Ce livre de l'écrivain japonais Hiro Arikawa a été publié par les éditions Actes Sud dans la collection Babel et il plaira beaucoup à tous ceux qui aiment les animaux.
C'est l'histoire d'un jeune garçon, Sartoru, qui perd ses parents très jeune et qui aime beaucoup les chats. On suit son histoire de l'école , au lycée puis dans la vie active, ses copains et , devenu adulte il est un jour obligé de se séparer de son chat, Nana. Se déroule alors une sorte de road movie au Japon où l'on suit Sartoru qui va chez des anciens amis dans le but de faire adopter son chat.
L'originalité du roman c'est que l'auteur fait parler le chat qui , au fur et à mesure du déroulement des évènements parle et dit avec humour ce qu'il pense! C'est drôle.
Mais c'est aussi un livre très émouvant qui vous fera pleurer. Je ne veux pas ,ici, en dire plus car il est essentiel de découvrir le déroulement de cette histoire.
Vous allez pleurer et vous ne regarderez plus les chats de la même façon.
Encore un confrère qui disparaît. André Dalloz avait commencé sa carrière en qualité d'avoué chez Maître Lonné et c'était un spécialiste de la procédure. C'était un avocat compétent mais très discret, toujours agréable avec ses confrères, toujours éminement serviable. J'ai toujours eu des relations trés agréables avec lui et j'ai , à plusieurs reprises, eu recours a sa compétence dans des affaires de saisie immobilières et il est toujours intervenu avec amitiè. et efficacité.
Il résidait dans un petit bourg des Hautes Pyrénées, Laloubère et faisait régulièrment le voyage vers Pau et vers son Cabinet.
De Laloubère je garde un souvenir heureux. André m'avait invité à dîner avec Mimi et Janine Cazendres, aujourd'hui, elles aussi disparues ,et son épouse et lui nous avait régalé. André était un grand amateur et connaisseur en matière de vin et il possédait une grande et magnifique cave d'excellents bordeaux et ce repas avait été si bien accompagné de vins magnifiques. que le retour à Pau avait été un peu diffcile! C'était une autre époque.
Ses obséques auront lieu en l'église de Laloubere le 22 decembre.
J'adresse mes condolénaces attristées à son épouse et a sa fille Sylvie qui est notre consoeur et à tous ses enfants.
Un jeune confrère palois, spécialisé en matière pénale et qui est reconnu dans ce domaine vient de publier un livre: "Affaires classées" consacré à l'évocation d'affaires criminelles anciennes survenues dans notre région, au total 22 affaires.
Thierry Sagardoytho était déjà connu pour raconter brièvement à la radio des affaires criminelles anciennes et il est suivi par de nombreux auditeurs qui aiment sa façon de raconter, son langage clair et le suspense qu'il sait ménager.
Il en va de même pour ce livre qui se lit avec plaisir pour sa clarté , parce qu'il évite des longueurs inutiles et qu'il permet a ses lecteurs d'avoir une vue complète des affaires sans, pour autant, entrer dans des détails inutiles.
Je n'évoquerai pas ,ici, toutes ces affaires mais j'ai, évidement été intéressé par l'une d'elle dont je me suis occupé en tant qu'avocat il y a ,maintenant des années: je veux dire l'affaire Milesi , ce qui me permet de dire au passage que le livre est complété par des documents ,photographiques notamment et j'ai donc pu retrouver une photographie de mes confrères et de moi-même sur le banc de la défense avec plus de vingt ans de moins!
La genre de ce livre n'est pas nouveau. De tous temps le public s'est passionné pour les affaires criminelles, sur les mystères des affaires, sur le mystère des protagonistes et sur le mystère des enquêtes. Il est clair que les faits divers permettent de découvrir l'âme humaine.
Ces faits divers ont ,par ailleurs fourni aux romanciers mille sources d'inspiration et j'ai évoqué cela dans un petit livre paru en 2005 :"Justice et littérature: Regards croisés".
Nul doute que le livre de Maître Sagardoytho servira à inspirer quelque auteur en mal d'imagination.
J'adresse donc mes félicitations à l'auteur et forme, pour lui , des voeux de succès.
J'ai participé à un colloque organisé par la Faculté des Lettres de Sfax les 11 et 12 novembre dernier avec comme sujet: Les modernités littéraires d'Albert Camus. Ce colloque s'est déroulé sous la houlette du Professeur Mustapha Trabelsi et il a été ouvert par une conférence introductive de Madame Martine Mathieu-Job, universitaire et auteure de plusieurs livres dont un très bel hommage à Camus sous le titre :"Mon cher Albert. Lettre à Albert Camus" dont j'ai rendu compte ,ici, dans ce blog.
J'avais été chargé d'évoquer le travail de journaliste d'Albert Camus et je fournis donc ci-dessous , d'une part la vidéo de mon intervention mais aussi le texte plus complet que j'avais rédigé pour l'occasion.
L’étude des articles d’Albert Camus au
regard des « modernités littéraires » de cet auteur, m’a paru un
sujet difficile tant la notion de modernité est difficile à cerner et encore
plus quand elle est au pluriel.
J’ai, en effet, du mal à placer le curseur
de la modernité et à en définir clairement les critères.
L’exposé introductif magistral de Madame
Martine Job ne m’a pas rassuré, tant elle a montré la complexité de la notion
de modernité.
J’ai donc pris le parti de me poser deux
questions simples :
Evoquer Albert Camus journaliste dans le
cadre d’une recherche de la modernité de Camus c’est, dans le fond, se
demander si Albert Camus a encore quelque chose à nous dire et à nous apprendre
sur le journalisme et comment il regarderait nos médias d’aujourd’hui.
Je n’entrerai pas dans le détail de sa
carrière de journaliste. Elle est bien connue mais je dirai simplement qu’il a
été journaliste toute sa vie; puisqu’il a commencé très jeune, à 25 ans à Alger
Républicain et a écrit pratiquement jusqu’à sa mort, à Combat, à l’Express, à
Paris Soir; et qu’il a connu et pratiqué toutes les branches du
journalisme : les faits divers, ce que l’on appelle communément « les
chiens écrasés », puis les enquêtes de fond, puis les chroniques
judiciaires, les éditoriaux politiques, les chroniques littéraires et
artistiques (la peinture) et qu’il a même occupé le poste de rédacteur en chef.
