J'ai lu avec un très grand plaisir le roman de Kaouther Adimi: Nos richesses. paru il y a moins d'une semaine aux Editions du Seuil et je me suis réjouis de le lire maintenant, après mon voyage en Algérie et à Alger l'an dernier car l'auteur évoque dés le début de son récit le centre d'Alger que j'ai parcouru.
L'histoire commence par l'évocation émouvante d'Abdallah que l'administration a chargé quelques années auparavant de garder un petit local situé au 2 de l'ex rue Charasse qui en son temps fut la librairie créée par Edmond Charlot "Aux vraies richesses" et qui devint ensuite après l'indépendance et le départ de l'éditeur une annexe de la Faculté des Lettres. Abdallah qui n'avait pas été à l'école veillait sur ce lieu très peu fréquenté et voilà que l'administration, a son grand désespoir, a décidé de vendre ce local qui va désormais abriter un marchand de beignets.
Le livre est une alternance de chapitre, les uns consacrés à l'activité d'Edmond Charlot et de ses amis avec la création de cette librairie ,maison d'édition et de chapitres consacrés au présent de ce local, c'est à dire a sa transformation en commerce de beignets.
Un jeune algérien, Ryad, qui fait ses études en France s'est engagé en guise de stage a vider la librairie de tous ses livres et a repeindre le local en blanc pour qu'il abrite ensuite le marchand de beignet et Riyad va faire face a Abdallah.
IL y a donc dans ce roman l'évocation de cette jeunesse pleine d'énergie, de projets, de goût pour la littérature qui côtoie tous les grands noms de cette époque: Gide, Saint Exupery, Vercors, Jules Roy, Emmanuel Robles, d'autres encore et bien sûr Camus a ses débuts et jusqu’à a sa mort en 1960.
Le journal (fictif) d'Edmond Charlot nous fait aussi revivre la période de la guerre, les attentats de l'OAS contre sa librairie.
Le roman par quelques touches significatives nous montre aussi l'Algérie d'aujourd'hui.
Au total un très beau texte et je ne résiste pas a reproduire,ici, la dernière page émouvante.; et sous ce lien vous pouvez entendre la romancière parler de son livre qui est un agréable mélange de fiction et d'histoire et vous lirez aussi une excellente critique de ce roman.
ALGER , 2017
"Vous irez aux Vraies richesses, n'est-ce pas? Vous prendrez les ruelles en pentes, les descendrez ou les monterez. Vous vous abriterez du soleil qui tape fort. Vous éviterez la rue Didouche Mourad, si pleine de monde, traversée par de nombreuses ruelles comme par une centaine d'histoires, a quelques pas d'un pont que se partagent suicidés et amoureux.
Vous vous arrêterez a la terrasse d'un café et vous n’hésiterez pas a vous y installer pour discuter avec les uns et les autres.On vous écoutera avec attention. Ici, nous ne faisons pas de différence entre ceux que nous connaissons et ceux que nous venons de rencontrer. et on vous accompagnera dans vos ballades. Vous ne serez plus seul. Vous grimperez les rues, pousserez les lourdes portes en bois, imaginerez ces hommes et ces femmes qui ont tenté de construire ou de détruire cette terre. Vous vous sentirez accablé. Et le bleu au dessus de vos têtes vous donnera le tournis. Vous vous dépêcherez , le coeur battant, vous irez rue Charras qui ne s’appelle plus comme ça et vous chercherez le 2 bis. Vous ne ferez pas attention à la Renault grise garée sur le côté. Ceux qui sont à l'intérieur n'ont aucun pouvoir. Vous vous retrouverez devant l'ancienne librairie des Vraies richesses dont j'ai imaginé la fermeture mais qui est toujours là. Vous essaierez de pousser la porte vitrée. Elle sera fermée. Le voisin qui gère un restaurant,juste a côté, vous dira :" Il est parti déjeuner,il a bien le droit de manger lui aussi! Mais ne partez pas, patientez,il va revenir. Tenez je vous offre une limonade."
