mercredi 27 mars 2019

Fernando Aramburu Patria

Lu ce livre paru en 2018 chez Actes Sud et qui est un gros pavé de plus de six cent pages mais qu'on lit avec intérêt et plaisir car le style de cet écrivain est original , direct et très évocateur. Les chapitres sont courts et tout est conçu comme une peinture par touches qui mélangent passé et présent. L'histoire se passe dans un petit village basque , en Espagne , tout près de San Sebastian et évoque à travers l'histoire de deux familles l'histoire récente de cette région au moment de la guerre menée par l'ETA pour l’indépendance du pays basque. Je pense que pour vraiment comprendre l'histoire il n' y a que le roman qui puisse en donner tous les aspects.  Qui mieux que Léon Tolstoï nus fait comprendre la campagne de Russie dans Guerre et Paix?  J'ai beaucoup appris de la guerre d'Algérie que j'ai pourtant , en partie vécu, dans les romans consacrées a cette période.
Eh bien je comprends mieux le problème basque après la lecture de ce beau roman.
C'est l'histoire de deux femmes Bitori et Miren qui se connaissent depuis l'enfance, qui ont voulu toutes deux devenir religieuses, qui toutes les deux se sont mariés et ont eu des enfants et que le conflit basque va séparer. Le mari de Bitori a refusé de payer l'impôt révolutionnaire d'ETA ( en réalité soyons clair une rançon sous la menace) et il est tué devant sa maison  et alors sa famille montré du doigt regardé d'un sale œil  par le reste du village. Et voilà un village paisible, deux familles heureuses et amies, séparées tout a coup par l'histoire.
Au fil de la lecture nous voyons la vie de ces deux familles, leurs bonheurs et leurs malheurs et les liens , quelques fois forts qui existaient entre eux détruis par l'attentat. Nous suivons le drame d'  Arantza victime d'un  accident neurologique et qui se retrouve complètement paralysée et muette avec une scène émouvante lorsque Xavier le fils de Birotti, médecin va voir cette jeune femme avec laquelle il a flirté dans a jeunesse.
On suit l'évolution des enfants devenus des adultes, leurs histoires personnelles ,leurs amours et la façon dont ils font face, chacun a sa manière, au drame qui a eu lieu et qui déchire le village.
On suit les ravages que fait le ressentiment, la division, la haine qui s'installe et les diverses façon dont chacun fait face .Certains veulent s'éloigner, quitter cette ambiance délétère, d’autres au contraire sont en plein dans la volonté de participer a la lutte pour indépendance avec des motivations quelques fois très légères et acceptent l' inacceptable de tuer sans plus avoir aucune considération pour la personne, le meurtre devenant un acte banal de lutte et les uns et les autres se montent la tête sans réelle réflexion.L'auteur décrit très bien cet sorte d'engrenage qui fait que plus personne n'a la moindre barrière morale et particulièrement les jeunes comme le fils de Miren dont on doit constater qu'il n'est pas une lumière et qu'il suit entraîné par d'autres. Et a un moment (p.398) un des protagonistes dit ce qu'il en pense : "L'ETA doit agir dans interruption. Il n' a pas le choix. Il ya belle lurette qu'il est tombé dans l'automatisme de l'activisme aveugle. S'il ne fait pas de mal,il n'est pas,il n'existe pas, il n'a plus aucun rôle. Cette façon mafieuse de fonctionner dépasse la volonté de ses membres......." et plus loin  "Je ne peux pas comprendre que des types qui prétendent défendre l' euskera tuent des  euskaldunes; que des gens qui veulent reconstruire Euskadi tuent des Basques....." Tout est dit de la folie de ce genre de mouvement.Le roman est émouvant en ce qu'il nous montre des vies bousculées à la fois par les événements naturels de la vie et par la folie de certaines idéologies irresponsables. A la fin de la lecture on a envie de se dire : Quel gâchis! Tant de vies meurtries et pour quoi?