Aucun poste dans un journal ne lui est
étranger. Ces expériences ont nourri son œuvre romanesque et il y a un
journaliste dans l’Etranger et dans la Peste.
Dans chacune de ces facettes du
journalisme, il a excellé et est devenu un modèle. Ses textes, pourtant
circonstanciels, peuvent encore être lus de nos jours avec profit. Ce qui, vous
le reconnaitrez, n’est pas si fréquent, les articles des journalistes perdant,
aujourd’hui, de leur intérêt quelques jours après leur parution.
Essayons donc de dire plus en détail ce
que Camus peut apporter au journalisme d’aujourd’hui. Autrement dit, quelles
leçons peut-on tirer de son travail.
Camus a toujours réfléchi sur ce métier.
Il a donné quelques pistes et a mis en avant une conception élevée du
journalisme.
Dans un texte du 31 aout 1944 il écrivait
ceci :
« Notre désir, d’autant plus fort
qu’il était muet, était de libérer les journaux de l’argent et de leur donner
un ton et une vérité qui mettent le public à la hauteur de ce qu’il y a de
meilleur en lui. Nous pensions qu’un pays vaut souvent ce que vaut sa presse.
Et s’il est vrai que les journaux sont la voix d’une nation, nous étions
décidés, à notre place et pour notre faible part, à élever ce pays en élevant
son langage. »
Il y a dans ce texte fondateur trois
exigences : celui de la liberté (les journaux ne doivent pas être
assujettis à l’argent), le souci de la vérité et celui, non moins important du
langage, de la languemais également l’engagement pour, écrit-il, « mettre le
public à la hauteur de ce qu’il y a de meilleur en lui ».
Par conséquent : liberté, vérité, langage
et engagement.
Commençons par la vérité.
Vaste question car comme le disait André
Gide : « J’aime ceux qui la cherchent, je n’aime pas ceux qui
la trouvent » ; et il voulait dire par là que la vérité est
souvent difficile à trouver, qu’elle nécessite un effort et surtout celui de se
soustraire aux idées préconçues, aux idéologies, aux pressions de toutes
sortes.
Camus n’était pas loin de partager cette
crainte et il plaçait le doute au centre de son comportement. Il dit
d’ailleurs : « s‘il y avait un parti des gens qui doutent, je serai de ce
parti ».
Albert Camus a donc toujours effectué un
travail d’enquête, de recherche pour éviter de se tromper.
Il faut rappeler ici ses mémorables 11
articles sur la Misère en Kabylie qui sont nourris de faits, de choses que
Camus lui-même a constaté alors qu’il sillonnait la Kabylie en car.
Ces articles sont également nourris de
chiffres, de statistiques, d’études des rapports et documents du pouvoir
colonial; et Albert Camus confronte ses documents avec la réalité qu’il voit.
Dans sa recherche de la vérité, il ne se
laisse pas avoir par la propagande coloniale. Il a le courage (car la
vérité nécessite biensouvent du courage) de dire haut et
fort les injustices criantes qu’il constate. Cela lui vaudra d’être chassé de
son pays !
Et n’oublions pas que ces articles
demeurés fameux, ont été écrit par un jeune de 25 ans qui débutait dans la
presse !
Là où on le voit encore dans la recherche
de la vérité, c’est dans son travail de chroniqueur judiciaire.
Il ne se contente pas de rapporter dans
ses articles ce qui se passe au procès, les péripéties de la procédure ... Il
se plonge entièrement dans le dossier de l’affaire et refait l’enquête. Il
juge l’enquête et la façon dont elle a été menée.
Cette recherche de la vérité, cette
volonté de ne pas en rester aux apparences, le conduisent à découvrir des
erreurs graves; au point que l’on voit, au fil des articles de Camus, la vérité
se renverser et que certains des poursuivis ont dû leur acquittement au travail
du journaliste Camus.
Dans l’affaire Hodent il montre toute sa
capacité d’enquête. Michel Hodent est un petit fonctionnaire de la Société de
prévoyance de Tiaret près d’Oran. Il est accusé d’avoir détourné des fonds
issus de la vente de blé au détriment des cultivateurs.
Il est aussitôt incarcéré et poursuivi
sans qu’il existe de réelles preuves de sa culpabilité.
En réalité Hodent a simplement voulu
protéger les pauvres agriculteurs arabes de la spéculation. Il est victime des
« profiteurs » gros colons et de quelques Caïds musulmans de la zone
qui évidement profitaient de la spéculation et ont voulu l’éliminer.
Hodent, incarcéré, adresse une lettre à
Alger Républicain et Albert Camus va s’intéresser à son affaire, va faire
lui-même l’enquête, va rechercher des témoins.
Ses chroniques sont de journalisme
d’investigation et pas simplement le récit des audiences.
Il met toute sa force dans la bataille. Le
premier article est publié le 10 janvier 1939 et le dernier le 23 mars 1939. Et
les titres de ces articles, disent tout de ce combat pour la vérité :
- « Depuis quand poursuit-on la
conscience professionnelle ? ».
- « L’affaire Hodent. Un homme juste
plaide pour un innocent ».
Dans un autre article paru le 4 février
1939, il expose avec fermeté des arguments de poids : « Un
homme est jeté en prison pour un crime qui n’en serait pas un s’il l’avait
commis. Ce que par surcroit, il n’a pas fait ».
« Il est gardé sur des témoignages
qu’un simple inventaire démolit. Il est maintenu sur une équivoque dont il
n’est pas responsable, grâce à une accusation qu’aucune preuve humaine, sinon
l’injustice et la haine, ne peut fonder; pendant que les sympathies qu’il
éveille, sont dispersées à coup de mensonges gratuits. »
Le 10 janvier 1939 il avait adressé une
lettre ouverte au Gouverneur Général et cette lettre fit grand bruit.
