jeudi 2 décembre 2021

Albert Camus/ Nouvelle approche de sa position concernant l'indépendance de l'Algérie

 

Je reviens, une nouvelle fois, sur la position d’Albert Camus se refusant à envisager l’indépendance de ce pays, même s’il voyait bien, au fur et à mesure du déroulement de la guerre que cette solution allait probablement survenir.

Est-ce que cela a été une forme d’aveuglement, un refus purement sentimental ou, au contraire, le résultat d’une analyse politique, contraire totalement aux idées prévalant à l’époque, mais conforme, précisément, aux idées politiques de cet écrivain ?

Je pense qu’il est important de se poser cette question qui ne l’est pas souvent dans ces termes.

Cette décision a éloigné Albert Camus, non seulement de ceux qui l’avaient déjà excommunié au moment de la parution de l’Homme révolté, mais aussi, ce qui l’a beaucoup peiné, d’amis très proches, avec lesquels il avait une relation quasi fraternelle. Je pense notamment à Jean Sénac et à Jean Daniel.

Que devons-nous penser de cette position d’Albert Camus et cela porte-t-il atteinte à l’importance de sa pensée, à l’importance des leçons qu’il continue à donner au monde ?

Beaucoup ont expliqué et continuent d’expliquer cette position par son attachement à l’Algérie, sa terre natale ?

Je pense qu’il est inutile, ici, de redire la force de cet attachement ; et l’on pourrait citer mille phrases, extraites d’un peu partout dans son œuvre où il clame cet amour qu’il qualifie, en effet, souvent de vital pour lui.

Si l’on veut s’en convaincre, il faut relire son œuvre, les pages éblouissantes consacrées à ce pays et vous pouvez aussi, lire le très beau livre d’Alain Vircondelet : Albert Camus, le fils d’Alger dans lequel vous aurez accès à mille citations sur ce thème de l’amour du pays et des raisons de cet amour.

Cette explication a, évidement, sa part de vérité mais elle ne peut, à mon sens, tout expliquer.

Et cela d’autant moins qu’Albert Camus a été, dès sa toute jeunesse et tout au long de sa vie d’une grande lucidité sur la colonisation et que l’on peut dire, qu’avant beaucoup, il a été anticolonialiste en montrant les erreurs et même les crimes de cette politique coloniale.

Il faut donc ne pas oublier ses multiples écrits depuis « Misères en Kabylie » où il écrit, avant que ce ne soit dans l’actualité, que l’attitude de la France est inacceptable et qu’elle conduira inéluctablement au drame.

Comment dès lors, malgré ces jugements portés très tôt et avant même que les Algériens eux-mêmes, ne réclament l’indépendance, Albert Camus n’a pas été conduit à œuvrer pour cette indépendance ?

Je considère qu’expliquer sa position en se plaçant sur un terrain « sentimental » est, à la fois, insuffisant et très injuste car c’est faire l’impasse sur la lucidité et la pensée de cet homme.

Pour ma part je suis de plus en plus convaincu que sa position était en réalité justifiée par toute sa philosophie et que, l’avenir, c’est-à-dire ce qui est advenu, permet de dire qu’il n’avait pas tort sur son analyse même si la force de l’histoire et de la politique conduisait inévitablement à l’indépendance.

Autrement dit, connaissant les combats politiques de Camus, il n’était pas possible qu’il soutienne ceux qui luttaient pour l’indépendance à la fois dans la façon dont ils menaient cette lutte et dans les objectifs qu’ils se donnaient. Je ne parle pas ici du peuple Algérien mais bien des politiques, des dirigeants qui ont conduit ce mouvement.

On sait, et je n’insiste pas sur le fait, que dans sa vision politique, Albert Camus a lutté de toute son énergie et de toutes ses convictions contre deux fléaux de son époque et plus généralement de l’histoire humaine : le totalitarisme et le terrorisme.

Contre le terrorisme il publie dès 1949 sa pièce « Les justes » et contre les totalitarismes c’est l’ « l’Homme révolté » qui date de 1951, autrement dit des pensées qui ne sont pas liées à la guerre d’Algérie mais bien le fondement profond de son œuvre.

Dès lors s’abandonner et admettre des régimes totalitaires ou le recours au terrorisme, cela ne peut pas être Camus car il aurait dû renier tout ce qu’était sa pensée  !

Or ceux qui ont conduit la guerre d’indépendance et qui ont d’ailleurs par la suite accaparer le pouvoir, ont usé très clairement et ouvertement du terrorisme et avait comme objectif un pouvoir totalitaire.

Ecrivant cela, je sais que je vais entrainer des polémiques et des critiques. Mais je ne pense pas cependant me tromper ; et l’actualité de l’Algérie depuis l’indépendance, me permet de dire que cette analyse est conforme à la vérité et qu’aujourd’hui beaucoup d’algériens eux-mêmes le pensent et veulent changer de modèle politique. Le Hirak, bien qu’ambigu, n’est-il pas la traduction du trouble des Algériens qui disent vouloir « reconquérir » leur indépendance ?

D’abord le recours au terrorisme et au terrorisme le plus violent et barbare, est évident, acté par l’histoire, et qui n’a d’ailleurs jamais été renié et condamné par les Algériens. Or ce terrorisme s’exerçait, là encore l’histoire est claire, à la fois contre les européens en Algérie mais aussi contre des Algériens hostiles au FLN.

Pensez-vous dès lors, que celui qui avait réfléchi, écrit et condamner le terrorisme dans de nombreux écrits (récits et pièce de théâtre), pouvait passer sur ces crimes et affirmer, par exemple, de manière odieuse ,ignominieuse, comme Sartre dans sa préface au livre de Franz Fanon : Les damnés de la terre :

«  Le premier temps de la révolte, il faut tuer : abattre un Européen, c'est faire d'une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé ! Restent un homme mort et un homme libre »

Il semble d’ailleurs que Franz Fanon aurait contesté cette phrase et aurait voulu en parler avec Sartre sans pouvoir le faire en raison de sa mort.

Quoiqu’il en soit, voyez-vous Camus écrire ce genre d’horreur inacceptable ? Non bien sûr.

Ce terrorisme était-il inévitable comme certains l’ont théorisé ? Camus sur ce point a souvent cité Ghandi et sa non-violence.

En second lieu, le grand combat de Camus est celui contre les totalitarismes qui, sous prétexte de justice, le voyez-vous accepte d’enlever les libertés et même de tuer ?

Or l’histoire montre clairement encore que ceux qui dirigeaient la guerre d’indépendance, avaient en vue, selon les clans, soit le totalitarisme communiste soit le totalitarisme islamique.

C’est le livre de l’historien Roger Vetillard : « La guerre d’Algérie : une guerre sainte ? » qui m’a conduit à cette réflexion sur la position de Camus.

Là encore ce qui est advenu a montré que telle était le sort réservé à l’Algérie par ces dirigeants et que ce pays a connu d’une part les dérives du collectivisme et les dérives de l’islamisme et qu’il n’est toujours pas sorti de ces idéologies, certes contradictoires mais également destructrices.

L’Algérie depuis son indépendance a connu l’enfermement, le refus de l’ouverture, l’absence de démocratie et des droits de l’homme tout ce que Camus défendait.

Pouvait-il dès lors et conscient de cela, prendre le parti de cette indépendance ?

Beaucoup parmi ceux qui avaient soutenu ce mouvement d’indépendance et je pense à Jean Sénac et à ces beaux poèmes sur l’avenir du pays indépendant, sur l’ouverture et la liberté qu’il croyait advenir, ont bien vu finalement que ce n’était de leur part que des rêves qui ne se sont jamais accomplis.