Vous attendrez le gardien des lieux, assis sur la marche, a côté de la plante. Il se dépêchera lorsqu'il vous apercevra. Vous pénétrerez dans ce petit local qui fut le point de départ de tant d'histoires. Vous lèverez la tête pour voir le grand portrait de Charlot qui sourit, derrière ses lunettes noires. Oh, pas d'un grand sourire, c'est plutôt l'air de dire: "Bienvenue, entrez, prenez ce qui vous plaît." Vous penserez aux mots de Jules Roy dans ses Mémoires barbares: " De cette aventure, dont nous ne savions pas que nous la vivions, il reste pour moi une sorte de mirage. Charlot fut un peu notre créateur à tous, tout au moins notre médecin accoucheur. Il nous a inventés( peut être même Camus),engendrés, façonnés, cajolés, réprimandés parfois, encouragés toujours, complimentés au delà de ce que nous valions, frottés les uns aux autres, lissés, polis, soutenus, redressés, nourris souvent, élevés, inspirés....
Pour aucun d'entre nous, jamais un mot qui aurait pu laisser entendre que notre génie n'était pas seulement l'avenir de l'Algérie et de la France mais celui de la littérature mondiale. Nous étions les poètes les plus grands, les espoirs les plus fantastiques, nous marchions vers un avenir de légende, nous allions conférer la gloire a notre terre natale.... Nous fûmes son rêve. C'est là que le sort le trompa ,injustement, comme se lève une tempête sur une mer calme. A la bourrasque il tint tête tant qu'il put. Je ne l’entendis jamais protester contre l'injustice ni maudire l'infortune qui l'accablait. Par moments,il m'arrive de me demander si nous avons été assez dignes de lui."
Un jour, vous viendrez au 2 bis Rue Hamani, n'est-ce pas?"
Je regrette de ne pas avoir lu ce livre, non publié à l'époque, avant de revoir Alger. Oui,la prochaine fois j'irai voir le 2 bis de la Rue Hamani. Pour une critique du livre par le fils de Louis Benisti ,peintre et ami de Camus.
Ce blog est consacré à mes coups de coeur dans l'actualité, dans la littérature et dans mes voyages
jeudi 31 août 2017
mercredi 30 août 2017
Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur
J'ai aimé beaucoup de livres que j'ai lu récemment mais ce roman, mondialement connu et que je ne connaissais pas, d' Harper Lee m'a enthousiasmé. Certains se sont demandé s'il s'agissait d'un livre pour enfant ou pour adulte. Cela parce que le récit est conduit par les eux jeunes enfants d'Aticus Finch ,un avocat dans une petite ville (imaginée) du Sud des Etats Unis: Jeremy dit Jem (12 ans ) et Scout sa petite soeur de 6 ans quand commence ce roman.
Je dirai, pour ma part qu'il peut être lu et apprécié à la fois par les adultes et par les enfants et c'est un des livres les plus utilisé dans l'enseignement aux Etats Unis et ailleurs dans le monde.
Il ya d'abord une formidable évocation du monde de l'enfance réalisée avec humour, drôlerie et qui replonge le lecteur dans sa propre enfance et dans ses propres réactions à cette époque de sa vie.
Ces deux enfants ont la chance extraordinaire d'avoir un père remarquable d'intelligence, de sensibilité et de générosité et qui est donc pour eux (et c'est la meilleure forme d'éducation) un exemple qu'ils aspirent a suivre.
A côté de cette évocation de l'enfance il y a, dans ce roman, l'évocation du sud et de cette société raciste dans la quelle un blanc même mauvais vaut mieux que n'importe quel noir.
Atticus le père des deux enfants , avocat, est désigné d'office pour défendre un noir accusé d'avoir violé une jeune fille et il va assurer cette défense avec courage et détermination. Il va être de ce fait critiqué et montré du doigt par cette société ce que les enfants ne comprendront pas.
