samedi 28 mars 2020

Richard Powers L'arbre monde

Je connaissais l'écrivain Richard Powers pour avoir lu et beaucoup aimé un précédent roman : "Le temps où nous chantions" et j'ai aussi écouté son entretien dans la grande Librairie ,au milieu d'une immense forêt américaine et ce qu'il disait m'avait beaucoup intéressé. Cela m'a conduit a commander et à lire son nouveau roman.
Il faut dire d'abord que c'est un roman foisonnant et qu'il se présente comme l'histoire de plusieurs individus et famille ,vivant dans des endroits différents du globe et dont les destins multiples ne sont réunis que par le fait qu'un arbre ou une forêt , à un moment, occupent leurs vies.
Ces chapitres du début, évoquant ces différents destins, pourraient se lire séparément.Ils sont chacun une sorte de petite nouvelle qui toute amènent a réfléchir sur notre monde et son comportement à l'égard des arbres et plus largement de la nature. J'ai une préférence pour deux destins parmi tous ceux qui nous sont racontés: celui de Nicholas Hoef et de sa famille et celui de Patricia Westerford .C'est un livre bâti ensuite comme une chorale, les personnes dont on lit le destin, au début du livre, se retrouvent ensuite, quelques années après, et tous vont lutter contre la déforestation, contre l’abattage d'arbres On assiste a des rapprochements amoureux et ces couples vont participer a de grandes actions citoyennes pour s'opposer à la destruction de grands arbres plus que centenaires. Ils vont lutter par tous les moyens pacifiques possibles contre les forestiers aidés par la police.Le long récit de cette lutte forte où les autorités et les puissances économiques utilisent abusivement la force est remarquable de vérité. La lutte dérape ,un jour, dans des actes violents qui vaudront des poursuites a certains.
C'est lorsque l'auteur a découvert que des séquoias séculaires allaient être abattus qu'il en a été bouleversé et qu'il a entrepris ce grand roman chorale à la gloire des arbres.
C'est un livre militant en ce sens que l'auteur nous donne a voir les méfaits de l'homme, son non -respect de la nature, ses "crimes " contre les arbres, des arbres qui nous ont précédé dans ce monde et qui sont  pourtant nécessaires à la survie de l'humanité. Il évoque aussi le travail de ceux qui veulent assurer une protection juridique à la nature et ,ici, aux arbres, leur donner des droits, leur permettre d'accéder aux tribunaux, à la justice. Comme le dit l'auteur beaucoup de ceux qui, aujourd’hui, ont accès à la Justice n'y avaient pas accés dans le passé: les esclaves, les femmes, les enfants
Dans un procès Patricia Westerford qui a écrit un livre a succès sur les arbres et leurs pouvoirs est entendu et elle évoque cette phrase que lui a dite son père: "Rappelle-toi! Les hommes ne sont pas l’espèce suprême qu'ils croient être. D'autres créatures-plus grandes, plus petites, plus lentes, plus rapides,plus vieilles ,plus jeunes, plus puissantes-mènent la danse, fabriquent l'air et dévorent la lumière diu soleil. Sans elles il n y a rien." p.307)  Certains seront condamnés alors que la légitime défense aurait dû leur valoir l’acquittement.Et l'un des condamnés a cette phrase: "Bientôt nous saurons si nous avions tort ou raison"!
C'est un livre -et ils sont finalement assez rares- d'où l'on sort changé et le lire en cette période d'épidémie qui remet tant de choses en question conforte dans l'idée que des revirements déchirants dans nos modes de vie sont nécessaires.



  • Je mets, ici, cette vidéo dans laquelle Philippe Noiret lit merveilleusement un recit de Giono consacré à un berger planteur d'arbres dans ce pays de haute Provence sec et désolé.Je pense que ce récit est dans le droit fil du roman de Powers et que l'auteur l'aurait aimé. Et voilà aussi artiste qui va très bien avec ce roman.

jeudi 26 mars 2020

Après le Covid 19: Aveu et révision.