Alors, si dans la position d’Albert Camus, il y a incontestablement une erreur d’appréciation sur la force de la volonté d’indépendance, sur la volonté du peuple Algérien de parvenir à cette indépendance en acceptant, provisoirement pensait-il peut être, un régime politique fermé et liberticide, il n’était pas possible au combattant du terrorisme et du totalitarisme de soutenir ce qui se passait  et ce qui allait arriver. Camus dans une lettre à Jean Grenier avait bien vu ce qui se préparait: Il écrivait " ils veulent écarter du pays tous ceux qui ne seront pas musulmans"  Olivier Todt. Camus, Une vie. Gallimard. p. 630-631

Albert Camus était pris en tenaille entre ses convictions profondes et la force destructrice de l’histoire qui avance sans se soucier des nuances. Et qui est, comme on l’a souvent écrit, tragique.

On trouvera ,ici la vidéo de ce texte.

                                                               

                                                                                    


                                                             

 

mercredi 1 décembre 2021

Mohamed Mbougar Sarr: De purs hommes

 Après avoir lu "La plus secrète mémoire des hommes " prix Goncourt 2021 j'ai voulu encore mieux connaître cet écrivain Sénégalais et je viens de terminer ce qui est son troisième roman : "De purs hommes" dans lequel il aborde de manière originale la question de l'homosexualité au Sénégal mais, en réalité dans beaucoup de pays musulmans.

Tout le récit part d'une vidéo affreuse qui circule sur les réseaux sociaux dans laquelle on voit des gens déchainés et haineux déterrer (oui vous avez bien lu : déterrer) un cadavre dans un cimetière musulman au pretexte que ce cadavre était , dans sa vie récente, un homosexuel!

Partant de cette scène odieuse l'auteur , professeur de littérature, va enquêter pour essayer de comprendre (comment peut-on comprendre de tels agissements!) et le roman va analyser de manière subtile la situation et comment ce genre de réactions peut avoir lieu sous l'effet de la religion (il y a de longs passages sur le rôle des Imams) de l'ignorance et du conformisme. Cette recherche va lui valoir des ennuis . On va l'interdire d'enseignement puisqu'il a évoqué dans son cours un poète comme Verlaine ce qui ,pour les gouvernants arriérés est faire du prosélytisme pour l'homosexualité, des rumeurs sur sa propre sexualité vont courir le mettant en danger.

Tout cela est tellement odieux, tellement barbare que le lecteur occidental a de la peine à le croire vrai et, pourtant on sait que la bêtise, l'aveuglement et l'hypocrisie sont assez bien partagé!

C'est un roman captivant qui montre l'effet néfaste des religions et de l'ignorance et d'ailleurs cela continue puisque l'auteur est victime , au Sénégal, d'une campagne assez haineuse et homophobe comme le montre cet  article et on lira avec intérêt ce que l'auteur disait lui-même de son roman et de ses intentions dans un entretien au  Monde

lundi 22 novembre 2021

Mohamed Mbougar Sarr: La plus secrète mémoire des hommes

 Le prix Goncourt 2021 a, comme on le sait été attribué à un jeune (31 ans) écrivain Sénégalais dont le roman :La plus secrète mémoire des hommes      avait déjà connu le succès même avant d'être primé. Il a déjà été reçu sur divers plateau de radio et de télévision et il y a exprimé , chaque fois , un point de vue original sur la littérature. Ce roman que l'on ne peut résumer tant il est foisonnant et dont on ne peut pas dire  "de quoi il parle" le romancier disant dans son œuvre que c'est une question "débile" et qu'un roman ne parle de rien mais dit tout!

Je dirai cependant que c'est d'abord une extraordinaire analyse de la littérature et que l'on y voit le lecteur, l'écrivain , les critiques mis en avant avec un verbe haut en couleur mais qui touche particulièrement juste.

Ainsi on appréciera la critique qu'il fait de la littérature en langue française des africains qui, après être porté au pinacle fait l'objet de critiques qui sont toujours les mêmes: trop africains ou pas assez, de toute manière jamais à sa réelle place!

Il y a un fil rouge pour ce roman. C'est la recherche par un jeune écrivain de l'unique roman écrit dans les années trente par un noir,  T C Elimane qui connut un succès certain puis fut oublié.  Son livre devenu introuvable n'était connu que de quelques initiés. A partir de cette recherche le roman est plein de digressions aux quelles on se laisse prendre et, il est vrai, que malgré son abondance on reste intéressé constamment et l'on admire le style et certains aperçus originaux sur la vie, le temps, le monde. 

Il nous montre, dans des pages inspirées, dans l'histoire de cet Elimane qui quitte le Sénégal pour la France, qui écrit un livre et disparait comment certains africains ont été attirés par la culture du colonisateur et ont voulu se l'approprier, abandonnant un peu la leur.

Il y a aussi une sorte de suspens dans ce roman car l'on attend page après page ce qu'est devenu ce T C Elimane, l'écrivain d'un seul livre et totalement disparu aussitôt après. Va t-on le retrouver et reconstituer son histoire?

Même si l'on se prend à cette histoire , ce roman est quelque fois un peu touffu et il arrive que l'on s'y perde un peu. Par contre il y a , souvent des idées intéressantes sur la force de l'écriture, de la littérature et sur le sort particulier des écrivains des pays colonisés. 

Je citerai notamment cette phrase: " Cet avertissement nous disait, à nous écrivains africains: inventez votre propre tradition, fondez votre histoire littéraire, découvrez vos propres formes, éprouvez-les dans vos espaces, fécondez votre imaginaire profond, ayez une terre à vous, car il n ' y a  que là que vous existerez pour vous, mais aussi pour les autres..................Tu sais: la colonisation sème chez les colonisés la désolation, la mort, le chaos. Mais elle sème aussi en eux-et c'est la réussite la plus diabolique-le désir de devenir ce qui les détruit."

On lira  ces quelques critiques et il y en a beaucoup d'autres.

Par exemple et 

encore

dimanche 7 novembre 2021

Albert Camus et l'indépendance de l'Algérie: Nouvel éclairage.

 

Les rapports d’ Albert Camus avec l’  Algérie  son pays natal ont fait l’ objet de très nombreuses études et, de fait, je pense qu’ il n’ est pas possible de connaître Camus, de comprendre sa pensée sans connaître ce lien primordial, ce lien premier,  ce lien constituant.

Lorsque l’ Algérie est devenu indépendante ses nouveaux dirigeants  avec à leur tête  Taieb Ibrahimi ont en quelque sorte excommunié  Albert Camus. Son crime : n’ avoir pas été pour l’ indépendance du pays tout en ayant été, chacun est bien forcé de l’ admettre en lisant ces articles et chroniques et ce  depuis :Misère en Kabylie dans les années 1930, c est à dire très  tôt, anticolonialiste.

Il faut lire sur ce point un texte émouvant de Mouloud Feraoun :

«  Vous êtes bien jeune, monsieur, quand le sort des populations musulmanes vous préoccupez déjà. À cette époque-là, moi qui suis de votre âge, je m'exerçais à faire correctement ma classe et je gagnais sans doute plus que vous. Vous étiez bien jeune et votre voix bien faible, il m'en souvient. Lorsque je lisais vos articles dans Alger Républicain, ce journal des instituteurs, je me disais : « Voilà un brave type. » Et j'admirais votre ténacité à vouloir comprendre, votre curiosité faite de sympathie, peut-être d'amour. Je vous sentais tout près de moi, si fraternel et totalement dépourvu de préjugés ! "

On a donc expliqué ce refus d’envisager l’ indépendance de l’Algérie par son attachement viscéral à ce pays, à sa conviction que beaucoup d’européens quelques fois très pauvres comme sa famille, n’avaient exploité personne et avaient eux-mêmes été plutôt victimes de la propagande et des agissements des politiques français et,  enfin, de l’ impossibilité, pour lui, de se voir exilé de ce pays. Il voulait cependant qu’  " réparation éclatante soit accordé aux Algériens » et dans le Premier homme il y a ce fameux texte sur la nécessité de « rendre la terre ».