Il fera tout et fort bien pour obtenir la relaxe de ce noir visiblement innocent malheureusement sans succès.
Je ne raconte pas la fin mais ce roman est un très beau portrait d'un homme juste et il y a une belle scène émouvante. A la afin du procès et alors que son client a été condamné injustement la communauté noire salue tout de même l'attitude d'Aticus. Quand Aticus quitte la salle d'audience : " Je regardai autour de moi.Ils étaient debout. Tout autour de nous et dans la tribune d'en face, les Noirs se levaient. La voix du Révérend Sykes me parut aussi lointaine que celle du Juge Taylor:
-Miss Jean Louise,levez-vous, Votre père passe."
Ce roman fut le seul d'Harper Lee pendant plus de 50 ans et ce n'est que quelques mois avant sa mort qu'elle publia un second livre qui eut moins de succès et qui ouvrit une polémique.
Il ya dans le roman ,comme souvent, une part d'autobiographie et la petite ville créée par la romancière ressemble beaucoup a celle ou elle vécut son enfance. Dill un des enfants n'est autre, semble t il que le futur romancier Truman Capote qui toute sa vie fut ami avec Harper Lee.
Voir la pièce de théâtre qui en a été tiré
Je dirai, pour ma part qu'il peut être lu et apprécié à la fois par les adultes et par les enfants et c'est un des livres les plus utilisé dans l'enseignement aux Etats Unis et ailleurs dans le monde.
Il ya d'abord une formidable évocation du monde de l'enfance réalisée avec humour, drôlerie et qui replonge le lecteur dans sa propre enfance et dans ses propres réactions à cette époque de sa vie.
Ces deux enfants ont la chance extraordinaire d'avoir un père remarquable d'intelligence, de sensibilité et de générosité et qui est donc pour eux (et c'est la meilleure forme d'éducation) un exemple qu'ils aspirent a suivre.
A côté de cette évocation de l'enfance il y a, dans ce roman, l'évocation du sud et de cette société raciste dans la quelle un blanc même mauvais vaut mieux que n'importe quel noir.
Atticus le père des deux enfants , avocat, est désigné d'office pour défendre un noir accusé d'avoir violé une jeune fille et il va assurer cette défense avec courage et détermination. Il va être de ce fait critiqué et montré du doigt par cette société ce que les enfants ne comprendront pas.
Il fera tout et fort bien pour obtenir la relaxe de ce noir visiblement innocent malheureusement sans succès.
Je ne raconte pas la fin mais ce roman est un très beau portrait d'un homme juste et il y a une belle scène émouvante. A la afin du procès et alors que son client a été condamné injustement la communauté noire salue tout de même l'attitude d'Aticus. Quand Aticus quitte la salle d'audience : " Je regardai autour de moi.Ils étaient debout. Tout autour de nous et dans la tribune d'en face, les Noirs se levaient. La voix du Révérend Sykes me parut aussi lointaine que celle du Juge Taylor:
-Miss Jean Louise,levez-vous, Votre père passe."
Ce roman fut le seul d'Harper Lee pendant plus de 50 ans et ce n'est que quelques mois avant sa mort qu'elle publia un second livre qui eut moins de succès et qui ouvrit une polémique.
Il ya dans le roman ,comme souvent, une part d'autobiographie et la petite ville créée par la romancière ressemble beaucoup a celle ou elle vécut son enfance. Dill un des enfants n'est autre, semble t il que le futur romancier Truman Capote qui toute sa vie fut ami avec Harper Lee.
Voir la pièce de théâtre qui en a été tiré
jeudi 24 août 2017
L'intérêt de l'enfant de Ian McEwan
En parcourant ma librairie habituelle je suis tombé sur ce roman publié par Gallimard en 2015 et dont la dernière de couverture m'a intéressé.(Comme quoi les dernières de couverture doivent être rédigées par l'auteur ou par l'éditeur avec grand soin pour donner envie).