            



La crise sanitaire majeure que nous venons de vivre avec le confinement obligatoire, la saturation des services de santé, l’absence de perspectives à moyen termes et le sentiment de notre extrême fragilité a conduit beaucoup d’entre nous à réfléchir et à remettre en cause nos modes de vie. 

 Le Président de la République, lui-même, a indiqué qu’il y aurait des révisions des politiques d’état nécessaires.
Pour ma part ce qui m’a frappé c’est que le confinement obligatoire, la réduction drastique des voyages en avion ou en paquebot a permis de montrer rapidement que cela entrainait une amélioration nette, très nette, visible à l’œil nu de la pollution de l’air, de l’eau et acoustique 
Les canaux de Venise que je connais bien ont retrouvé de la clarté et on a pu même y voir des poissons ce qui ne m’était jamais arrivé !
A Paris ceux qui sortaient pouvait, à nouveau voir et entendre des oiseaux pour la première fois depuis des lustres !
Les photos satellitaires ont montré une plus belle clarté au-dessus des villes ! Cet article du Figaro montre de manière indiscutable les effets positifs sur l’environnement de cet arrêt de l’activité excessive. Mais il montre également qu’il y aura probablement un rebond de l’activité après la crise, ce qui sera , de nouveau ,une erreur majeure.
Ce que le discours des écologistes n’avait pas pu faire l’épidémie et le confinement l’a fait immédiatement et en grandeur réelle.
Il n’est absolument plus permis de croire que si nous continuons notre mode de vie actuel nous n’allons pas vers la catastrophe qui est déjà là.
Dans un autre domaine on a vu que l’idéologie de la mondialisation a des effets désastreux.
Lorsque pour des rendements économiques plus fort on fait faire ailleurs ce qui nous est essentiel, on délocalise, vient un moment, et ce moment est venu, où l’on devient vulnérable dépendant de pays étrangers.
Comment peut-on tenir le discours de la France « grande puissance » alors que nous dépendons pour notre survie sanitaire de pays étrangers que nous ne pouvons plus fournir les tests, les masques et les médicaments !
Et cette dépendance ne concerne pas uniquement ce qui éclate au grand jour avec cette pandémie., mais beaucoup d’autres domaines.
Pour des raisons de bénéfices on a délocalisé et voilà le beau résultat, en créant au surplus du chômage.
Mais il est aussi certain que ces évènements nous démontrent que rien ne s’arrangera, hélas, avec des demi-mesures et qu’il va falloir des décisions drastiques, difficiles, couteuses.
Je pense notamment que rien ne se fera si nous ne décidons pas collectivement qu’il faut réduire de manière importante les voyages en avions et en bateaux ainsi que la place de la voiture.
C’est évidemment dur, très difficile car nous nous sommes habitués à voyager loin et c’est une chose agréable pour ceux qui le peuvent mais nous avons maintenant touché du doigt ce que ces pratiques coûtent à la terre. Il faut mettre un terme au tourisme de masse qui dénature les villes, les pays et qui est source de pollution.
Je n’ai pas soutenu ceux qui luttaient contre l’extension de l’aéroport de Nantes, je dois dire que les participants me paraissaient un peu huluberlus et pourtant ils avaient raison !
Il faudra donc se resserrer sur nos petits coins de la planète pour y vivre plus tranquille et plus raisonnablement. Il faudra revenir à une agriculture de subsistance plus naturelle., renoncer à cette agriculture intensive qui a fait tant de mal. Il faudra ne plus délocaliser pour accorder plus de profit.IL faudra revoir notre idéologie du progrés et notre rapport au temps .
Tout cela sera très difficile car c’est, en réalité, une autre forme de civilisation, une forme d’injustice aussi car, de nouveau seuls les riches pourront encore profiter un peu du voyage et de ses plaisirs, un retour en arrière, mais comment ne pas voir que c’est cela ou la perte de la planète.
Enfin les politiques et les énarques qui nous ont conduit à la gestion comptable de la santé devraient se remettre en question et se dire que la santé comme le bon sens populaire le dit n’a pas de prix.
Voilà des remises en question nécessaires et j’avoue que j’ai moi-même accepté, soutenu les politiques anciennes mais cette épidémie me force à réviser mes vues. Je reste dans l’idée que l’initiative privée, la liberté sont toujours et resteront essentielles mais que tout devra se faire à hauteur d’homme, à hauteur de pays et de région et que le profit s’il doit demeurer un moteur de l’économie doit se discipliner et se limiter. Nous allons devoir réfléchir sur ce qui dans nos vies est essentiel, la santé, l’éducation, la culture et que nous devons a tout pris préserver et ce qui l’est beaucoup moins, le luxe des voyages, la consommation à outrance, le gaspillage des denrées. C’est à la fois une question de morale et de survie.
Tout cela n’est finalement pas très original, beaucoup le disaient que l’on ne voulait pas entendre, nombreux sont ceux qui le disent avec force aujourd’hui et je ne fais qu’ajouter ma voix à toutes celles qui s’élèvent pour nous le dire. Déjà des projets sont faits au niveau Européen. On lira aussi avec intérêt la contribution des protestants de France Curieusement c’est dans ce moment que j’ai lu des chroniques  de Jean Giono : « La chasse aux bonheur » dans lesquelles il met l’accent sur les plaisirs simples, la vie économe et qu’il condamne avec ironie   "certaines formes de progrés" et le roman récent de Richard Powers « L’arbre monde »  qui est un hymne à la forêt, à la nature, aux arbres que notre monde actuel passe son temps  à détruire.  Allons-nous cette fois écouter ?