Il y a du vrai dans ces analyses mais je pense, aujourd'hui, après beaucoup de réflexion, qu’ il y a une autre raison qui se surajoute à celle de l’amour du pays et que l’ on évoque pas souvent.

Ce refus de l’indépendance ( au demeurant totalement irréaliste) est fondé, me semble-t-il,  sur les bases essentielles de sa philosophie autrement dit aux sentiments s’ajoute la raison dans ce refus de voir survenir l’indépendance du pays.

C’ est un livre récent de Roger Vetillard qui m’ a amené à cette analyse que je n’ ai vu exprimer nulle part de manière claire et nette. (Roger Vétillard. La guerre d’Algérie, une guerre sainte ? Ed. Atlantis. 2020.)

Ce livre de M. Vetillard montre, en résumé,  en se fondant sur des écrits et sur des déclarations des dirigeants de la guerre d’ indépendance ,que l’ objectif poursuivi était de créer  un État islamiste dans lequel les non-musulmans ne seraient pas les bienvenus.

Ces déclarations et cet objectif n’ a pas été clairement perçu  car les dirigeants pour s’ attirer l’ aide internationale mettaient aussi en avant le nationalisme et même le communisme très porteur à cette époque. 

Or il résulte notamment d’ une lettre de Camus à Jean Grenier en février 1956 qu’ il a eu clairement conscience  de cet objectif qui entraînait  dans sa foulée l’ exclusion des européens et des juifs algériens, c’est-à-dire des non-musulmans. Il écrit ,en effet, à Jean Grenier : "Les musulmans ont de folles exigences: une nation algérienne indépendante où les Français seront considérés comme des étrangers à moins qu'ils ne se convertissent à l'Islam."  

Or Albert Camus en matière  politique  a lutté, comme personne ,contre le totalitarisme sous toutes ses formes et sur le communisme dans l’ homme révolté. 

Dès lors il est assez clair qu’ il ne pouvait soutenir une guerre qui, selon lui, mènerait  ce pays soit au totalitarisme communiste soit au totalitarisme islamiste.

Je dirai qu’ il s’ est trompé , non pas sur cette analyse, l’ avenir  a amplement démontré qu’effectivement l’Algérie allait basculer rapidement soit, à un moment, vers le collectivisme (utopie et mode de l’époque) soit aussi vers l’islamisme et allait , en tous cas, rejeter le monde pluriel et libre mais il s’est trompé, par contre,  sur la force de la volonté  d'indépendance du peuple algérien qui a fait que le peuple pouvait presque tout accepter pour atteindre cette indépendance et qu’aveuglé par son envie légitime d’indépendance, il ne voyait pas les évolutions prévisibles ou ne les pensait pas dangereuse pour l’avenir. 

Il faut ajouter qu'Albert Camus a beaucoup écrit pour condamner le terrorisme, des écrits théoriques et sa pièce Les justes et que ,pour cette raison encore, il ne pouvoir soutenir ceux qui utilisaient le terrorisme dont il disait qu'il "gâchait" toutes les causes.

Si cette analyse de la position d’Albert Camus est la bonne ,il est clair qu’il ne l’a pas suffisamment exprimé et, de là, est venu cette idée qu’il était hostile à l’indépendance du pays.

Si à Stockholm il avait, en répondant à l’étudiant qui l’interpellait, exprimé cette analyse , nul doute que la situation eut été plus claire et plus acceptable et que le procès qui lui a été fait par la gauche de l'époque et par les Algériens aurait eu moins de force.

Voilà encore la photo d'un extrait d'article qui évoque aussi ces idées de Camus.

                                                      


 


lundi 1 novembre 2021

David Diop: La porte du voyage sans retour

 








                                                                           


 

Je connaissais déjà David Diop ayant lu son roman "Frères d'âmes "et ayant apprécié la force de son style dans cette évocation des désastre de la guerre. Ce nouveau roman: "La porte du voyage sans retour" est dans une autre veine, avec une écriture qui m'a semblé plus douce, il est vrai adaptée a cette histoire romantique.

Ce roman est inspiré par un personnage connu de l'histoire Michel d'Adanson un botaniste du XVII ° siècle. et il nous mène au Sénégal avec ce botaniste parti grâce a un poste au service de la Compagnie des Indes.

Le roman nous donne a voir ,dans sa partie historique, le rôle de la Compagnie des Indes et nous décrit très bien la traite des noirs qui sont pris avec la complicité des divers rois  et qui sont expédiés depuis l'île de Gorée ,dite "La porte du voyage sans retour" qui donne son titre a ce roman. Mais il y a, aussi, une étonnante histoire d'amour entre ce Michel Adanson et une jeune femme noire, victime d'une tentative de viol par son oncle.

Mais l'intérêt de cette histoire est de mettre en lumière la différence fondamentale de conception du monde, les croyances, l'attitude envers la nature entre les noirs du pays et les européens. Il y a de belles pages sur la façon dont les noires de cette époque envisageaient la nature et les bêtes.

Le roman se présente comme étant un  récit par Michel Adanson de son séjour au Sénégal, de son amour , destiné à sa fille après son décès et on se laisse prendre tout à fait à ces révélations.

On pourra écouter David Diop en parler.


mercredi 27 octobre 2021

Michelle Perrot et Wassila Tamzali: La tristesse est un mur entre deux jardins

 

La tristesse est un mur entre deux jardins est le titre qu’ont donné Michelle Perrot et Wassila Tamzali à leur dialogue sur le féminisme, la France et l’Algérie. Les deux participantes a ce dialogue sont très connues, Michelle Perrot comme une immense historienne et Wassila  Tamzali pour une grande carrière à l’UNESCO où elle s’est occupé principalement du droit des femmes dans le monde. Inutile donc d’insister sur le fait qu’elles étaient parmi les mieux placées pour évoquer ces questions.

Pour ma part je connaissais surtout le très beau livre de Wassila Tamzali : Une éducation algérienne.

Je dirai d’abord que ce dialogue se place a un certain niveau et fait appel aux dernières connaissances de l’histoire, de la sociologie et, de l’anthropologie et de la philosophie et qu’il est quelques fois d’un accès peu aisé. C’est donc un livre qu’il fait lire la plume à la main en revenant quelques fois en arrière pour mieux saisir ces pensées.

J’y ai trouvé cependant de quoi alimenter ma propre réflexion notamment sur la question en Algérie où, depuis longtemps je me suis préoccupé de l’évolution du droit des femmes. Je rappelle que dés 1999,lorsque j’ai publié mon premier livre : Algérie, Algérie Que me veux-tu ? je l’ai dédié « aux  combats des femmes algériennes nécessairement victorieux ». J’avais été, en effet, choqué qu’après avoir participé à a guerre d’indépendance elles aient été ensuite reléguées loin du pouvoir et de l’égalité des droits.

Finalement je ne retiendrai que cette page (une déclaration de Wassila Tamzali) que je trouve parfaite et que beaucoup ( à gauche notamment) devrait lire.