Il s'agit d'un roman consacré à la vie mais aussi au métier d'une Juge, chargé des affaires familiales et, à ce titre il ne pouvait que me rappeler ma vie professionnelle et aurait pu être évoqué dans mon petit livre : "Justice et littérature".
On suit la vie de My Lady comme elle est appelé dans son Tribunal au moment ou survient une crise dans son couple mais surtout au moment ou elle va être confronté à une affaire très difficile. Un jeune adolescent de 17 ans atteint de leucémie doit pour être soigné et éviter une mort certaine recevoir du sang.Or ce jeune et ses parents sont des "Témoins de Jéhovah" dont une des croyances est qu'il faut refuser toute transfusion sanguine.
On assiste au débat qui ont lieu dans l'urgence et My Lady se rend au chevet de ce jeune homme. Elle discute avec lui et veut se rendre compte de son aptitude a prendre lui-même une décision.
C'est un débat captivant et une réflexion sur la réelle autonomie des enfants et sur le rôle et l'influence des parents dans les croyances, débat toujours d'une grande actualité.
Je ne peux pas aller plus loin pour laisser aux lecteurs le plaisir de connaître les suites de cette affaire qui prend dans la vie du juge une place inhabituelle, mais j'en recommande la lecture pour réfléchir à la manière dont on doit éduquer les enfants pour préserver leur réelle liberté.
Il s'agit d'un roman consacré à la vie mais aussi au métier d'une Juge, chargé des affaires familiales et, à ce titre il ne pouvait que me rappeler ma vie professionnelle et aurait pu être évoqué dans mon petit livre : "Justice et littérature".
On suit la vie de My Lady comme elle est appelé dans son Tribunal au moment ou survient une crise dans son couple mais surtout au moment ou elle va être confronté à une affaire très difficile. Un jeune adolescent de 17 ans atteint de leucémie doit pour être soigné et éviter une mort certaine recevoir du sang.Or ce jeune et ses parents sont des "Témoins de Jéhovah" dont une des croyances est qu'il faut refuser toute transfusion sanguine.
On assiste au débat qui ont lieu dans l'urgence et My Lady se rend au chevet de ce jeune homme. Elle discute avec lui et veut se rendre compte de son aptitude a prendre lui-même une décision.
C'est un débat captivant et une réflexion sur la réelle autonomie des enfants et sur le rôle et l'influence des parents dans les croyances, débat toujours d'une grande actualité.
Je ne peux pas aller plus loin pour laisser aux lecteurs le plaisir de connaître les suites de cette affaire qui prend dans la vie du juge une place inhabituelle, mais j'en recommande la lecture pour réfléchir à la manière dont on doit éduquer les enfants pour préserver leur réelle liberté.
mardi 22 août 2017
KamelDaoud: Zabor ou les psaumes
Après avoir lu avec beaucoup d'intérêt "Meursault contre enquête sorte de suite au roman célèbre de Camus L'étranger et son livre de chroniques Mes indépendances je viens de terminer son dernier livre,un roman Zabor ou les psaumes paru il y a quelques jours chez Actes Sud comme les précédents.
Ce roman est dans une veine nouvelle et se présente comme une sorte de conte (mais on aimerait en connaître le côté autobiographique!) dans lequel un jeune, dans un village reculé d'Algérie mène une vie à part car il a un don, du moins le croit- il et le croit- on autour de lui, celui de faire reculer la mort en écrivant sur ceux autour desquels rode la faucheuse.
Ce jeune éloigné par son père remarié dés son plus jeune âge vit chez une tante célibataire et son vieux grand père dans un village aux portes du sud. Cette tante qui ne s'est jamais mariée passe une partie de son temps devant des films de la télévision en noir et blanc et le jeune narrateur lui traduit les sous-titre en français comme le jeune Albert Camus traduisait a sa grand mère les sous titre des films muets de l'époque.... Ce village colonial avec un bas et un haut, avec ses maisons pas finies, avec son cimetière européen abandonné où se retrouvent quelques jeunes désœuvrés ou voulant boire en cachette, avec ses clôtures faites de figuiers de barbarie vit dans une sorte de léthargie et seule l'imagination permet au jeune narrateur de s'en accommoder.
