lundi 11 janvier 2021

A propos de Jean Grenier

                                                                                            


   

Jean Grenier a été le professeur de philo d’Albert Camus à Alger, au Lycée Bugeaud. Il a donc connu Camus lorsque ce dernier n’avait que 17 ans et leur amitié a duré tout le long de la vie de Camus.

Camus, on le sait, a eu la chance de rencontrer dans sa vie beaucoup de personnes et il avait le sens de l’amitié. Ila échangé avec ces personnes une correspondance abondante qui a, pour l’essentiel, était publiée.

Mais, en réalité, il y a deux rencontres qui furent déterminantes car elles modifièrent le destin d’Albert Camus.

Il y eut d’abord celle de son instituteur à l’école primaire de la rue Aumerat dans le quartier de Belcourt à Alger (le quartier pauvre) Louis Germain. Cet instituteur fit son possible pour que Camus, malgré la pauvreté de sa famille puisse aller au Lycée, lui qui était destiné à devenir apprenti puis, sans doute ouvrier ou employé.

On se souvient de la magnifique lettre que Camus adressa a Louis Germain lorsqu’il apprit qu’il recevait le Prix Nobel de Littérature et que l'on pourra écouter ici. Il lui dédia aussi le discours qu’il prononça en Suède à cette occasion.

La deuxième rencontre capitale fut celle de Jean Grenier son professeur de philosophie au Lycée d’Alger. Camus n’avait alors que 17 ans et il cherchait sa voix comme tous les jeunes gens. Grenier l’aida beaucoup, d’abord en l’orientant en littérature, en lui faisant découvrir les idées et le militantisme politique. C’est Jean Grenier qui conseilla a Camus d’adhérer au parti communiste algérien même si Camus s’en détacha rapidement. On lira dans une des lettres de Camus la façon dont il évoque ce conseil de Jean Grenier et pourquoi il a accepté d'adhérer. 

Jean Grenier en plus d’être professeur écrivait et, évidemment, c’est vers lui que se tourna Camus lorsqu’il eut, lui-même, envie d’écrire.

Il soumit à Jean Grenier ses premiers textes et, il y a dans la correspondance (Camus-Grenier) une lettre très émouvante dans laquelle Camus demande des conseils et si, vraiment, il doit continuer à écrire. (p.29)

La lecture de cette correspondance est captivante et montre la grande maturité qu’avait le jeune Camus autour de sa vingtième année. Elle est également intéressante car elle suit de très près la vie de Camus et elle nous donne le regard qu’avait Camus sur cette vie, ses difficultés et ses joies. Cette correspondance est un très bon complément aux biographies de l’auteur et l’on y sent la vie même se dérouler si l’on peut dire.

On constate que Camus a toujours soumis ces textes au regard de Grenier et a, le plus souvent, tenu compte de ses observations. On y voit aussi toutes les difficultés (alimentaires, de communication etc.) dues à la guerre. Cette correspondance nous fait aussi toucher du doigt la maladie de Camus et les différents séjours et soins qu’il doit faire.

Parallèlement à cette correspondance il faut lire le livre de souvenirs que Jean Grenier publia après la mort de Camus et intitulé sobrement : Albert Camus.

Ce livre s’ouvre sur la visite que Jean Grenier rendit à Albert à Belcourt après avoir appris qu’il était souffrant. La rencontre permet à Jean Grenier de constater la situation de la famille et elle ne se passe pas très bien, Albert restant muet et presque hostile.

Dans une lettre, beaucoup plus tard, Jean Grenier demanda à Camus s’il se souvenait de cette rencontre et Camus lui fit cette réponse émouvante : « Oui, je me souviens de votre visite à Belcourt. Aujourd’hui encore je peux me rappeler tous les détails. Peut-être, absolument parlant, représentiez-vous la Société. Mais vous étiez venu et de ce jour-là j’ai senti que je n’étais pas aussi pauvre que je le pensais. » (Correspondances p.78)

Et plus longuement encore dans une lettre du 18 septembre 1951 Camus s'explique sur cette rencontre: "Vous y auriez lu alors que le très jeune homme dont l'accueil à Belcourt, vous a surpris, était surtout suffoqué de timidité et de reconnaissance parce que vous étiez venu jusqu'à lui. Cela est si vrai que, de cette visite qui vous a laissé si désorienté, date la fidélité que je vous ai gardée pendant vingt ans et qui ne se démentira pas." (p. 179)

Camus a donc toujours admiré et respecté Jean Grenier et lors de la réédition prévue des Îles il accorda Une préface très élogieuse dans laquelle il compare l’effet des Îles à celles des Nourritures terrestres de Gide.

Et pour se faire une idée de Jean Grenier j’ai lu aussi : La mort d'un chien car celui qui écrit un tel livre ne peut pas être mauvais. Il ‘agit d’une élégie (texte de deuil et de regret)

 

 

 

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