« Je me suis heurtée plus d’une fois au théorème de Gödel,  et particulièrement en essayant de convaincre des islamistes de l’égalité et de la liberté des femmes, car il m’était impossible de sortir de leur système ; dés que j’engageais le débat, celui-ci se refermait sur moi. La première rencontre que j’ai organisée sur la mise en perspective des textes onusiens et le droit musulman, c’était à Tunis ,en 1988. J’avais été reçu par le doyen de l’Université de droit le brillant Yadh Ben Achour. D’entrée de jeu, il me dit avec une certaine mélancolie : « Vous n’arriverez à rien. » On ne peut discuter avec eux ,ils sont dans un système et ils doivent y rester, sinon, ils ne seraient pas islamistes. Il faut discuter en dehors du système de la pensée islamique. Evidemment il a raison. Plus tard,  quand la question des islamistes est devenue centrale, j’essayai de détourner mes amis et partenaires européens de l’idée de travailler avec les islamistes modérés. L’islamisme modéré n’existe pas, les musulmans modérés, oui, ceux qui acceptent, et ils sont nombreux, que les règles qui régissent les rapports des sexes ne soient pas celles de l’époque du Prophète, des prophètes. Les musulmans modérés sont laïcs. D’où ma conviction  de la nécessité absolue, impérative de la laïcisation des pays arabes et maghrébins. Seule la laïcité peut permettre et laisser se développer une pensée féministe, une organisation politique démocratique, une culture libre de tabous, et une recherche qui admettra enfin que la Terre est ronde » (p.159)

J’apprécie chez Wassila Tamzali à la fois son universalisme et le fait qu’elle montre bien que La France coloniale a violé ses propres valeurs mais dit-elle : Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ».

C’est très exactement ce qu’a fait en Tunisie le Président Bourguiba. Mais pourquoi ? Parce qu’il ne confondait pas la France coloniale qu’il combattait avec les valeurs  universelles nées en France et surtout parce qu’il était un adversaire résolu de l’islamisme. Or ce que je reprocherai à Wassila Tamzali c’est de ne pas mettre suffisamment l’accent sur le rôle absolument essentiel et déterminant que l’Islam ,consacré religion du pays, a joué sur le rejet des droits des femmes et qu’il joue encore aujourd’hui en Algérie.

Elle nous dit que l’Algérie « révolutionnaire » d’après l’indépendance a écarté les femmes ! Oui mais parce que derrière cette façade révolutionnaire et d’ailleurs utopiste il y  avait bien ancré déjà l’Islam et ses méfaits sur le droit des femmes.

                                                  


vendredi 22 octobre 2021

Roger Vétillard: La guerre d'Algérie, une guerre sainte?

 

                                 



Roger Vétillard ,professeur de médecine, est aussi un historien reconnu qui s'est intéressé à l'histoire mouvementée de l'Algérie contemporaine. Je dois avouer que, bien que m'intéressant à cette histoire je ne connaissais pas cet auteur. J'ai fait sa connaissance après qu'il se soit intéressé à l'histoire de la Compagnie Genevoise des Colonies Suisses de Sétif et , dés lors, à mon aïeul Gotlieb Ryf qui œuvra ,avec efficacité, pendant de longues années au sein de cette compagnie. De là j'appris que la famille de Roger Vétillard avait été proche voisin de mes grands parents au Faubourg des Jardins à Sétif et je me suis intéressé à ses écrits , notamment sur le 8 mai 1945 à Sétif et Guelma et donc à celui que je commente ici sur le côté religieux de la guerre d'Algérie.

Ce livre est le deuxième qu'il consacre à cette question qu'il avait déjà abordé dans: La dimension religieuse de la guerre d'Algérie (1954-1962).Prémices et conséquences. Il y revient donc de manière plus fouillée encore dans: La guerre d'Algérie, une guerre sainte?

Ce que j'ai apprécié dans ce livre c'est qu'il montre sans équivoque que dés le début cette guerre a été considéré comme un "djihad" c'est à dire une guerre pour l'Islam. Certes les Algériens luttaient, c'est évident, contre l'occupation de leur pays mais la base idéologique de ce combat a été pour une grande part la volonté de défendre l'islam et sa civilisation.

Cependant l'auteur montre que cet aspect n'a pas été perçu immédiatement et complétement car les dirigeants de cette lutte ont usé d'un double langage comme il le démontre dans les textes. La plupart et, en tous cas , la très grande majorité des dirigeants étaient musulmans et ont compris que cette idéologie religieuse était puissante pour motiver une population ,par ailleurs en grande majorité analphabète.

Mais ces dirigeants ont, par contre tenu , à l' égard du monde un autre langage, celui d'une lutte marxiste , politique et ont même laisser croire à un  la création d'un Etat moderne et ouvert. Le Congrès de la Soummam a été de ce point de vue et l'auteur le montre bien d'une très grande ambiguïté puisque dans les textes les dirigeants ont essayé de camoufler l'objectif purement arabo-islamique du combat. (p.54 et s.) L'auteur fait d'ailleurs justice du mythe selon lequel Abane Ramdane aurait été partisan d'un Etat "laïc"!

Cette attitude que l'auteur qualifie de "takya" cette manière de mentir pour arriver à ces fins qui est bien connu notamment des Frères musulmans a fonctionné puisqu' un certain nombre de personnes, ,notamment à gauche ,ont cru à ce discours moderne et ouvert pour se rendre compte, très vite, dans l'Algérie nouvelle que ce n'était évidement pas le cas.

Une partie de la gauche est tombé dans le piège et a cru comme aujourd'hui encore une partie de la gauche (décidément incorrigible) croit à cette vielle lune de "l'islamisme modéré".

Il aurait suffit de lire quelques déclarations des dirigeants ( que cite l'auteur) pour savoir que dans l'Algérie nouvelle ni les juifs ni les européens n'auraient leur place. Je crois que Camus l'avait compris, (lui qui était anticolonialiste) ce qui explique sa réticence à une indépendance dont il voyait à l'avance les ravages. Dans une lettre écrite en 1956 à Jean Grenier il écrit: "Les musulmans ont de folles exigences: une nation algérienne indépendante où les Français seront considérés comme des étrangers à moins qu'ils ne se convertissent à l'Islam."   Cette lucidité ne fut pas celle, par exemple du poète Jean Senac (Yaya El Ouarani) qui en paya le prix fort.

Il est clair qu'il était tout à fait normal, pour ne pas dire évident, que les dirigeants de la guerre utilise l'Islam pour motiver le peuple mais là où est, à mon sens le problème c'est qu'au delà de la motivation les dirigeants avaient un véritable objectif (en partie caché) de faire de ce pays un pays islamiste d'où seraient écartés tous ceux qui n'étaient pas dans cette ligne et ont utilisés des méthodes barbares propre à l'islamisme radical.

Ce que nous apprend aussi l'auteur c'est que le FLN a imposé des règles, des comportements rigoristes à la population (ne pas fumer, ne pas boire, ne pas aller dans les cinémas...ne pas fréquenter les écoles françaises.)qui sont bien un trait de l'islamisme radical dont on voit encore aujourd'hui les effets néfastes et n'a pas hésité à sanctionner les manquements de manière cruelle et atroce: nez coupé, égorgement , attentats dans les cinémas fréquentés par les algériens etc.. (p.74 et s.) ce qui, pour moi, est une marque d'infamie sur ce mouvement.

Le livre est intéressant parce qu'il cite de nombreux entretiens dont on a les sources et qui montrent très bien que pour une très grande majorité il fallait que soient exclus de l'Algérie nouvelle et les les juifs, présents pourtant depuis si longtemps et les Européens! 

Ceux qui apportèrent leur soutient au FLN ne s'en rendirent compte qu'après et là encore l'auteur cite beaucoup de ceux qui se sont trompés sur les objectifs véritables des dirigeants de la Révolution. Il suffit de citre Pierre Vidal-Naquet, Jean Daniel et d'autres.