A cause de son don il se rend, à la demande de la famille, auprés de son père mourant, celui-là même qui l'a exilé dans la maison du bas avec sa tante pour qu'il tente d'éloigner la mort en écrivant.
Voilà le cadre mais l'essentiel est une réflexion sur la langue ou plutôt sur les langues et sur l'écriture. D'abord les deux langues de son enfance, l'arable littéraire de l'école et l'arable courant de la maison.En ce qui concerne l'arable littéraire il écrit "Jamais je ne parvins a en faire un rite; ce n'est ni sa faute ni la mienne mais celle de ceux qui la présentèrent comme un bâton et pas comme un voyage,comme un langage de Dieu à peine permis aux hommes, et cela me rebuta dés mon enfance. La vérité est qu'elle était mal enseignée, par des gens frustes aux regards durs. Rien qui puisse ouvrir la voie au désir."
Par ailleurs le concours avec l'arabe dialectal va ,aussi, l'écarter de ces langues. "D'un coup,parce que passibles d'être désignés par deux langues (dont l'une est celle de Hadjer,qui continue de dérouler sa parole derrière la porte), les arbres de la maison,les murs, la vigne, les cuillères et même le feu prirent un visage étranger. C'est de là que datent ma maladie et mes premiers tourments"
Il va ensuite lire de vieux livres laissés par les français et il fait dans ce roman un très bel éloge de la lecture qui, dans le fond l'a constitué.
"Pourquoi écrit-on et lit - on des livres? Pour s'amuser répond la foule, sans discernement.Erreur;la nécessité est plus ancienne,plus vitale.Parce qu'il y a la mort,il y a une fin, et donc un début qu'il nous appartient de restaurer en nous,une explication première et dernière"
Et ce qui va l'amener à écrire ce sont quelques livre et,en premier lieu Robinson Crusoé et son perroquet, un vieux livre "La chair de l’orchidée" qui va l'éveiller a la sensualité, les Mille et une nuits à l'imagination mais aussi, peut être, un traumatisme né du mouton sacrifié sous ses yeux un Aïd Kebir, traumatisme qu'il décrit si fortement!
Ce don de l'écriture est aussi une prison pour lui :"Je savais que j'étais prisonnier de mon don et d' Aboukir ( L'Algérie!),que je ne pouvais pas quitter ni rester immobile et inactif. Voyageur par l'imaginaire je devais y demeurer pour maintenir en vie les miens, les façades des murs, les vielles maisons, les arbres et les enfants malades et les poteaux et même les cigognes et les objets incongrus." (N'est-ce pas là le destin de Kamel Daoud lui-même menacé mais demeurant dans son pays?)
Ce roman est foisonnant et il mérite d'être lu et relu et comme tous les grands textes on n'en épuise pas tout le sens. La critique (en voilà une première) et une seconde que j'attends va y trouver beaucoup de ce qu'est aujourd'hui Kamel Daoud cet intellectuel intellectuel courageux et engagé qui a réussi a s'extraire d'un milieu qui ne devait pas le conduire là où il est aujourd'hui et c'est cette métamorphose qu'il nous présente dans ce conte qui est aussi, selon moi, une sorte d'autobiographie, un roman de la formation, un peu les Mots de Jean Paul Sartre ou Si le grain ne meurt de Gide mais en moins direct.
Et, par un de ces hasards extraordinaire ,j'ai vu, ce soir un film magnifique tiré d'un roman de l’australien Markus Suzak :"La voleuse de livres" qui, en évoquant ,lui aussi ,la force des mots, du langage et des livres entre en résonance avec le roman de Kamel Daoud. Il y a des scènes (celle ou l’héroïne lit à côté du jeune juif très malade) qui ressemblent beaucoup a des scènes du roman de Daoud.