Je me suis un peu étendu sur cette affaire
Hodent parce qu’elle montre bien le travail de Camus journaliste. Mais il a agi
de la même façon dans d’autres affaires judiciaires : celle des
incendiaires d’Auribeau et celle du Cheik El Okbi dont il obtiendra aussi
l’acquittement. Le Cheik El Okbi lui en sera toujours reconnaissant et lorsque
Camus à Alger prononcera son célèbre appel pour une trêve civile, le Cheik El
Okbi, malade, tiendra à y assister et sera amené dans la salle sur une civière.
Dans ces affaires, Albert Camus se hisse
au niveau de Voltaire, de Zola et de Victor Hugo.
La vérité, il est donc en permanence à sa
recherche. Il aurait sans doute peu apprécié le monde des réseaux sociaux où circulent tant
de contre-vérités, de fake-news, d’utilisation abusive de faits faux ou même
trafiqués.
Dans un excellent article de la Revue des
Deux Mondes de septembre 2019, Robert Kopp écrit :
« A l’époque où les mensonges d’Etat
et des fake-news envahissent toujours plus tous les médias et se répandent sur
les réseaux sociaux, il est urgent de méditer son exemple, voire de s’en
inspirer. »
Le livre d’André Perrin : Postures médiatiques. Chroniques de
l’imposture ordinaire est un bonheur de lecture, tant il excelle à mettre en
exergue le deux poids deux mesures permanent, l’approximation et même les
fake-news éhontées des donneurs de leçons professionnels qui nous admonestent
sur les ondes quotidiennement
Il écrit aussi que « l’objectivité n’est pas la neutralité »; et
nous aurons à montrer qu’il a toujours été un journaliste engagé.
La vérité il faut donc la chercher en
permanence mais il faut aussi savoir la dire, la faire passer.
Rappelons ici, cette phrase souvent citée
de Camus et qui, selon moi devrait être la devise du journalisme et plus
généralement de tous les intellectuels :
« Mal nommer les choses c’est
ajouter aux malheurs du monde. »
Pour Camus la première règle est donc de
bien nommer les choses, c’est-à-dire être précis, clair et net .
Cette phrase peut paraître anodine mais il
n’en est rien car elle permet de distinguer la vérité, de l’information de la
propagande. Je voudrai vous donner deux exemples :
- Naguère, au moment de la guerre
d’Algérie, la France qualifiait la situation par la formule « les
évènements ». Elle nommait mal les choses et ne voulait pas utiliser la
seule expression vraie : la guerre.
De même de nos jours lorsque M. Poutine
envahit l’Ukraine, un pays indépendant; et parle « d’opérations
spéciales » ; alors que là encore, on est en présence d’une
guerre !
Par ailleurs pour bien faire comprendre la
vérité d’une situation, Camus est d’abord factuel mais il est aussi dans
l’appel aux sentiments, à l’émotion du lecteur. Il s’adresse donc non seulement
à la raison mais aux sentiments des lecteurs.
Un universitaire portugais a étudié les
articles de Camus et montré qu’il fait très souvent appel aux émotions. Il
montre sa propre émotion et fait appel à l’émotion de son lecteur.
Cela est vrai dans les chroniques
judiciaires. Par exemple, dans l’affaire Hodent, il consacre tout un article à
la détresse de la femme d’Hodent. Mais c’est aussi vrai dans ses 11 articles
sur la Misère en Kabylie où après avoir présenté les faits,
les chiffres dans leur sécheresse, il appelle son lecteur à l’émotion.
Permettez-moi de vous lire un extrait de
ses reportages Misères en Kabylie qui fait bien apparaître ce
mécanisme. Après avoir décrit des faits, des statistiques voilà ce qu’il
écrit :
« Pour aujourd’hui j’arrête ici cette
promenade à travers la souffrance et la faim d’un peuple. On aura senti du
moins que la misère ici n’est pas une formule ni un thème de méditation. Elle
est. Elle crie et elle désespère. Encore une fois, qu’avons-nous fait pour elle
et avons-nous le droit de nous détourner d’elle ? Je ne sais pas si on
l’aura compris. Mais je sais qu’au retour d’une visite à la « tribu »
de Tizi Ouzou, j’étais monté avec un ami kabyle sur les hauteurs qui dominent
la ville. Là nous regardions la nuit tomber. Et à cette heure où l’ombre qui
descend des montagnes sur cette terre splendide apporte une détente au cœur de
l’homme le plus endurci, je savais pourtant qu’il n’y avait pas de paix pour
ceux qui, de l’autre côté de la vallée, se réunissaient autour d’une galette de
mauvaise orge. Je savais aussi qu’il y aurait eu de la douceur à s’abandonner à
ce soir si surprenant et si grandiose, mais que cette misère dont les feux
rougeoyaient en face de nous mettait comme un interdit sur la beauté du
monde. »
Chroniques Algériennes. Collection Folio
p. 40 et 41
Rechercher la vérité, bien la dire mais
aussi faire de cette quête de vérité un combat pour des valeurs. C’est tout le
problème de l’engagement. Camus a été un journaliste engagé. A ce sujet il a
écrit : « L’objectivité n’est pas la neutralité. »
Camus était indiscutablement un
journaliste engagé, engagé dans une lutte pour la justice, justice pour les
individus mais aussi justice sociale. Mais son engagement très clair ne le
faisait pas, pourtant dévier d’une éthique de vérité. Il estimait qu’il devait
être capable d’envisager une pensée opposée à la sienne, de dialoguer et dedonner même
raison à l’adversaire si celui-ci avait raison. Il pensait que l’adversaire de
ses idées n’étaient pas un ennemi et que le dialogue avec lui devait toujours
être possible.
Il s’est toujours refusé à une lecture
manichéenne du monde. Il écrit ceci qui est d’une grande modernité :
« La polémique consiste à considérer
l’adversaire en ennemi, à le simplifier et à refuser de le voir. Devenus aux
trois quarts aveugles par la grâce de la polémique, nous vivons dans un monde
de silhouettes … ».
Quelle différence avec les vitupérations
et les insultes que l’on trouve aujourd’hui sur la toile !