Inutile de dire que ce constat et ce récit pèse encore de tout son poids dans l'actualité de l'Algérie même si, on peut voir apparaitre timidement, dans une partie de la jeunesse de ce pays une volonté d'aller vers un pouvoir plus laïc. Doit-on y croire? Je ne sais.

mardi 19 octobre 2021

Patrick De Meerleer: Louis Germain: Instituteur et père spirituel d'Albert Camus

 



                                         





Ce livre consacré à Louis Germain l'instituteur si connu d'Albert Camus est un livre intéressant à plusieurs points de vue .S'il ne nous apprend pas grand chose de nouveau sur la relation exceptionnelle d'Albert Camus avec son maître que les multiples biographes avaient déjà étudiée il a le mérite de nous redonner de nombreuses citations des écrits de Camus consacré a ce maître et l'on ne relie pas tous ces textes sans une forte émotion.

Il est intéressant aussi parce qu'il nous fait revivre en divers endroits d'Alger et consacre plusieurs pages à la généalogie de Louis Germain faisant apparaître les conditions de peuplement de ce pays et la diversité extraordinaire de ce peuple courageux.

Quant à Louis Germain l'auteur s'attache a décrire sa carrière d'instituteur et surtout la façon dont il accomplissait sa tâche, les valeurs auxquels il était attaché et sa conception de l'éducation des jeunes élèves. Ce livre est, sur ce point, une ode aux enseignants de tous les temps mais notamment de cette période des hussards de la République.

J'ai ainsi appris le rôle important de l'Ecole Normale de la Bouzaréah qui forma tant d'enseignants de qualité en Algérie et j'ai appris, à cette occasion, que Camus avait dédicacé son livre l'Homme révolté à cette école avec la mention suivante: "à l'école Normale de la Bouzaréah, la plus haute et la seule institution de l'Algérie".

L'auteur cite également le Code Soleil , ce livre écrit en 1923 pour les instituteurs par un certain Joseph Soleil et qui contient beaucoup de ce que doit être un enseignant. A cet égard ce livre sur Louis Germain devrait être offert à tous les instituteurs. Certes les injonctions adressées aux instituteurs dans le Code Soleil peuvent paraître dépassées et dites sur un ton d'autrefois mais elles ont une part fondamentale de vérité.

Ce que l'on apprend aussi c'est que Louis Germain aimait et pratiquait la musique et qu'après sa vie d'instituteur il enseigna au Conservatoire d'Alger et qu'il avait épouser en troisième noces une artiste lyrique encore que sur ce point l'auteur ne soit pas catégorique et manque de documents. On regrette a cet égard que les archives de l'éducation nationale de la période soient restées en Algérie et qu'apparemment elles soient d'un accès impossible.  

Au total un livre qu'aimeront ceux qui ont connu l'Algérie et Alger , les amoureux de Camus et tous ceux qui pensent que le métier d'enseignant est un des plus beau et des plus nécessaire.


samedi 16 octobre 2021

Jacques Schiffrin: Un éditeur en exil

 Amos Reichman s'attache a retracer la vie de  Jacques Schiffrin  connu pour être le créateur de la superbe collection de "La Pléiade" à Paris. Ce que l'on retient d'abord c'est la grande amitié de Jacques Schiffrin et d'André Gide , une amitié qui ne faiblira pas malgré les épreuves et durera, comme leurs correspondances jusqu'à leur mort.

Le premier livre que publiera Jacques Schiffrin dans la Pléiade sera une traduction de Pouchkine réalisée conjointement par lui-même et André Gide. André Gide sera le premier auteur publié de son vivant dans la Pléiade.

Est évoqué aussi le fameux voyage de Gide en URSS, voyage émouvant pour Jacques Schiffrin  qui eut, grâce a ce voyage, l' occasion de revoir son pays natal, qui en fut déçu et qui quitta rapidement l'équipe de ce voyage.

Une grande partie est consacrée à l'exil auquel fut contraint Jacques Schiffrin au moment de l'occupation de la France et , en raison de l'attitude des autorités françaises, un exil très compliqué à organiser , aux Etats-Unis, plus précisément à New-York où Jacques Schiffrin devint , à nouveau éditeur avec beaucoup de difficultés et où, fidèle à André Gide il publia comme premier livre les Interview imaginaires .

En décembre 1943 André Gide lui adresse un télégramme depuis Fez au Maroc lui accordant "pleins pouvoirs pour toutes questions concernant la traduction de mes oeuvres."

Il créa une maison d'édition Panthéon Books et là encore il eut des textes de Gide. Le roman de Camus, l'étranger étant paru chez Gallimard, Schiffrin vérifie que Camus n'a pas cédé aux Gallimard  ses droits pour les EU il traite directement avec Albert Camus et l'Etranger sera publié par lui aux EU. Il crée une collection ressemblant à la Pléiade et les français aux EU se réjouissent de retrouver des livres de cette qualité. Il fait un énorme travail pour faire connaître la littérature européenne en Amérique car de New York il a des relations avec de nombreux autres pays du continent.

L'auteur montre    comment les Galimard se comportèrent mal avec celui qui avait créé la Pléiade et qui leur avait ensuite cédé cette prestigieuse collection! Schiffrin ne pourra jamais reprendre la direction de la Pléiade malgré l'appui d'André Gide qui dés juin 1942 écrira à ce propos :" Il reste et restera, quoiqu'il en soit et puisse être, que la Pléiade est VOTRE œuvre .On le dit; on le sait; on le saura."

La famille Gallimard  veut se racheter et lui adresse une lettre reconnaissant son travail et l'appelant a revenir prendre de nouveau la direction de la collection .

Ce livre est passionnant car il nous montre comment les écrivains, les artistes réagirent au moment de l'occupation, obligé pour certains de s'exiler , eux aussi aux Etats Unis .

Il y a aussi des pages émouvantes sur la situation de Schiffrin après la guerre partagé qu'il est entre son désir de revenir à Paris, ses rêves d'une nouvelle vie en France et son état de santé, sa faiblesse qui l'en empêche. (p 178 et s.). Il meurt en 1950 de complications pulmonaires sans avoir revu la France et les derniers mots écrits par André Gide, décédé  quelques mois après, dans son immense journal sont consacrés au décès de Jacques Schiffrin : Nul ne méritait plus que lui d'être aimé" ( p.231).

On pourra aussi écouter ici une émission consacrée à cet homme.

vendredi 8 octobre 2021

Irvin Yalom: Le problème Spinoza

 Le problème Spinoza de Irvin Yalom est un livre paru en 2012 et en France en 2017. C'est à la fois un roman car il y a des éléments inventés et une étude car le récit repose sur des faits historiques. C'est une œuvre originale  qui alterne, chapitre après chapitre, le récit de la vie de Spinoza et celui d'Alfred Rosenberg important responsale nazi condamné à mort  lors du procès de Nuremberg. Comme le dit l'auteur dans une sorte de postface dans laquelle il explique son travail  il  y a plus d'éléments réels dans la partie consacrée à Alfred Rosenberg que dans celle consacré à Spinoza sur lequel en dehors de ses écrits on a peu de choses sur sa vie.

L'intérêt de ce livre est de lié ces deux vies à parti d'un tout petit élément historique très peu connu: lorsque les nazis ont envahi la Hollande et Amsterdam ils ont pillé mais aussi brulé de nombreux livres. Or Alfred Rosenberg chargé de ces pillages a volontairement épargné la bibliothèque de Spinoza et un document officiel laconique indique que Rosenberg a justifié que l'on épargne les livres de Spinoza en indiquant que cette bibliothèque permettrait peut être de résoudre ; "le problème Spinoza"! Quel problème?

C'est ce que le livre essaye de faire en partant d'une hypothèse: Alfred Rosenberg, tout jeune était un raciste , antisémite, très hostile au juifs mais un des auteurs allemands les plus célèbre, le poète Goethe était un admirateur de Spinoza qui, disait-il, lui avait permis d'atteindre une forme de sérénité. Or Spinoza était juif! Cruel pour l'antisémite Rosenberg.