vendredi 20 mars 2020

Jean Giono Le médecin de campagne

En hommage a tout le personnel médical qui nous montre en ces temps un exemple de courage et d'abnégation je lis cette chronique de Jean Giono: Le médecin de campagne


jeudi 12 mars 2020

Canesi et Rahmani Ultime preuve d'amour

Messieurs Canesi et Rahmani publient aux Editions Anne Carrière un nouveau roman: Une ultime preuve d'amour. je n'ai rien lu ,jusqu'à présent de ces deux romanciers qui écrivent en duo et dont les romans se situent -ce qui ne peut que me plaire en Algérie et surtout a Alger. Dans un précédent roman ils avaient déjà abordé les mêmes thèmes.
C'est aussi le cas de ce roman d'amour qui se situent dans l'Algérie sur une période qui va de la guerre d'indépendance avec ses crimes, ses attentats,ses blessures en tous genre et les années de la guerre islamique.
J'ai trouvé , au début , que cela ressemblait un peu trop à un de ces romans photos pour midinettes ou encore aux romans à succès de Barbara Cartland, la dame en rose qui vendait des millions de livres!
Je m'y suis tout même laissé prendre et j'ai finalement adhéré a cette histoire d'amour contrarié par la guerre, par l'histoire . Moi qui aime pleurer en littérature j'ai été servi!
Et puis tout se passe dans cet Alger que j'ai connu et que j'ai de nouveau visité en 2016. Tous les lieux évoqués par les auteurs me sont connus et le centre de l'histoire, à l'Hôtel Aletti superbe et mythique Hôtel du temps de ma jeunesse très abandonné et décrépi ( ce que j'ai constaté en 2016) est fort bien décrit.
Je ne dis rien de l'intrigue car il faut absolument la découvrir dans ce roman qui est écrit en faisant alterner le point de vue de divers protagoniste: Inès et Pierre mais  aussi Rachid et Mohand le Groom de l'Hôtel.
A lire par ceux qui connaissent Alger, qui s’intéresse à l'histoire mouvementée du pays et aux midinettes qui veulent pleurer sur des amours difficiles mais superbes.