Albert Camus s’est toujours posé la
question de savoir si l’engagement en faveur de certaines causes ou de
certaines valeurs ne conduisait pas à une absence d’objectivité et quels
rapports devaient se faire entre la vérité et l’engagement.
Camus, tout en étant très engagé, ne perd
jamais de vue la nécessité du dialogue, la nécessité d’examiner les idées de
l’autre, d’être à son écoute. Or cette exigence de Camus on a du mal à la
retrouver dans la presse actuelle qui n’est trop souvent que dans la caricature
de l’autre.
Entrer dans les vues des autres ne signifie
pas pour lui, capituler, céder. Il l’a montré de manière très intéressante dans
ses Lettres à un ami Allemand dans lesquelles il dialogue
vraiment avec l’ennemi, entre dans ses vues et essaye de le convaincre, sans
rien céder de ses convictions profondes.
Dans le fond, cette attitude consiste à
refuser les idéologies qui emmurent la pensée et conduisent à penser par
reflexe, plutôt quesainement. Puisqu’une idée vient d’un bord, d’un
parti, elle est nécessairement mauvaise pour l’autre bord. Cela, c’est
absolument le contraire de l’attitude d’Albert Camus qui a écrit cette phrase
forte : « Si la vérité était à droite, je serai de droite. »
N'oublions pas que c’est celui qui, avec
Anna Arendt, a le mieux pensé les totalitarismes, c’est-à-dire les idéologies
qui interdisent la liberté de penser. Cela reste une leçon des plus nécessaires
et des plus modernes dans notre monde contemporain qui flirte avec les
totalitarismes.
Dans certains cas où la situation
politique est tendue, les journalistes ont du mal à trouver ce passage étroit
entre engagement et vérité. Ils ont du mal à examiner avec objectivité les
arguments de leurs adversaires qui sont d’emblée discrédités.
Si vous me permettez, je crois que la
presse de votre pays (La Tunisie : mais pas qu’elle), est aujourd’hui dans
cette situation et aurait intérêt à s’inspirer de Camus.
Allons plus loin. Tout cela peut se
résumer dans l’idée de nuance.
Dans un livre récent que je ne saurai trop
vous conseiller : « Le courage de la nuance », Jean
Nussbaum consacre un long développement à Camus.
Il constate d’abord que, notamment sur les
réseaux sociaux, les discussions sont tout sauf nuancées et qu’elles
relèvent plus de l’anathème et de l’exclusion que d’un réel dialogue.
Que l’on examine aujourd’hui les tenants
de la culture wok, de certains
écologistes, de l’éco-féminisme et on comprendra ce qu’est l’absence de nuance
et de dialogue ! Cette radicalité, vouée selon moi tôt ou tard à l’échec,
aurait heurté Camus et son sens de la nuance et du respect de l’autre.
L’auteur nous amène aussi à
réfléchir sur cette attitude très dangereuse pour la pensée qui consiste à
dire : « Vous ne pouvez pas dire cela car vous faites le jeu de
l’ennemi » !
Cela a été malheureusement le cas de
beaucoup d’intellectuels qui ont fermé les yeux sur les crimes des régimes
communistes pour, comme le disait si bêtement Sartre, « ne pas désespérer
Billancourt » , c’est-à-dire la classe ouvrière !
Au prétexte de ne pas faire le jeu de
l’adversaire, on est conduit trop souvent à ne pas voir ou à ne pas dire ce
qu’il faudrait voir ou dire !
Jean Nussbaum rappelle donc ces deux
phrases que j’ai déjà citées de Camus :
« S’il y avait un parti des gens
qui doutent, j’en ferai partie. » et aussi « Si la vérité
était à droite, je serais à droite ».
Dans le fond, Albert Camus qui admirait la
civilisation grecque et romaine, adhérait à cette adage : « In medio stat
virtus ». Ce qui signifie que la vertu, l’intelligence et le bonheur se situent non
aux extrêmes mais au milieu.
Alors, ce sens de la modération, du juste
milieu, certains diront que ce n’est pas « sexy ». Il est vrai qu’il
est plus facile de briller en soutenant des thèses extrêmes, excessives.
Enfin Albert Camus sait faire apparaître
les véritables priorités. Lorsque la bombe atomique détruit
Hiroshima, l’ensemble des commentateurs journalistes mettent tous en avant la
grande avancée technique qui a permis cette bombe. Camus était le
seul à attirer l’attention sur le fait que l’on est entré dans un monde où la
destruction de la terre est devenuepossible.
Je voudrai conclure en évoquant ce qui
dans notre modernité n’aurait probablement pas plu du tout à Albert Camus.
Je pense qu’il aurait détesté nos réseaux
sociaux, leurs affirmations sans vérification, leurs polémiques incessantes et
sans nuance, leur violence parfois, l’esprit de meute et l’anonymat propice à
tous les excès.
Il aurait sans doute pu écrire à ce sujet
ce qu’il écrivait de la société de son époque :
« L’assez affreuse société
intellectuelle où nous vivons, où on se fait un point d’honneur de la
déloyauté, où le reflexe a remplacé la réflexion, où l’on pense à coups de
slogans et où la méchanceté essaie trop souvent de se faire passer pour
l’intelligence. »
Je pense qu’il aurait également
détesté notre société de transparence qui veut tout savoir du comportement des
hommes publiques en quelques domaines que ce soit; et cela, sans respecter le
droit absolu, selon moi, au secret de sa vie. Cette transparence qui
pousse les journalistes à fouiller dans la vie des gens, à les jeter en pâture
aux lecteurs; c’est-à-dire à les détruire psychologiquement avant que la
Justice bien souvent ne les blanchisse.
Il y a indiscutablement aujourd’hui un
réel problème dans l’attitude de certains journalistes qui traquent les
défaillances de certains, en font des sujets, s’affranchissent des règles
juridiques de protection que l’on a mis des millénaires à établir. Camus aurait
ces chasses aux sorcières, lui qui connaissait la faiblesse humaine.
En tant que journaliste, il s’est attaqué
à des politiques mais pas aux hommes.
