Monsieur Eric Maurel vient de publier chez Gallimard dans la
collection "Témoins" : « Paroles de procureurs » et je ne pouvais passer à côté
de ce livre dans la mesure où j’avais connu le procureur Maurel lorsqu’il a
pris ces fonctions à Pau en 2004. Je l’ai donc en réalité très peu connu car
c’est l’année où je suis parti à la retraite. Je me méfiai un peu car j’avais
lu dans le passé des ouvrages de magistrats sur leur métier et ils m’avaient
tous un peu déçu. Ce n’est pas le cas de celui-ci et d’abord par son écriture
qui est agréable, dense et donnant à l’expression une chaleur humaine loin des
études universitaires.
Ce livre vient par ailleurs au bon moment, en un temps où la
Justice est questionnée, quelques fois mise en question et, où, disons-le, elle
est assez méconnue par les citoyens qui n’en connaissent pas l’organisation et
le fonctionnement et sont assez porté à la critiquer quelques fois à juste
titre, quelques fois par ignorance.
Dans les premières pages l’auteur veut mettre à néant la critique
faîte quelques fois aux Juges et notamment aux jeunes juges sortis de l’école
de la magistrature de n’avoir aucune expérience de la vie et d’être un peu trop
corsetés par leurs certitudes. Et s’ouvrent alors des pages sur des affaires
bouleversantes que le Procureur Éric Maurel a connues et qui ont été traitées
avec humanité. En lisant ces pages cela m’a rappelé combien la Justice que j’ai
connu était, en effet, le réceptacle de la misère humaine et il m’est assez
souvent arrivé de plaider que la solution judiciaire était souvent « ajouter
du malheur au malheur ». Cela dit si les magistrats peuvent avoir de
l’empathie certains ont une philosophie qui les conduit à penser que les
malheureux sont responsables de leur malheur ! J’en ai connu.
Des développements heureux sur le doute systématique, sur le
sens de la peine.
Dans un premier temps je n’ai pas compris l’assez long
développement d’affaires absolument horribles avec des scènes de crime
épouvantables. Je n’en voyais pas l’utilité mais peut être était-ce pour amener
le long développement sur les atteintes psychiatriques, de l’alcoolisme ou des
drogues et la difficulté qu’il y a alors à juger en raison du langage et,
disons-le, des lacunes de la science psychiatrique.
Ce livre très riche contient aussi une analyse de la peine et
notamment de l’emprisonnement dont il reconnaît les lacunes. Je ne pense pas,
pour ma part, que l’on a remédié à ce qu’une Commission Sénatoriale a appelé « une
honte de la République » et je ne crois pas, contrairement a ce que pense
M Maurel qu’il faille connaître ce monde fermé de la prison de l’intérieur pour
pouvoir juger de ce qui s’y passe. Tous citoyens grâce aux informations qu’il recueille
de diverses sources peut et doit pouvoir de faire son jugement.
Enfin ce livre nous donne une longue et précise histoire du
Parquet à travers les âges et dans le monde et il défend l’idée que le
Procureur ne serait pas un fonctionnaire mais un magistrat. L’argumentation est
sérieuse mais elle ne m’a pas convaincu. Le fait que le Procureur ait un indiscutable
pouvoir de décision a de très nombreux stades de la poursuite ne fait pas de lui,
pour autant, un Juge. De nombreux hauts fonctionnaires prennent aussi de
nombreuses décisions aux conséquences parfois très importantes. Et j’ai
toujours été gêné par la promiscuité d’études et de carrière des membres du Parquet
et des Magistrats du Siège. Je suis partisan d’une séparation drastique entre
ceux qui poursuivent et ceux qui jugent. Certains pays l’ont déjà fait et les règles
Européennes me semblent l’imposer. L’avenir dira ce qu’il en sera et ce sera
toujours la décision démocratique du peuple.
Au total un livre très intéressant, qui se lit bien, qui
contient une foule d’analyses intéressantes, de rappel historiques et qui
devrait servir aux citoyens et plus encore aux élèves avocats et juges et je ne
dis pas cela parce que l’auteur met, à plusieurs reprises, en évidence le rôle
essentiel des avocats de la défense.
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