mercredi 11 mars 2020

Leïla Slimani : Le pays des autres

Ce que vient de publier Leila Slimani est , si j'ai bien compris, le premier volume d'une trilogie qui s'intitule : "Le pays des autres".
Dans ce premier tome ,on fait la connaissance de Mathilde une jeune alsacienne au moment de la guerre de 1944 et qui devient amoureuse d'Amine un jeune marocain, officier au service de la France et qui combat en France.
Le roman s'ouvre très vite sur le retour de Mathilde et Amine , maintenant marié, au Maroc où Amine entend reprendre une terre qui appartient a son père pour la mettre en valeur dans la campagne aux portes de Meknès dans ce Maroc colonial.
On fait donc la connaissance dés le début du roman de la famille d'Amine qui vit dans une ruelle de la Medina de Meknès, sa mère, sa soeur     son frère Omar et , aussi des enfants que le jeune couple ont eu.
On suit la vie difficile de Mathilde dans la ferme de son mari, les soucis d'argent, le rejet par les familles coloniales qui acceptent mal ce mariage mixte. Le roman nous montre aussi la place des filles et ainsi, la soeur d'Amine, Selma , très  belle , qui croit pouvoir vivre librement et qui finira marier de force par son frère. Le roman retrace aussi la période  entre 1950 et 1958 où se se développe la lutte des nationalistes marocains, les manifestations , les attentats , les crimes.
Cette première partie se termine alors que la lutte est forte, la tension extrême et l'on a hâte de connaître la suite. Ce roman est porté par une écriture fluide, agréable mais, dans l'ensemble je trouve tout un peu convenu, attendu et il me semble que ce roman , en tous cas dans cette première partie manque un peu de force, cette force que j'ai trouvé par exemple dans un roman dont le thème le rappelle celui-là, "Préponderants" de Hedi Kaddour  Ce roman a été apprécié par certains et , ici , par exemple.

jeudi 5 mars 2020

Adresse au Parti Destourien libre à l'occasion de son centenaire 1920-2020

Le Parti Destourien Libre fête a fêté le 2  mars son centenaire et ,à cette occasion, certains dirigeants de ce parti m'ont invité à assister a ces cérémonies en Tunisie. je n'ai pu  m'y rendre et j'ai donc adressé , en guise de remerciement , en quelque sorte le message suivant en vidéo.
Je publie,ici , cette vidéo et j'y ajoute le texte écrit.


                                                                   