Dés lors le roman nous donne a connaître la vie et surtout les pensées de Spinoza qui lui valurent d'être exclu de la communauté juive, excommunié en quelque sorte et parallèlement la vie et les dérives criminelles d'Alfred Rosenberg.

C'est passionnant sur les deux points.

samedi 25 septembre 2021

Séjour Tunisien (août-septembre) 2021

 

Ce 24 août après un vol  sans encombre et aucune difficulté covidienne je suis arrivé à Tunis où je vais passer trois ou quatre jours pout faire quelques courses et revoir quelques-uns de mes endroits préférés. C’est ainsi qu’hier soir nous sommes allés faire une petite visite à Sidi Bou Saïd où il y avait beaucoup de monde bien que l’on soit en semaine. Evidemment ce beau village dominant le Golfe de Tunis a toujours son charme  et nous en avons profité a fond en dînant à Dar Zarrouk.

Ce restaurant est situé dans une ancienne maison du village. On pénètre d’abord dans une cour en forme de patio avec au milieu un petit terre-plein entouré d’un mur blanc dans lequel se trouve un arbre magnifique parfaitement éclairé le soir. A l’entrée aussi ,sur la droite, une ancienne fontaine avec bassin et trois sorties d’eau dans des macarons qui rafraîchit et  adresse aux visiteurs les petits murmures de l’eau. C’est dans cette cour-patio que l’on peut prendre l’apéritif ou simplement se poser et rêver.

On traverse ensuite la maison pour aboutir à une magnifique terrasse dominant le Golfe de Tunis et, en bas de la colline, le petit port de plaisance de Sidi-Bou-Saïd. C’est là avec la mer sombre et la lune que nous avons dîné.

25 Août déjeuner au restaurant Fondouk El Attarine dans la veille médina de Tunis. Il s'agit d'un ancien caravansérail entièrement et magnifiquement rénové où l'on peut déjeuner avec u très bon rapport qualité-prix. Les tables sont dressées dans un vaste patio couvert et à l'étage court une galerie de boutiques artisanales où l'on peut trouver de beaux objets et de beaux vêtements. Chaque fois que je suis à Tunis j'y vais au moins une fois.

26 Août: Journée tranquille à la maison. Le soir , de nouveau à Sidi Bou Said pour dîner Au bon vieux temps située dans une maison de la rue principale et où, m'avait-on dit, André Gide passa ne grande partie de la guerre, loin de l'Europe et de ses tourments.

27 Août nous arrivons dans la soirée à Hammamet. L'appartement est en parfait état, propre et nous reprenons très vite nos marques. C'est là que nous allons passer notre séjour jusqu'au 25 septembre et dés le lendemain nous allons, tôt vers 9 heure, à notre habitude à la plage. Mer agréable clame et tiède. Entrée sans difficulté dans cette eau ou nous restons plus d'une heure. Bon début!

Ensuite rythme de croisière avec bain et plage le matin, repos, lecture l'après-midi et de temps en temps restau. Achat d'un panneau décoratif en carreaux de Nabeul pour la maison d'Hamida. Le lendemain il est placé et fait un bel effet.

Le 6 septembre nous faisons un saut à Tunis pour récupérer mon costume. Nous buvons un verre de fraises dans un des bars du quartier du Lac avant que Rachid aille voir le Professeur Nabila Ben Salem pour  quelques problèmes cutanés.

De retour à Hammamet nous allons dîner chez Achour dans un cadre connu mais très agréable et nous avons la bonne surprise de constater qu'il a modifié sa carte et l'a amélioré pour fêter son soixantième anniversaire.

Quelques jours après dîner chez Da Franco et là aussi surprise d'être accompagné pensant notre repas par un chanteur dont le répertoire est consacré aux tubes des années 70-80. Agréable soirée.*

La suite du séjour a été consacrée aux bains de mer et à la lecture. Fin de séjour à Tunis ou nous redécouvrons le Café Vert à la Goulette.

Un agréable séjour d'achève et nous avons fêté les quarante années et des poussières aux cours desquelles j'ai séjourné au moins une fois par an dans ce pays, quelques semaines quand je travaillais et un mois chaque année depuis que je suis à la retraite.

vendredi 24 septembre 2021

Philippe Roth : La tâche

 Retrouvé aussi à Hammamet ce roman de Philippe Roth que j'ai relu avec grand plaisir. C'est un roman foisonnant sur l'Amérique puritaine et raciste et sur un phénomène que nous rencontrons de plus en plus aujourd'hui sur les réseaux sociaux: le lynchage à partir de rien.

C'est l'histoire de Coleman Silk que l'on découvre au début du roman en proie à un un de ces lynchages: Professeur d'Université, Doyen talentueux il a un jour, pour parler de deux étudiants absents depuis le début de ses cours: "Existent -ils réellement où sont-ils des zombies?" Aussitôt les deux étudiants dont il apprend qu'ils étaient noirs (ils ne le savait pas ne les ayant jamais vu) se plaignent de son racisme!

Se met alors en marche les mécanismes de ce genre de courses : la mauvaise foi, l'opportunisme de ceux qui veulent être du "bon côté", les ambitions et les règlement de compte et la mayonnaise prend à partir de rien poussant la victime a démissionner. Ce roman paru en 2000      a une résonnance très grande de nos jours avec tous les combats que l'actualité nous donne a voir contre le racisme, pour le féminisme, pour la non discrimination sexuelle, tous combats 'Wok, Meetoo et autres cancel culture) parfaitement légitimes mais qui sont très souvent complétement dénaturés par les modes d'action. Le roman met bien en évidence ces mécanismes pervers.

Ce roman est aussi l'histoire particulière de Coleman Silk dans une Amérique raciste: Il est noir mais de peau très claire et va se faire passer tout au long de sa vie pour un blanc pour être libre! Décision salutaire pour lui mais cruelle pour sa famille et notamment sa mère (il faut lire les pages qui décrivent ce moment où il annonce a sa mère qu'il rompt pour faire sa vie!).

A son décès dans des conditions dramatiques qui donneront encore lieu à des médisances, son ami romancier se décidera à écrire l'histoire de la vie de Colman Silk et cette histoire c'est l'histoire des tares de l'Amérique et notamment du racisme car tout le livre tourne autour du racisme depuis le début né d'une prétendu remarque raciste du Professeur Colman jusqu'à son histoire personnelle qui est celle d'un homme ayant voulu fuir la condition noire. C'est aussi le puritanisme détestable de ce pays. Au passage l'histoire de la guerre du Vietnam et ses dégâts considérables sur les soldats qui y ont participé.

Un grand livre d'un auteur célèbre, couverts de prix aux Etats-Unis et dont le nom avait été évoqué pour le prix Nobel et qui a fait l'objet de très bonnes critiques et encore ici

samedi 18 septembre 2021

Sorj Chalandon: Enfant de salaud.

 C'est un livre éprouvant d'une certaine manière. D'abord par cette recherche sur la vie de son père pendant la guerre, dans les documents, les procédures et qui tourne un peu au harcèlement d'un vieux monsieur, d'autant que tout compte fait ce vieux monsieur qui avait alors 22 ans n'a pas commis de crimes et qu'il est surtout et avant tout un mythomane. Aussi parce que l'auteur nous fait revivre en parallèle le procès de Klaus Barbie et qu'il y a des pages poignantes sur le témoignage de certains rescapés. 

Le livre débute par la visite que fait l'auteur de la Maison d'Izieu où furent accueillis une trentaine d'enfants juifs (certains très petits) et où ils se croyaient en sécurité. Cette visite où peu de traces restent encore visible  est émouvante comme cette découverte d'une vielle ardoise où un enfant malhabile a tracé le mot "pomme" là depuis des années alors que l'enfant a disparu dans un camp.