Enfin, lui qui mettait la réflexion au
premier rang de ses préoccupations, il n’aurait pas apprécié, non plus, les
chaînes d’information en continue où de petits évènements sans importance, font
La Une pendant quelques heures et où l’on passe ensuite à autre chose.
Et concluons par cette phrase de Camus qui
est encore d’une totale actualité, sans doute même davantage qu’à son époque
:
« Loin de refléter l’état d’esprit
du public, la plus grande partie de la presse française ne reflète que l’état
d’esprit de ceux qui la font. A une ou deux exceptions près, le ricanement, la gouaille
et le scandale forment le fond de notre presse.
A la place de nos directeurs de journaux,
je ne m’en féliciterais pas : tout ce qui dégrade en effet la culture,
raccourcit les chemins qui mènent à la servitude.
Une société qui accepte d’être distraite
par une presse déshonorée et par un millier d’amuseurs cyniques, décorés du nom
d’artistes, court à l’esclavage, malgré les protestations de ceux-là mêmes qui
contribuent à sa dégradation. »
J’apprends
avec tristesse la disparition de Jean Pierre Casadebaigt un confrère qui fut
mon collaborateur puis très vite notre associé à Michel Petit et à moi. Il m'avait été présenté par Yves Baradat, adjoint au Maire de Pau et alors mon collègue au Conseil Municipal.
D’abord
une petite anecdote : lorsqu’il intégra notre Cabinet ,situé à l’époque
rue des Cordeliers, nous avions fait une farce à Jean Pierre et nous l’avions
invité très sérieusement dans un petit restaurant(aujourd’hui disparu)et où était servie une cuisine asiatique te
végétarienne et à boire nous avions commandé du thé ! Bien sûr nous
savions que Jean Pierre en bon Ossalois aimait des repas plus consistant de sa
région !Le jeune arrivant n’avait osé rien dire mais n’en pensait pas
moins et se demandait où il était tombé.
Par la suite
Jean Pierre montra qu’il était un avocat compétent , sérieux et très
travailleur et il développa une très belle clientèle.
Disons aussi
qu’il était toujours très humain et il l’avait montré lors du décès de ses
parents. Tout jeune encore mais l’aîné il prit en charge sa fratrie avec
courage.
Membre du Conseil
de l’Ordre, Bâtonnier il était apprécié par ses confrères et sa loyauté dans l’exercice
de son métier était totale.
J’ai assisté
,il y a peu, à la réception pour son départ à la retraite et il a , encore,
dans son propos, mis l’accent sur l’importance de l’humanité dans l’exercice de
ce métier.
Les jeunes
confrères sont en deuil car ils savent qu’ils viennent de perdre un confrère
toujours prêt à les aider. Je retranscris d’ailleurs le bel hommage que notre
confrère Sagardoytho vient de lui rendre et que je peux entièrement reprendre à
mon compte.
« Le barreau de Pau est en deuil.
Le bâtonnier Jean-Pierre Casadebaig vient de nous quitter.
Ossalois de naissance mais béarnais de cœur, il a durablement et
définitivement marqué de sa forte personnalité l’histoire du barreau palois.
Bienveillant avec ses confrères, déterminé dans ses convictions, il a été
naturellement élu aux fonctions du bâtonnat où il témoigna sans compter de son
dévouement au service de cette robe noire qu’il chérissait.
Je n’oublierai jamais la gentillesse dont il à toujours fait preuve à mon
endroit. Notre première rencontre date de ma prestation de serment, il y a 30
ans. Une estime mutuelle et indéfectible nous a toujours liés.
Jean-Pierre plaidait en s’exprimant dans un français recherché, amoureux
qu’il était des mots et du style. Il était une voix admirée et écoutée.
Je pense fortement à ses proches et notamment à Gregory auquel je demandais
vendredi de tes nouvelles. Je sais que tu étais un auditeur fidèle de mes
chroniques radiophoniques sur France Bleu. Tu les écouteras encore plus
dorénavant depuis ces sommets que tu rejoins maintenant.
Jean-Pierre, tu fus l’un de nos guides dans ce beau métier. Merci, un
énorme merci pour l’exemple que tu as été.
Ton souvenir demeurera dans nos cœurs.
Repose en paix.
J'ai assisté, mercredi 23 novembre dans l'Eglise de son village de Laruns à la cérémonie religieuse. Beaucoup de monde dans cette Eglise et une quarantaine d'avocats, la plupart en robe . Une belle cérémonie avec de nombreux chants béarnais par des voix de ses Pyrénées.
Ce livre de
Tarek Djerroud : « Camus et le FLN » qui vient de paraître aux
Editions Bonnier tente de comprendre l’attitude de Camus face à la guerre
d’indépendance et plus précisément à l’égard de la politique du FLN. C’est, à
ma connaissance, la première fois que l’on aborde de front cette question.
Je dirai,
pour résumer mon sentiment que c’est un livre qui se lit agréablement, son
auteur ayant un agréable style, que c’est ,aussi, un livre très complet, qui
retrace bien les évènements de l’époque, donne de nombreuses citations de Camus
et c’est , enfin et surtout, un livre qui donne une analyse très subtile de la
pensée de Camus.
Je dois dire
qu’il m’a amené a revoir un peu sur le fond et sur ma manière, un peu abrupt,
de dire les choses dans les textes de mon blog.
L’auteur
rend hommage au combat d’Albert Camus pour les Algériens et cela depuis son
plus jeune âge jusqu’à la fin de sa vie, mais il montre aussi que cette
position de Camus ne va pas jusqu’à la condamnation de principe de la
colonisation.
Camus a
toujours espéré que la situation pourrait être redressée et que la justice
pourrait s’établir dans le cadre de la colonisation. Selon l’auteur Camus est
donc un « colonisateur de bonne volonté » selon l’expression d’Albert
Memmi.
Même dans
ses articles de 1939 sur la Misère en Kabylie Albert Camus souhaite que le
pouvoir colonial agisse différemment mais il ne le conteste pas dans son
principe. Peut-on lui en faire grief alors qu’à cette époque les mouvements
politiques algériens militaient tous, eux aussi, pour l’assimilation ?
