements ce qui s’est passé en Tunisie en Egypte, en Lybie, au Yémen et à Bahreïn, sans parler de l’Algérie et du Maroc, la première réflexion qui vient à l’esprit est l’étonnement. Certes il existait de très nombreuses causes de révolte, que, pour être honnête l’on n’avait pas toujours apprécié à la bonne mesure, mais elles existaient depuis si longtemps que l’on a peine à dire clairement pourquoi tout s’est déclenché maintenant.
Sans doute les populations ressentaient sans d’ailleurs pouvoir l’exprimer, en raison de l’absence de liberté, de nombreuses frustrations économiques et sociales et, comme le dit la sagesse populaire, il y a « une goutte qui a fait déborder le vase ».
Albert Camus dans : "L’homme révolté " a bien analysé ce moment ou tout bascule :
« Avec la perte de la patience, avec l’impatience,commence au contraire un mouvement qui peut s’étendre à tout ce qui,auparavant, était accepté. Cet élan est presque toujours rétroactif.L’esclave, à l’instant ou il rejette l’ordre humiliant de son supérieur,rejette en même temps l’état d’esclave lui-même.Le mouvement de révolte se porte plus loin qu’il n’était dans le simple refus.Il dépasse la limite qu’il fixait à son adversaire,demandant maintenant a être traité en égal.Ce qui était d’abord une résistance irréductible de l’homme devient l’homme tout entier qui s’identifie à elle et s’yrésume. Cette part de lui-même qu’il voulait faire respecter,il l’a met alors au dessus du reste et la proclame préférable à tout,même à la vie.Elle devient pour lui le bien suprême. Installé auparavant dans un compromis, l’esclave se jette d’un coup (« puisque c’est ainsi… » dans le Tout ou Rien. La conscience vient au jour avec la révolte. »
C’est en Tunisie que le mécanisme de cette « goutte » fatidique est intervenu par le suicide de ce malheureux jeune homme, dont il faut écrire le nom, Mohamed Bouazizi ,car il est entré dans l’histoire en s’immolant par le feu parceque ,après sans doute bien d’autres humiliations,il n’a pas pu supporter la dernière : la confiscation de son petit étal de marchands de légumes qui s’est accompagné d’une gifle donnée par une policière, petit chef lamentable de mépris humain.
Tout s’est alors déchaîné le couvercle de la marmite a sauté et tout un peuple s’est révolté contre l’absence de liberté, contre la corruption, contre les passes droit qui ne profitaient qu’a quelques uns, contre de trop grandes inégalités sociales et, en Tunisie, contre le comportement maffieux et criminel de la famille du Président.
Ces maux existaient aussi dans toutes ces dictatures anciennes du Maghreb et du Moyen Orient et les peuples se sont dit immédiatement que ce que les tunisiens, hommage leurs soit rendu, avaient réussi ils pouvaient aussi le faire et ils l’on fait en Egypte et le feront prochainement en Lybie, au Yemen, a Bahreïn, en Algérie et au Maroc.La Tunisie en se révoltant a fait sentir à d’autres peuples ce que leur situation avait aussi de révoltant.
Ces peuples même si ils n’ont pas fait consciemment la même analyse ont exprimé une volonté première et fondamentale celle de la liberté et de la dignité. Ils ont compris aussi ce que plusieurs rapports internationaux avaient établis depuis longtemps a savoir que le développement économique et sociale d’un pays passe, avant tout et nécessairement, par la liberté.
Si ces peuples-et il en reste beaucoup d’autres- souffraient d’un certain sous développement c’est en raison de cette absence de liberté et d’initiative des individus.
Ce qui frappe l’observateur c’est que les régimes tombés, on assiste à une effervescence intellectuelle,à un débat permanent, à des initiatives multiples dans tous les domaines.Il suffit d’être présent sur les réseaux sociaux et d y avoir un certain nombre d’amis pour ce rendre compte de cette vie intellectuelle intense et prometteuse. Je dois dire qu’en comparaison la France paraît tout à coup un vieux pays résigné et sans flamme. J’envie ce travail important qu'il y a faire dans ces pays et notamment dans la Tunisie que je connais bien.
Mais si cette analyse est la bonne et je crois qu’elle l’est,, elle porte en elle l’espoir d’une évolution vers la démocratie et les droits de l’homme. En effet, si le peuple ne veut pas être en contradiction avec lui-même, il refusera toute forme de régime qui porterait atteinte à cette liberté fondamentale et à cette dignité qu’ils ont exigée en chassant les dictateurs. Ces peuples savent -ils ont malheureusement été bien placés pour le savoir-que les inégalités sociales, la corruption généralisée, le sous développement économique étaient la conséquence de l’absence de liberté, de presse libre, d’associations et de syndicats libres.
Pour rester cohérent avec leur magnifique révolution ils devront veiller à ce que dorénavant toute forme de dictature deviennent impossible et exiger que leurs institutions garantissent les libertés publiques, garantes elles même du développement.
Tout parti politique devra donc être contraint par la Constitution à adhérer loyalement et clairement à l’ensemble de ces libertés publiques : liberté de la Presse, liberté de manifester, liberté de réunion et d’association, de créer des syndicats indépendants des pouvoirs publics et devront s’engager, évidemment à la liberté des votes et à leurs prises ne compte.
Sans notamment la liberté de la presse et le développement des corps intermédiaires (association, syndicats, groupes de pression) il y aura toujours le risque d’une nouvelle confiscation du pouvoir, plus difficile s’il y a dans la société civile une diversité agissante et vigilante.
Tout cela va sans dire pourrait on rétorquer. Ce n’est pas si sûr et la tentation d’imposer ses vues aux autres, de se livrer à l’homme providentiel chargé de vous conduire vers le bonheur peut toujours revenir. Il faudra s’en garder et de bonnes institutions peuvent le permettre.
Parvenu à ce stade, ces peuples qui ont arraché leur liberté pourquoi n’adhéreraient ils pas à la Déclaration Universelle des droits de l’homme ?
Cette Déclaration met en forme juridique tout ce qui, dans le fond, était exigé par le peuple dans sa révolution : liberté de penser, d’agir, de contôler l‘exercice du pouvoir, de se réunir, de faire partie d’associations libres….
Y a-t-il un obstacle quelconque à cette adhésion ? J’invite les citoyens de ces pays à lire et relire cette Déclaration solennelle de 1948 : elle dit très exactement ce ces peuples ont voulu en se révoltant.
Il n’existe, à la vérité, qu’un obstacle qui pourrait venir des partis islamistes. Certains pays ont en effet refusé d’adhérer à cette déclaration de 1948 sous prétexte qu’elle instaure l’égalité des hommes et des femmes.
J’écrivais plus haut que la liberté était nécessaire pour assurer un réel développement économique et social. J’ajoute que la liberté ne se divise pas et que l’égalité des hommes et des femmes est également absolument nécessaire à un réel développement. Cet élan vers l’égalité sera évidemment plus facile en Tunisie qui a déjà un très important acquis, mais si ces pays s’arrêtent en chemin et ne vont pas jusqu’au bout de la liberté, ces révolutions auront, à mon sens échouée et le développement des ces pays restera encore an arrière pour plusieurs années. Le défi doit être relevé, la chance saisie.
1 commentaire:
J'ose espérer que vous faites une différence entre REVOLTE et REVOLUTION
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