Voici enfin un entretien de Kamel Daoud a propos de son livre sur France culture
Ce roman est dans une veine nouvelle et se présente comme une sorte de conte (mais on aimerait en connaître le côté autobiographique!) dans lequel un jeune, dans un village reculé d'Algérie mène une vie à part car il a un don, du moins le croit- il et le croit- on autour de lui, celui de faire reculer la mort en écrivant sur ceux autour desquels rode la faucheuse.
Ce jeune éloigné par son père remarié dés son plus jeune âge vit chez une tante célibataire et son vieux grand père dans un village aux portes du sud. Cette tante qui ne s'est jamais mariée passe une partie de son temps devant des films de la télévision en noir et blanc et le jeune narrateur lui traduit les sous-titre en français comme le jeune Albert Camus traduisait a sa grand mère les sous titre des films muets de l'époque.... Ce village colonial avec un bas et un haut, avec ses maisons pas finies, avec son cimetière européen abandonné où se retrouvent quelques jeunes désœuvrés ou voulant boire en cachette, avec ses clôtures faites de figuiers de barbarie vit dans une sorte de léthargie et seule l'imagination permet au jeune narrateur de s'en accommoder.
A cause de son don il se rend, à la demande de la famille, auprés de son père mourant, celui-là même qui l'a exilé dans la maison du bas avec sa tante pour qu'il tente d'éloigner la mort en écrivant.
Voilà le cadre mais l'essentiel est une réflexion sur la langue ou plutôt sur les langues et sur l'écriture. D'abord les deux langues de son enfance, l'arable littéraire de l'école et l'arable courant de la maison.En ce qui concerne l'arable littéraire il écrit "Jamais je ne parvins a en faire un rite; ce n'est ni sa faute ni la mienne mais celle de ceux qui la présentèrent comme un bâton et pas comme un voyage,comme un langage de Dieu à peine permis aux hommes, et cela me rebuta dés mon enfance. La vérité est qu'elle était mal enseignée, par des gens frustes aux regards durs. Rien qui puisse ouvrir la voie au désir."
Par ailleurs le concours avec l'arabe dialectal va ,aussi, l'écarter de ces langues. "D'un coup,parce que passibles d'être désignés par deux langues (dont l'une est celle de Hadjer,qui continue de dérouler sa parole derrière la porte), les arbres de la maison,les murs, la vigne, les cuillères et même le feu prirent un visage étranger. C'est de là que datent ma maladie et mes premiers tourments"
Il va ensuite lire de vieux livres laissés par les français et il fait dans ce roman un très bel éloge de la lecture qui, dans le fond l'a constitué.
"Pourquoi écrit-on et lit - on des livres? Pour s'amuser répond la foule, sans discernement.Erreur;la nécessité est plus ancienne,plus vitale.Parce qu'il y a la mort,il y a une fin, et donc un début qu'il nous appartient de restaurer en nous,une explication première et dernière"
Et ce qui va l'amener à écrire ce sont quelques livre et,en premier lieu Robinson Crusoé et son perroquet, un vieux livre "La chair de l’orchidée" qui va l'éveiller a la sensualité, les Mille et une nuits à l'imagination mais aussi, peut être, un traumatisme né du mouton sacrifié sous ses yeux un Aïd Kebir, traumatisme qu'il décrit si fortement!
Ce don de l'écriture est aussi une prison pour lui :"Je savais que j'étais prisonnier de mon don et d' Aboukir ( L'Algérie!),que je ne pouvais pas quitter ni rester immobile et inactif. Voyageur par l'imaginaire je devais y demeurer pour maintenir en vie les miens, les façades des murs, les vielles maisons, les arbres et les enfants malades et les poteaux et même les cigognes et les objets incongrus." (N'est-ce pas là le destin de Kamel Daoud lui-même menacé mais demeurant dans son pays?)