Cependant
l’auteur montre aussi qu’à un certain moment Camus acceptait l’idée
d’indépendance mais à la condition qu’elle s’ouvre sur une Algérie plurielle,
ouverte, protectrice de la minorité européenne comme le proclamait, aussi, au
début le projet FLN.
L’auteur
montre que ce projet a ensuite évolué sous l’effet des idéologies panarabiste,
islamiste et que cette Algérie ouverte et plurielle n’était plus à l’ordre du
jour.
C’est , à ce
moment( ,que Camus revient sur l’idée d’indépendance .
Je partage
tout à fiat cette idée même sir je suis plus net et que soutiens clairement
qu’il était impossible pour Camus de soutenir une révolution qui utilisait le
terrorisme ,lui qui avait dans divers écrits et dans son théâtre, condamné
absolument le terrorisme qui s’en prend aux innocents.
Il lui
était, aussi, intellectuellement impossible de soutenir un projet qui
s’orientait assez clairement vers un totalitarisme islamique mâtiné de
communisme, lui qui avait avec l’homme révolté ,condamné toutes les idéologies
totalitaires.
Voilà donc
un livre complet et subtil dont je conseille la lecture.
Hier très instructive émission de Stéphane Bern "Les secrets de l'histoire" consacrée à Rosa Bonheur. Cette artiste peintre a surtout peint des animaux de ferme, des chiens et des chevaux. Elle a eu de son vivant un très grand succès et notamment aux Etats Unis ou se trouve l'essentiel de ses toiles dans des musées et dans des collections privées.
Cette femme a surtout eu une vie hors norme pour son époque et elle a été appréciée et honorée par Napoléon III qui l'a faite chevalier de la Légion d'honneur.
Elle a vécu toute sa vie avec deux femmes d'abord une amie d'enfance et à la fin de sa vie avec une peintre américaine qui a écrit un livre sur la vie de Rosa bonheur. Ces trois femmes sont enterrées au Père Lachaise dans le caveau de la famille Micas, celui de son amie d'enfance.
L'émission montrait aussi le château de By où elle vécut une grande partie de sa vie entourée d'animaux et ce château a un destin singulier puisque ses acquéreurs récents ont découvert de très nombreux documents et objets de Rosa Bonheur qui n'avaient jamais été mis en valeur et montré par les précédents propriétaires
Je n'avais lu jusqu'à présent de Stefan Zweig que ces nouvelles et son magnifique livre dans lequel il évoque sa vie et aussi la fin d'un monde. Je veux parler du monde d'hier , magnifique évocation de cette "mittel Europa", de cette Vienne du XIX° siècle où tous les arts, la musique, la poésie la peinture régnaient et qui , ensuite, sombra dans le drame du nazisme. On sait aussi que Stefan Zweig dû quitter son pays , ses livres et qu'après une errance en Europe il s'installa au Brésil où il finit par se suicider avec son épouse en laissant une lettre émouvante.
Je n'avais donc lu aucune de ses grandes biographies et je découvre donc cette vie de Balzac. C'est d'abord un livre qui se lit facilement et avec plaisir en raison du style de Zweig à la fois simple, précis et j'allai dire chaleureux car il montre, dés le début l'admiration qu'il a pour Balzac et pour cette vie qui commença si mal. En effet on apprend comment sa famille l'a maltraité dans son enfance, le début de sa vie passé, loin de siens dans des pensions sordides en province puis dans des chambres pauvres à Paris . Des débuts si difficiles, pas aidé du tout par ses parents, malgré une volonté sans faille et une conscience d'avoir à faire une œuvre .
Puis un début laborieux dans la littérature avec une pièce de théâtre en vers consacrée à Cromwell et qui fut un échec et en étant ensuite le négre d'écrivains ,produisant de très nombreuses oeuvres qui n'ont pas laissé de souvenirs impérissables!
Puis c'est la rencontre avec Madame de Berny et là c'est le miracle. Balzac d'une timidité totale avec les femmes trouve en cette femme beaucoup plus âgé que lui celle qui va le liberer et le mener vers la carrière d'écrivain qu'on lui connait. Stefan Zweig analyse avec beaucoup de finesse cet amour qui ressemblera a ceux qui suivront.
IL se lancera aussi dans des affaires( une imprimerie) et ce sera un désastre, malgré un travail considérable par cette force de la nature.
Et puis ce sera la littérature. D'abord et pour de l'argent Balzac se prostitue mais quand il a trouvé sa voie et son projet (immense) alors s'ouvre une période de travail intense que Stefan Zweig décrit fort bien: des nuits entière a sa petite table de travail , ne tenant qu'avec un consommation excessive de café.
On peut voirdans la maison de Balzac à Paris son travail grâce aux manuscrits
Pas ou très peu de loisirs et une attention a ce qu'il écrit tout a fait remarquable. Stefan Zweig nous montre le travail de Balzac sur les épreuves (six a onze épreuves pour un roman)! J'ai d'ailleurs vu ces jeux d'épreuves dans la Maison Balzac à Paris et c'est impressionnant?
Touchant Balzac quand il est à la recherche d'une femme qui pourrait l'aimer. Il est vrai que son imagination et une certaine forme de snobisme le pousse a rechercher des "duchesses". La partie de la biographie sur cette question est un véritable roman. Les relations avec la duchesse d'Abrantes avec la duchesse de Castries et , enfin avec la baronne Hanska passionnent comme un roman! Et les dettes permanentes et considérables qui le tiennent en esclavage! Un roman aussi. Et il a eu quelques fois l'impression de passer à côté de la vie. Et on a de la peine pour lui.
Mais cela alimente aussi son œuvre et Stefan Zweig peut écrire : "Il sait comme on amasse une fortune et comment on la perd, comme on conduit un procès et comme on fait carrière, comme on jette l'argent par les fenêtres et comme on l'épargne, comment on trompe les autres et comment on se trompe soi-même. Il aura raison de le dire plus tard: c'est parce qu'il a , dans sa jeunesse passé par tant de métiers différents et tiré au clair leur contexture intime qu'il a pu vraiment peindre son temps. Et ce sont justement ses plus grands chefs d'œuvres."