Et puis il y a les témoignages tous bouleversants comme celui où est évoqué le pullover rouge a manche bariolée qu'une mère avait tricoté pour son fils et qu'elle reconnaît ensuite dans un camp porté par un autre!

Il y a aussi la lecture par Serge Klarsfeld de la liste des enfants d'Izieu disparus dans un camp avec, pour chacun d'eux le rappel d'un petit fait anodin de l'enfance. Ce n'est pas vraiment une plaidoirie mais c'est mieux encore, c'est plus évocateur de la vérité.

Tout ce qui concerne le procès Barbie est très justement écrit et ne serait-ce que sur ce plan ce roman est à lire. Pour le reste l'histoire du père est un cas de mythomanie caractérisée et il devra être étudié dans les études de psychiatrie. On conçoit que le fils de cet homme en ait beaucoup souffert et que ce roman est une façon de se liberer de ce poids.

dimanche 12 septembre 2021

Un fils en or de Shilpi Somaya Gowda

 

                                                         




Un fils en or que je termine à l’instant est un très beau roman paru en 2015. C’est l’œuvre de la romancière Shilpi Somaya Gowda et beaucoup de critiques ont adoré ce livre. Les lecteurs ont aussi fait part de leur enthousiasme. C’est un livre volumineux (plus de 500 pages dans la collection Folio) mais qui se lit sans ennui et qui nous fait suivre le destin du jeune Anil, né dans une famille aisée en Inde qui a , très tôt la vocation de devenir médecin et qui, pour ce faire part étudier aux Etats-Unis.

On s’attache à la vie de ce jeune homme doué et l’on suit toutes ses difficultés d’adaptation, ses efforts pour s’intégrer à un mode de vie si différent de celui de son Inde natale.

Il y a des épisodes très durs aux EU et en Inde et l'on souffre avec les deux protagonistes de la cruauté et de la bêtise du monde.

Le roman nous donne a voir deux civilisations , deux façons d’être et de penser et les préjugés d’un monde à l’égard de l’autre. L’ignorance  d’un côté comme de l’autre est à la base de la méfiance et des préjugés et tout le roman montre qu’il n’est pas facile d’être des deux côtés car, du coup ,on se sent étranger dans les deux endroits et c’est ce qui arrive à Anil.

Mais ce roman est captivant car il est aussi un grand roman d’amour, un amour contrarié, qui ne pourra aller jusqu’au bout ce qui attristera le lecteur même si les protagonistes parviendront à la fin à la paix et au bonheur, chacun de leur côté.

vendredi 10 septembre 2021

Vivant Denon: Le cavalier du Louvre de Philippe Sollers

 

                                             


 


Lorsque je suis en vacances à Hammamet il m’arrive de retrouver des livres que j’ai apporté au cous de mes séjours depuis plus de trente ans et je les relis avec plaisir.

C’est ainsi que je viens de finir la lecture d’un livre de Philippe Sollers consacré à Vivant Denon : Le cavalier du Louvre.

Vivant Denon, ce nom ne dira sans doute pas grand-chose à mes lecteurs et c’est pourtant une personnalité très originale qui, lorsqu’il est connu , lest comme ayant été le créateur du Musée du Louvre et ce n’est pas rien !

En fait sa vie est un roman plus complexe tout comme son personnage. Il a écrit un récit érotique : « point de lendemain » qu’il n’a d’ailleurs pas signé et il a participé à la campagne d’Egypte de Napoléon. Il en a rapporté un livre où il raconte cette expédition et dans lequel il y a beaucoup de dessins et croquis, car Vivant Denon est aussi un excellent dessinateur (Il y a un musée Vivant Denon à Châlons sur Saône) et il dessinait dans  des conditions souvent très difficile ,au milieu des batailles car il est également courageux.

C’est en grande partie lui qui a installé en France l’Egyptomanie qui dure encore mais qui a connu un pic après cette expédition.

Il a voulu rencontrer Voltaire et il faut lire l’échange de lettres pour l’organisation de cette rencontre : Voltaire avait trouvé un voltairien !

Tout cela est déjà passionnant mais plus passionnant encore est la personnalité de cet homme qui s’intéresse aux arts, qui est collectionneur qui a eu des postes importants mais qui ne s’attache a rien et qui a toujours, même avec Napoléon ,conservé sa liberté, rappelant, à cet égard, une autre personnalité : Chateaubriand.

lundi 30 août 2021

Maurice Genevoix: Trente mille jours

 J'ai retrouvé dans ma bibliothèque ce recit de Maurice Genevoix : "Trente mille jours" sorte de mémoires de cet écrivain , écrits à plus de quatre vingt ans et qui, au soir de sa vie, se souvient. On sait qu'il a vécu et beaucoup aimé les bords de Loire, qu'il raconte comme aucun autre cette campagne qu'il connaît si intimement depuis son enfance et c'est de cette enfance qu'il nous parle. En réalité et comme ille dit il ne suit pas un plan mais bien plutôt la survenue de ses souvenirs, les uns appelant les autres, passant d'une partie de sa vie à une autre, évoquant tous ceux qu'il a connu et beaucoup de morts parmi eux. La mort est présente, chez lui, depuis toujours, depuis plus précisément la mort de sa mère alors qu'il n'avait que douze ans et qui le hante encore.

Bien sûr il revient sur ses années d'apprentissage depuis l'Asile de sa toute jeune enfance jusqu'à l'école Normale Sup où il se fit tant de camarades et où il eu le bonheur de rencontrer des personnalités hors du commun comme Lucien Herr et     . Bien sûr il revient avec un émotion toujours vivante sur ses années de guerre et celui qui écrivit "Ceux de 14" nous replonge dans cet enfer qu'il connut si jeune et qui le marqua à vie.

Tout cela dans un style magnifique, précis  et si émouvant.

Il raconte comment au lendemain de la guerre une carrière à l'Ecole Normale lui était ouverte qu'il a refusé et comment, quelques temps après, à cause de l'épidémie de grippe espagnole il a quitté Paris pour son pays de Loire.

Il a été qualifié successivement d 'écrivains de guerre puis d'écrivains régionaliste alors qu'il est, à coup sûr, un écrivain universel qui sait toucher le coeur de ses lecteurs. On aimerait citer des pages et des pages de ses souvenirs, sur les animaux depuis le chat Rrour jusqu'au petit écureuil de la fin du livre, les pages sur les morts nombreux de la guerre et d' ailleurs, sur ses goûts en matière de peinture, ses pages très drôles sur les conférences qu'il a été amené a donner un peu partout dans le monde.

Il a connu les honneurs et récemment le Président Macron ,au cours d'une cérémonie que l'on peut voir

ici l'a fait entrer avec les soldats de la guerre de 14 au Panthéon.

Je voudrai terminer en lisant dans cette vidéo les dernières pages de ce beau livre. J'ai choisi les dernières mais il y en a beaucoup que j'aurai voulu lire à haute voix





vendredi 6 août 2021

Plaidoyer pour l'interdiction des partis religieux en Tunisie.

 Publié dans Kapitalis

 Analyse pour une interdiction des partis religieux.

 

 

J’écris ce texte après avoir lu de très nombreux articles de juristes constitutionnalistes et hier l'article de Monsieur Mezri Haddad dans Kapitalis. Une très grande majorité pour ne pas dire l’unanimité dresse un constat accablant des règles constitutionnelles et électorales qui gouvernent la Tunisie et qui ont été voulu, ne l’oublions pas ,par les islamistes.

Ces règles  dans leur principe ont été élaborées et certains les justifient encore par le fait qu’elles empêcheraient tout retour à la dictature.