Ce roman est foisonnant et il mérite d'être lu et relu et comme tous les grands textes on n'en épuise pas tout le sens. La critique (en voilà une première) et une seconde que j'attends va y trouver beaucoup de ce qu'est aujourd'hui Kamel Daoud cet intellectuel intellectuel courageux et engagé qui a réussi a s'extraire d'un milieu qui ne devait pas le conduire là où il est aujourd'hui et c'est cette métamorphose qu'il nous présente dans ce conte qui est aussi, selon moi, une sorte d'autobiographie, un roman de la formation, un peu les Mots de Jean Paul Sartre ou Si le grain ne meurt de Gide mais en moins direct.
Et, par un de ces hasards extraordinaire ,j'ai vu, ce soir un film magnifique tiré d'un roman de l’australien Markus Suzak :"La voleuse de livres" qui, en évoquant ,lui aussi ,la force des mots, du langage et des livres entre en résonance avec le roman de Kamel Daoud. Il y a des scènes (celle ou l’héroïne lit à côté du jeune juif très malade) qui ressemblent beaucoup a des scènes du roman de Daoud.
Voici enfin un entretien de Kamel Daoud a propos de son livre sur France culture
mercredi 16 août 2017
Balzac: Les illusions perdues
Je met a profit ce temps d'été pour relire quelques grands noms de la littérature.J'ai donc repris Balzac, ce géant, dont j'ai apprécié : La cousine Bette, Le cousin Pons, Le colonel Chabert, Eugénie Grandet,Le curé de Tours et tant d'autres. Je n'avais ,par contre, jamais lu Les illusions perdues ce que je viens de faire.
Ce roman qui est le chemin vers l'enfer du jeune Lucien de Rubempré est,pour l'essentiel, une analyse du milieu journalistique et celui des critiques littéraires et de théâtres et ce que nous en dit Balzac n'est pas très reluisant. On ne peut s'empêcher en lisant de se demander si de telles pratiques existent toujours aujourd'hui. Probablement.
J'ai aimé la première et la dernière partie du roman moins la deuxième qui m'a parue un peu longue et qui est le récit des premiers pas, hésitants de Lucien vers le journalisme, abandonnant ce qu'il rêvait de faire: écrire une oeuvre.
Par contre la première partie avec sa description d’Angoulême ,ville de province, sa petite noblesse qui croit tenir le haut du pavé,les relations de Lucien avec sa soeur et son ami Sechard qui deviendra son beau frère, son entrée dans le monde de cette petite noblesse, sa relation avec Madame de Bargeton, tout cela est bien décrit et agréable à lire.
La dernière partie qui décrit la réussite puis la chute de Lucien, victime d'un monde sans moral est également captivante.
Ce roman qui est le chemin vers l'enfer du jeune Lucien de Rubempré est,pour l'essentiel, une analyse du milieu journalistique et celui des critiques littéraires et de théâtres et ce que nous en dit Balzac n'est pas très reluisant. On ne peut s'empêcher en lisant de se demander si de telles pratiques existent toujours aujourd'hui. Probablement.
J'ai aimé la première et la dernière partie du roman moins la deuxième qui m'a parue un peu longue et qui est le récit des premiers pas, hésitants de Lucien vers le journalisme, abandonnant ce qu'il rêvait de faire: écrire une oeuvre.
Par contre la première partie avec sa description d’Angoulême ,ville de province, sa petite noblesse qui croit tenir le haut du pavé,les relations de Lucien avec sa soeur et son ami Sechard qui deviendra son beau frère, son entrée dans le monde de cette petite noblesse, sa relation avec Madame de Bargeton, tout cela est bien décrit et agréable à lire.
La dernière partie qui décrit la réussite puis la chute de Lucien, victime d'un monde sans moral est également captivante.
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