Une biographie formidable et l'on ne cesse de penser à cette force de la nature , à ce travail véritablement hors norme qui l'a conduit à créer tout un monde.
Dans un entretien au Point Serge Lama nous dit que : "Balzac est le Depardieu de la littérature et j'y avais effectivement pensé en lisant cette biographie!
Ce roman de la vie de Balzac m'a donné l'envie de relire la Comédie humaine et ce sera le cas cet hiver mais aussi de lire les autres biographie de Stefan Zweig.
Je quitte ce pays où je suis venu passer un mois comme je le fais chaque année depuis plus de quarante ans et je voudrai dire ici mes impressions comme je l'avais fait l'an dernier.
J'ai passé quatre jour à Tunis et le reste entre Hammamet et Nabeul à profiter de la plage, de la sieste, de la lecture et le soir d'apéro ou de dîner dans les restaurants que nous aimons: Chez Achour; Barberousse , Da Franco ou encore l'Hôtel Sinbad.
Donc pour moi, touriste rien de changé. Par contre outre les pollutions visuelles nées des ordures et des plastiques qui envahissent tout et d'un urbanisme mal maitrisé. (C'était l'objet de ma critique de l'an dernier) se sont encore développées alors que ce problème devrait être facile a régler de manière peu couteuse. Cette année j'ai été amené a rencontrer beaucoup d'amis et j'ai constaté ce que j'avais lu , à savoir que les jeunes diplômés (médecins, ingénieurs, juristes) sont de plus en plus nombreux à partir vers l'Europe ou le Canada et que cela va nécessairement devenir problématique pour le pays qui va continuer à régresser. C'est d'autant plus désolant que dans les mois qui ont suivi la "révolution" beaucoup de jeunes qui vivaient et travaillaient en Europe étaient rentrés au pays dans l'espoir de s'y investir!
On a , dans ce phénomène très préoccupant la preuve s'il en fallait de l'échec complet et grave des politiques en Tunisie et les perspectives ne sont pas pour encourager.
Dans cet article l'auteur montre pourquoi les jeunes médecins s'en vont. Il n'évoque que des causes liées à la gestion de la santé en Tunisie mais il y a aussi de toute évidence l'environnement et l'absence de vision d'avenir de ce pays dans tous les domaines et pas seulement en médecine. Les jeunes de toute évidence ne veulent pas de cette société islamisée à l'excès où ils n'ont aucune perspective de vie agréable, libre et entreprenante.
J'ai encore été attéré par cette dispersion de plastic un peu partout qui pollue le paysage que j'avais déjà évoqué l'an dernier alors que ce problème n'est tout de même pas très difficile à résoudre!
Parmi mes découvertes de cette année le mausolée du Saint patron de Tunis Sidi Belahcen qui se trouve au sommet du cimetière du Jellez et d'où l'on a une vue superbe à la fois sur l'étendue du cimetière et, au delà, sur la ville de Tunis et le lac. et également quelques établissements de restauration bien agréable dans le quartier du Lac.
Alice Kaplan est une universitaire américaine qui a écrit , entre autres, un livre très intéressant consacré au roman d'Albert Camus: l'étranger., intitulé : "En quête de l'étranger."
Elle aborde avec ce livre paru aux Editions Le bruit du monde un roman consacré à l'histoire de l'Algérie contemporaine au travers la vie d'une grande famille juive installée en Algérie depuis des millénaires et qui se trouve confronté, aux grands évènements qui ont marqué ce pays depuis 1930 et ,bien sûr à la guerre d'indépendance, puis ayant fait le choix de rester en Algérie à la sale guerre des islamistes dans les années 90.
Le roman se passe pour l'essentiel à Alger que l'on parcourt au fil du roman et ces évocations sont bienvenues pour ceux qui, comme moi, connaissent cette ville.
Au départ une histoire d'amour entre une jeune juive américaine venue faire des études à Paris et un jeune juif , étudiant lui aussi et descendant d'une grande famille juive d'Algérie qui a fait fortune dans le commerce et est parfaitement intégrée ,comme l'ont été longtemps les juifs d'Algérie.
Le roman se déroule sur trois générations et cette histoire de la famille Atlas est passionnante dans la mesure où elle met l'accent sur la place singulière des juifs en Algérie
Mais la situation de cette famille va basculer avec la guerre des islamistes. Le père, Sammy, va être tué et son fils, Daniel, le héros de ce roman, de retour en Algérie va se trouver confronter aux crimes des islamistes. La situation à Alger, à cette époque ,est fort bien rendue dans toute sa complexité entre crimes des islamistes et dérives du pouvoir.
Avec ce livre on retrouve Alger, ses quartiers et ,il est vrai qu'Alice Kaplan a séjourné à Alger pour ses recherches notamment sur Camus.
Ce livre est celui de la recherche de son passé par une toute jeune fille, Becca et, comme vous le découvrirez, la fin est particulièrement émouvante, même si elle est assez peu vraisemblable à l'heure ou la communication dans le onde entier est si facile.
Un livre , en tous cas captivant de bout en bout et qui réjouira les algériens mais aussi tous ceux qui ont connu, vécu dans ce pays et qui en ont suivi les tragédies.
Ce livre publié en 2022 chez m'a laissé un peu perplexe car il m'a semblé qu'une importante partie du livre était du remplissage et avait assez peu a voir avec le début du livre. Je m'explique. L'auteur raconte l'histoire d'une professeur, Elisabeth Finch, qui est une personnalité à, par bien des côtés part mais qui un très grand don pour l'enseignement. Elle n'impose jamais rien a ses étudiants mais, par des positions qui surprennent, elle les amène a réfléchir par eux-mêmes, à aller plus loin et à ne pas se contenter apparences.
En cela est une véritable enseignante, une accoucheuse, alors surtout qu'elle s'adresse à un public d'adulte.
Le narrateur, élève d'Elisabeth Finch l'admire et, on le saura à la fin du livre est tombé amoureux d'elle ,bien qu'il ne s'en rendra compte qu'après la mort d'Elisabeth.