CENTENAIRE DU DESTOUR 1920-2020
MESSAGE DE MONSIEUR JEAN-PIERRE RYF




Mesdames et Messieurs,
Monsieur Foued Mouakhar, en accord avec Madame Abir Moussi, a bien voulu m’inviter à votre réunion célébrant les cent ans du Destour.
Cette invitation est évidement un grand honneur pour moi et je suis désolé de ne pas avoir pu l’accepter en raison de mon emploi du temps. Je vous remercie cependant vivement et vous dis mon regret de ne pas pouvoir célébrer avec vous cette réunion importante.
Je veux cependant vous adresser ce message en guise de remerciement.
Je veux saluer les nombreux participants qui montrent leur attachement aux valeurs du parti Destourien et par là même comme je le dirai leur patriotisme.
Je voudrai d’abord, avant d’en arriver au fond de mon propos, vous dire dans quel état d’esprit je vous adresse ce message.
Je connais la Tunisie depuis plus de cinquante ans et j’y suis venu régulièrement une ou deux fois par an pour profiter des plaisirs que donne à profusion votre pays : le soleil, la mer, l’accueil chaleureux de son peuple et parce qu’il évoquait pour moi, mon Algérie natale, que j’ai quittée à dix-huit ans et dont j’ai toujours gardé la nostalgie.
La Tunisie, votre pays, a remplacé un peu pour moi, cette Algérie de mon enfance que je n’ai jamais oubliée.
Ceci explique que j’ai suivi l’évolution politique et sociale de votre pays depuis ces cinquante dernières années et que j’ai donc connu le régime du Président Bourguiba, celui de Ben Ali et plus récemment tous les évènements qui ont suivi ce que l’on a appelé : « La révolution du Jasmin » ou encore « le printemps arabe ».
Je voudrai donc vous dire en quelques mots, d’une part, comment je vois la situation actuelle et en second lieu ce que devrait être l’apport de votre parti Destourien à la Tunisie après sa longue et importante histoire.
Je précise que je le fais sans aucune volonté d’ingérence, la politique tunisienne n’appartenant qu’aux Tunisiens, mais comme le ferait un ami.
Je dois vous dire en débutant, que j’ai eu au lendemain de la « Révolution » et du départ de Ben Ali, un immense espoir pour votre pays.
J’ai pensé, qu’avec la qualité du peuple tunisien, due en très grande partie aux réformes du Président Bourguiba dans le domaine des droits de la femme et de l’éducation, ce pays allait choisir la voie de la liberté et du progrès et qu’il allait faire encore un pas de plus vers la modernité.
J’ai, en suivant jour après jour les débats sur les réseaux sociaux, constaté que les Tunisiens s’emparaient avec joie de la liberté de s’exprimer et qu’au fil du temps, par l’échange, la discussion, les débats, chacun progressait dans la connaissance de son histoire, dans la maîtrise des idées politiques et même dans la connaissance du droit constitutionnel.
Cependant j’ai aussi constaté qu’il fallait avoir le cœur bien accroché car je suis passé, comme d’ailleurs beaucoup de Tunisiens, de l’espoir, à la crainte, à l’indignation ; puis de nouveau à l’espoir et, hélas, de nouveau aux regrets et à la tristesse.
Mais je n’insiste pas car vous êtes, tous sans doute, passé par les mêmes étapes que moi.
Je n’entre pas dans les détails mais ce qui a dominé mes sentiments c’est une véritable colère et une forme de honte face à ces hommes politiques et leurs partis dont j’ai détesté l’absence totale de conviction, de patriotisme, occupés seulement de leurs petits intérêts personnels, sans projet et sans ligne directive.
Vous me trouvez, peut-être, bien sévères mais la seule excuse que je peux trouver à ces hommes politiques, sans colonnes vertébrales, c’est la Constitution et le régime électoral, absolument déplorable qui était voulu par les islamistes et qui a, malheureusement, été aussi accepté par des partis qui se disent de progrès et qui favorisent l’émiettement et les tractations douteuses.
Si je voulais résumer la façon dont je vois la situation actuelle, je dirai que le pays court à la catastrophe, à la régression, et qu’il ne peut pas s’en sortir avec la classe politique actuelle et le régime électoral d’aujourd’hui. Car aucun pouvoir n’existe vraiment.
Comme je l’ai dit dans une vidéo, le pouvoir n’est ni à Carthage ni au Bardo en raison de l’émiettement des partis. Aucune politique sérieuse ne peut naître de cette situation.
J’aborde maintenant plus précisément ce que le Destour, votre parti, dont vous célébrez le centenaire de la naissance, peut apporter à la Tunisie en cette période délicate.
Je dirai d’abord que la longue histoire de votre parti depuis 1920 n’a pas été un long fleuve tranquille et qu’il a connu des divisions, des séparations, des retours en arrière, des luttes pour le leadership, mais qu’il faut cependant lui accorder la constance sur un certain nombre de principes sur lesquels il a toujours été intransigeant et qui lui ont permis de conduire, d’abord votre pays à l’indépendance et ensuite à le moderniser en lui donnant un véritable Etat et une administration efficace.