dimanche 17 mars 2019

Olivier Bellamy Requiem pour un chat

Un ami venu dîner m'a offert trois livres. Quelle excellente idée! Et parmi eux ce premier lu: "Requiem pour un chat". L'auteur est confronté dès le début de son récit à la maladie et à la perspective de la mort de Margot sa petite chatte. A partir de là le récit croise les événements de sa vie, les sentiments, les souvenirs familiaux et aussi sa double passion pour la musique et pour la littérature dont il dit joliment (p.171) "La musique et la littérature sont restées deux passions qui nous relient.L'une pour "désirer les choses qui n'existent pas " comme dit Gabriel Fauré, l'autre pour enrayer la disparition des choses qui 'ont peut-être existé que dans notre imagination et que nous nous employons néanmoins a faire revivre."
L'auteur qui est un grand mélomane  analyse ça et là de nombreuses grandes oeuvres dont il nous donne l'essence.
Il y a bien sûr des pages émouvantes et éprouvantes sur la maladie de Margot, les soins lourds qu'elle doit supporter et sur l’inéluctable fin qui laisse l'auteur anéantie. Et bien sûr  cette lecture fait écho en moi à la maladie de mon petit chien et m'annonce des perspectives inéluctables et l'on voudrait pourtant tellement écarter!
Le livre se clôt pourtant sur un chapitre heureux. L'auteur s'est vu offrir un nouveau petit chaton à La Marsa en Tunisie où il a ses habitudes et le récit de son retour en avion avec ce petit chat non encore vacciné m'a rappelé nombre de voyages avec mon petit chien.
L'auteur se livre aussi en début des chapitres qui tous contiennent dans le titre la lettre M a un petit jeu sur cette lettre de l'alphabet. C'est original.
Au final on éprouve de la peine pour Margot mais surtout on connaît assez bien Olivier Bellamy car ce livre est, dans le fond, son portrait.

vendredi 8 mars 2019

Venise a double tour de Jean Paul Kauffman

Un ami m'a signalé la parution de ce livre sachant mon amour pour Venise. Je l'en remercie car j'ai beaucoup aimé ce livre que j'ai lu aussitôt. Un élément m'a poussé à le commander rapidement. J'ai lu , en effet, dans la présentation de cet ouvrage que Jean Paul Kauffman avait passé plusieurs mois à Venise et précisément dans le quartier de la Giudecca où je séjourne moi-même lorsque je vais à Venise.
Sur ce plan je n'ai pas été déçu et l'auteur donne des nombreuses indications sur son séjour et, tous les lieux, restaurants, cafés et commerces dont il parle je les ai fréquenté très souvent. Il montre bien aussi ce qui fait le charme de la Giudecca ,à la fois loin et toute proche de Venise, son calme, ses habitants véritables et anciens vénitiens et la vue que la Giudecca donne sur Venise qui, pour moi, est la plus belle et Jean Paul Kauffman le dit aussi.Il évoque ces promenades le soir dans le quartier et dans ce petit endroit qu'est la Giudecca je retrouve mes propres pérégrinations! Il écrit ce à quoi je souscrit entièrement : "De jour comme de nuit, le panorama depuis la Giudecca est sans égal.Je n'en connais pas de plus beau ni de plus glorieux."
Il a souvent sur cette ville des notations pertinentes et par exemple (p.57-58): " Ce que j'ai toujours apprécié dans cette ville, c'est qu'elle ne dissimule ni ses plaies, ni ses fissures, ni ses crevasses, ni ses affaissements. Ce qui est rompu, entrouvert ou lézardé est exhibé."
Il y a aussi l'évocation d'un certain nombre d'écrivains amoureux de Venise et notamment de Sartre qui aimait beaucoup cette ville et qui a même écrit-ce que j'ignorai-un livre "La Reine Albemarle"
Sur le fond le projet de l'auteur m'a, au début, paru très singulier puisqu'il était décidé a visiter toutes les Eglises de Venise qui sont fermées depuis souvent des dizaines d'années. Je me disais et il fait,lui-même la réflexion que l'on a bien assez avec les Eglises ouvertes que  l'on a du mal a connaître toutes ainsi que les oeuvres qu'elles renferment. Mais je dois dire que je me suis laissé prendre a cette sorte de suspens dans lequel il nous plonge: arrivera t-il ou non a se faire ouvrir ces Eglises fermées comme des forteresses? Ces églises fermées dépendent de plusieurs institutions: le Patriarcat de Venise, l’Hôpital, les Services culturelles et les recherches ne sont pas simples et lorsque l'auteur obtient, enfin, un rendez-vous avec le Grand Vicaire il doit jouer serré avec ce personnage important pour son projet et qui est en lui-même une énigme!
C'est aussi ,pour lui, une manière de répondre à la question qu'il pose et se pose tous ceux qui veulent écrire sur Venise:"Comment écrire sur cette ville sur laquelle tant et tant a été dit?" Et bien l'auteur a trouvé un angle singulier, original que cette recherche inlassable des Eglises fermées dans une ville qui en compte tant.
L'auteur nous explique les premières émotions religieuses de sa jeunesse qui, sans doute, sont l'explication de cette quête peu ordinaire.
Beaucoup de critiques picturales et l'on voit bien que l'auteur est un amateur très éclairé, des pages intéressantes sur la cuisine à Venise pour déplorer comme je le fais moi-même que, dans l'ensemble ,on mange assez mal dans les restaurants de Venise,sur les méfaits du tourisme de masse bien connus mais difficiles a régler
Ce livre plaira aux amateurs d'art et notamment de peinture. Le projet initial me paraît toujours après lecture assez artificiel mais je répète qu'on se laisse prendre a cette recherche et qu'au fil des pages on en apprend beaucoup sur Venise.