Dés lors, au pretexte de lui rendre hommage il fera des recherches sur sa vie, à bien des égards énigmatique et écrira, en sa mémoire un livre sur Julien l'Apostat. Et c'est là que l'on voit développer toute une étude sur cet empereur romain qui vit la chute des dieux et le triomphe du Dieu unique, c'est à dire du Christianisme .
C'est cette partie qui m'a paru un peu artificiellement rattaché au début du roman, même si elle est intéressante sur cette période charnière de l'histoire au cours de laquelle le monothéisme a supplanté tous les Dieux des romains et des Grecs. Beaucoup estiment et c'était le cas d'Elisabeth Finch que l'occident n ' ya pas gagné. Chez les romains et les grecs la pluralité des dieux donnait d'évidents espace de liberté et tous ces dieux ne pesaient pas sur les hommes alors que le monothéisme a , de toute évidence une vocation totalitaire.(Les nombreuses guerres de religion sont là pour le démontrer.)
Les Grecs pensaient qu'il faut avant tout jouir de la nature et de sa beauté et surtout de la vie ,ici bas, alors que les monothéismes nous incitent a ne voir la vraie vie que dans l'au-delà!
Donc un livre érudit mais qui a du mal à me captiver mais qui contient un beau portrait d'une femme dont on garde le souvenir après lecture.
De Kaouther Adimi je connaissais son beau livre sur la librairie d'Edmond Charlot à Alger et dont j'ai rendu compte ici. Au vent mauvais qui vient de paraitre aux Editions du Seuil retrace la vie de Tarek, sa femme Leila et Saïd un ami d'enfance de Tarek. De cette histoire je ne vous dirai rien mais j'évoquerai simplement les grands thèmes que traite ce roman.
Disons d'abord qu'il revisite l'histoire contemporaine de l'Algérie avant et après l'indépendance du pays jusqu'à la période noire de l'islamisme avec ses crimes abominables et son idéologie rétrograde et montre le poids de la "grande histoire" sur les destins individuels.
Le roman évoque un certain nombre de femmes remarquables luttant contre les préjugés et toujours au travail pour faire vivre leur famille mais il évoque aussi le destin de Tarek tout au long de cette histoire: la guerre de 39-45 qu'il fait en France et dont il restera marqué toute sa vie, mais aussi la nécessité de partir travailler en France, immigré solitaire et travaillant dur que pour envoyer des mandats à sa femme, sans jamais de loisirs, sans jamais les petites joies de l'existence, traversant le pays comme une ombre. Le roman nous parle aussi .d'art car Tarek est ,un jour, recruté, pour être gardien d'une somptueuse demeure italienne d'un aristocrate solitaire et, là, il découvre l'art: les statues antiques, la peinture avec un tableau qui le fascine tout particulièrement et qui a le don de l'apaiser , de lui faire oublier les horreurs qu'il a connu à la guerre. C'est un moment de grâce dans une vie difficile.
Le roman nous parle aussi de littérature car l' ami d'enfance de Tarek, Saïd qui a bu le lait de la mère de Tarek deviendra un grand écrivain et il racontera ,à sa manière, la vie du village et ses relations avec la femme de Tarek Leila.
Le roman montre que le romancier est un vampire qui se nourrit de la vie de ses proches et que cela peut avoir de graves répercussions sur leurs vies. Jusqu'où les romanciers ont-ils le droit d'utiliser la vie de proches. On connaît ce débat sur le plan judiciaire mais ,ici, pas de justice seulement le bouleversement de vies. C'est une partie particulièrement intéressante de ce roman.
Vous pouvez écouter, ici, un entretien avec cette jeune romancière.
Xavier Le Clerc qui publie chez Gallimard : "Un homme sans titre" est né Hamid Aït-Taleb de parents kabyles et il est aujourd'hui un des dirigeants importants d'une société de luxe. Ce récit qu'il donne à lire est l'histoire de son père et elle est bouleversante.
Le récit commence par l'évocation des onze articles qu'Albert Camus a consacré en 1939 sur la Misères en Kabylie et l'auteur imagine que parmi les petits enfants loqueteux que voit Camus il y a son père, Mohand-Saïd.
Ces premières pages que je lis , ici. sur ma chaîne Youtube, sont superbes et l'auteur décrit
à son tour , sans pathos, cette misère absolue qu'a décrite Camus et qui est une condamnation justifiée de la politique du pouvoir colonial. On aime ce Camus là, lui qui a connu la misère et qui a de l'empathie pour plus misérables encore et il n'avait que 25 ans! "Vous étiez bien jeune...." lui avait écrit l'écrivain Mouloud Feraoun et je me suis toujours dit que les Algériens devraient tous aimer Camus ne serait-ce que pour ces reportages.
Dans son récit l'auteur raconte ensuite la vie de son père et de sa famille arrivés en France après 1962 pour travailler en usine quittant la misère pour encore de la misère , avec du courage pour aller chaque matin vers un labeur dur et mal payé pour élever sa famille. Et il n'est pas étonnant que les œuvres de Louis Guilloux (qui fut un ami de Camus) soient citées.
L'auteur décrit fort bien ce sentiment de trahison pour ceux qui, comme lui, change de classe sociale. Cela, Camus ,aussi, l'a vécu., mais dans la lettre qu'il écrivit à son père décédé l'auteur nous montre sa fidélité à ce monde de la pauvreté, du travail dur et du courage.
Le livre est aussi un bel éloge de la lecture, du français et de la France qui , nous dit l'auteur ,lui a tout donné.
Enfin toute une partie du livre est consacrée à la façon dont l'auteur a accepté sa différence, révélée dés l'enfance et comment son père a réagi au moment où il en pris conscience.
Au total un très beau livre, très riche , superbement écrit et qui aurait plu à Camus qui aurait apprécié avec émotion l'hommage qui lui est ainsi rendu. Et écoutez ,ici, ce que l'auteur dit de son livre et de son parcours. Voir ici encore et encore cette video et on écoutera ,aussi, ce bel entretien de l'auteur