Parmi les qualités essentielles, à mes yeux, de votre parti, je note d’abord le patriotisme.
En définitive, à l’origine de votre parti il y a la volonté de faire accéder le pays à l’indépendance et à le sortir de sa position coloniale. Cela a été un long et difficile combat mais qui, par la persévérance des fondateurs du parti, est parvenu au résultat voulu.
La deuxième caractéristique que je vois dans le Destour c’est son attachement à l’Etat national et au souci de son efficacité et de son indépendance.
Enfin la troisième caractéristique est d’être fondamentalement un parti pragmatique, respectueux des libertés et hostiles aux idéologies totalitaires.
Or on sait depuis Annah Arendt et Albert Camus combien les totalitarismes sont meurtriers et attentatoires aux libertés et aux droits de l’homme.
Le pragmatisme, c’est tenir compte de la réalité, refuser les idéologies plus ou moins rêveuses et avancer en fonction des possibilités et du réel. N’est-ce pas le Président Bourguiba qui a théorisé dans le passé la politique des étapes car il était, à la fois, un visionnaire et un réaliste.
Or ces trois qualités, patriotisme, pragmatisme, attachement à l’Etat national et lutte contre toutes formes de totalitarisme, sont absolument indispensables aujourd’hui et très menacées.
D’abord par les partis islamistes qui ne veulent pas d’Etat et pensent à leur Califat mais aussi par ce qui reste des pan-arabistes qui croient en cette veille lune de l’unité des nations arabes et qui, dès lors, ne voient pas l’Etat national d’un bon œil.
Alors que, maintenir un Etat fort et éclairé, est la seule façon d’aller dans un avenir, certes lointain, vers des unions avec des pays arabes qui, eux aussi, auraient réussi à entrer dans le progrès.
En raison de ces idéologies, certains acceptent que la Tunisie devienne le vassal de certains plus forts ou plus riches ; alors que précisément le Destour, a toujours considéré que la Tunisie devait être un Etat indépendant et libre et qu’il a refusé toutes formes de vassalité., comme vous le faîte encore aujourd’hui avec votre Présidente.
Par ailleurs, l’ennemi principal de la Tunisie, est aujourd’hui l’islamisme politique qui est une idéologie totalitaire et je voudrai insister brièvement sur ce point.
Les partis islamistes instrumentalisent la religion qui devrait appartenir à tout le monde. Les Tunisiens sont des musulmans depuis de nombreuses générations et être un parti qui se dit islamique c’est vouloir créer une division artificielle et meurtrière entre les Tunisiens dont certains seraient de bons musulmans et d’autre pas !
Par ailleurs se fonder sur la religion qui est celle de tout un peuple, c’est vouloir instaurer un régime totalitaire avec une seule vision des choses et de l’avenir et la création d’un nouveau tunisien.
Je voudrai, ici, vous rendre attentif à une phrase qui a été prononcé par M Abdel Fattah Mourou et qui me paraît la chose la plus grave que j’ai entendue.
C’est lorsque dans un aparté avec un obscurantiste il a dit en substance : « que les adultes étaient perdus pour Nadha mais qu’il fallait faire avec les enfants en les éduquant »
Cette phrase est le propre des partis totalitaires qui veulent façonner ce qu’ils appellent le « nouvel homme ». Cela a été vrai des nazis, cela a été vrai des communistes et l’on sait où cela a conduit !
 Ce n’est plus, là, l’éducation à laquelle votre parti est attaché mais la propagande, l’enrôlement et l’endoctrinement idéologique.
Voilà les raisons profondes qui ont fait que j’ai adhéré aussitôt aux discours de votre Présidente Madame Abir Moussi qui, avec lucidité, clarté, persévérance et courage a mis en évidence à la fois les dangers de la situation actuelle et qui a élaboré la seule méthode possible pour en sortir : réformer la Constitution et le régime électoral pour que puisse émerger un réel pouvoir démocratique mais pas impuissant.
J’ai la conviction profonde qu’il est tout à fait possible d’allier démocratie et liberté avec efficacité et réalisations.
C’est la priorité des priorités car rien ne se fera, je le répète, sans cela.
Mais il faudra ensuite, je suis sûr que c’est votre objectif, consolider les libertés, développer l’éducation la seule vraie richesse en ce monde, ce qu’avait compris le Président Bourguiba ; et enfin assurer plus de justice sociale, car la misère, l’absence d’éducation et de culture, conduisent à l’islamisme et aux idéologies mortifères.
Vaste programme mais exaltant.
Je crois que, ce faisant, votre Présidente Madame Abir Moussi et vous-même seraient dans la droite ligne du Destour dont vous célébrez aujourd’hui le centenaire et vous serez, ainsi, fidèles aux anciens, en appliquant à aujourd’hui les exigences qu’ils avaient hier.