Alors certes aucune dictature n’est possible car il n’y a en réalité aucun pouvoir : 

le Président à Carthage n’a aucune réel pouvoir, l’Assemblée divisée et composée d’une multitude de partis qui ne représentent rien n’a pas ,non plus, le pouvoir et le Premier Ministre est, malgré tout sous la coupe  de quelques partis qui font des alliances contre nature et qui ont le pouvoir de nuisance et celui de le démettre.

Autant dire que le pays n’est absolument pas dirigé, qu’aucun réel programme n’est en place et cela se constate jour après jour depuis dix ans avec une régression dans tous les domaines telle que le pays n’en a jamais connu !

Beaucoup des constitutionnalistes que je lis font ce constat et estiment que la Constitution et les règles électorales doivent impérativement être changées.

Pourquoi malgré cette belle unanimité de l’analyse cela ne se fait pas ? Et bien tout simplement parce que les islamistes d’abord mais aussi quelques partis opportunistes et sans patriotisme, savent qu’avec un changement des règles ils sont à peu près sûr de perdre leurs postes et leur maigre pouvoir de nuisance.

Mais il y a autre chose ! Et cela je ne le lis jamais. 

Il faudrait aussi interdire les partis qui utilisent la religion. Et je vais dire pourquoi car , selon moi il existe des raisons fondamentales de le faire.

La première des raisons est que les partis islamistes qui instrumentalisent la religion ont, partout où ils ont eu le pouvoir, conduit  leurs pays au désastre et au déclin. Ils ont fait régresser des pays qui étaient sur la voie du progrès et les ont fait faire un bond en arrière évident.

Ceux qui ont eu une apparente réussite ne l’ont eu qu’au prix d’une dictature et parce que ils avaient des richesses sur leur territoire. Examinez le cas de l’Iran et celui de la Turquie et demandez vous si c’est une réussite en terme de démocratie et de liberté ! 

Quant aux autres, ceux qui soutiennent, hors de chez eux, une démocratie islamiste ce sont des dictatures plus ou moins familiale et dans lesquelles il n’existe aucune liberté!

La seconde raison plus juridique celle-là est que les partis islamistes qui accaparent le religieux ont nécessairement une vocation totalitaire et dictatoriale dans la mesure où ils prétendent parler au nom de Dieu, usurpant de manière d’ailleurs blasphématoire le nom et la parole de Dieu.

Quand vous parlez selon la « parole de Dieu » en tous cas celle qu’apparemment vous adoptez, pensez vous qu’il y a une place pour une autre pensée, pour d’autres règles ?

Avez-vous déjà entendu une religion dire : « voilà ce que veut Dieu » mais faisons autre chose plus conforme à notre intérêt ?

Toutes les religions et pas seulement l’Islam ont une vocation totalitaire et veulent de manière univoque le respect de ce qu’elles croient ou présentent comme étant la volonté divine. Le Catholicisme a été totalitaire :il a été à la base de la monarchie  absolue. 

Une religion cesse d’être totalitaire non pas dans sa vocation mais dans la pratique quand dans un pays elle est minoritaire où que la volonté populaire l’a mise en dehors du jeu politique , en dehors du pouvoir.

L’histoire nous démontre cela avec éclat.

 

Troisièmement, en dehors de cette dérive totalitaire inévitable, puisque parlant soi-disant au nom de Dieu, ils ne peuvent se tromper et ne peuvent admettre une opposition, ces partis dans les pays à grande majorité musulmane ne peuvent qu’aboutir à une division inacceptable entre « les bons  musulmans » ceux qui adhérent à leur parti et « les mauvais musulmans » ceux qui les combattent .

Et puis je demande aux musulmans de réfléchir au fait qu'il y a, de toute évidence, de nombreuses obédiences de l'Islam. Quel rapport entre des soufis et des fondamentalistes? Alors qu'est un parti qui se fonde sur l'Islam? Quel Islam? Cette simple réflexion montre qu'il y a grand danger de divisions et la division est dangereuse pour tout peuple et une Constitution doit tenter d'éviter tout ce qui peut être source de division et de paralysie.

 

Alors ce qui s’est passé en Tunisie a été un contre sens par rapport a cette situation, pourtant, selon moi, évidente. 

M Yad Ben Achour qui est , je n’en disconviens pas, un grand universitaire a tenté, en allant chercher dans le Coran, ce qui pouvait lui permettre de dire que l’Islam était compatible avec la démocratie. Je dois dire que sa démonstration est assez laborieuse et qu’elle est contredite par des milliers d’année d’histoire.

Par ailleurs savoir si l’Islam est compatible avec la démocratie ne résout pas le vrai problème qui est celui  de l’existence même de partis politiques basés sur l’Islam. Même si l’Islam est compatible avec la démocratie, cela veut seulement dire qu’un pays ,dans lequel la majorité des citoyens sont musulmans, peut avoir un pouvoir politique démocratique mais cela ne veut en aucun cas dire qu’il faille accepter qu’un parti instrumentalise la religion car dans ce cas outre que ce parti divisera les citoyens musulmans entre les bons et les mauvais, il aura lui, une vocation totalitaire même si il veut la camoufler et la réalité dans tous les exemples de l’histoire l’a démontré.

Je pense donc que le Professeur Ya d Ben Achour a commis une très grave erreur en favorisant la Constitution actuelle de la Tunisie. 

Certains de ceux qui, avec lui, voulaient cette Constitution avaient peut être un agenda et des projets cachés. Je n’en sais rien mais ,une chose est certaine, ils ont nui et gravement par leur idéologie a ce pays en le faisant régresser , le mettant en danger et en le traitant avec un certain mépris puisqu’ils lui donnaient une règle qu’ils se gardaient bien d’appliquer chez eux  !

Je pense donc fortement qu’il appartient aux règles constitutionnelles de faire en sorte d’empêcher une telle dérive totalitaire et elle n’est possible qu’en interdisant les partis religieux car ils créent  de manière inévitable et très grave une division de la société , une « fitna » qui ne peut que nuire au fonctionnement des pays.

Et ce d’autant qu’ils utilisent abusivement les mosquées et les imams pour leur propagande mettant tous les autres partis dans une position d’inégalité contraire aux règles d’une réelle démocratie.

Depuis la survenue de ce véritable cancer qu’est l’islamisme politique la politique est devenue inefficace  et donc a été atteinte dans son essence même car elle a conduit les citoyens à douter d’elle mais, d'un autre côté, la religion aussi a perdu du terrain car beaucoup se sont demandé à quoi croire quand ils voyaient les dérives commises par les prétendus « religieux ». On ne compte pas les jeunes et moins jeunes qui, désormais ont relégué la religion au rayon des idées nuisibles. Paradoxalement ces partis qui prétendent défendre la religion (ce qui en réalité est une immense hypocrisie) lui nuisent infiniment.

De toute manière dans l’histoire de toutes les religions elles ont montré que lorsqu’ elles étaient au pouvoir elles étaient dictatoriales.

Je pense donc qu’il existent des raisons objectives et majeures d’interdire ces partis et c’est une question dont les Constitutionalistes devraient s’emparer. Un    article récent semble donner raison à mon analyse.

Après la parution de ce texte sur les réseaux sociaux et dans Kapitalis, le Professeur Yad Ben Achour a répondu pour contester fermement ce que j’avais écrit . Il déclare en substance qu’il a mis en garde et adressé de nombreuses critiques à la Constitution sans être entendu, notamment par les islamistes. Dont acte.

Cependant  cette situation a évoqué ,pour moi, la situation du Pape Pie XII au moment du nazisme et ce qu’en dit Albert Camus. Il écrit en substance :  « Moi, l’incroyant j’attendais qu’une grande voix s’élevât à Rome pour condamner clairement et fermement le nazisme. On me dit que la condamnation fut portée mais qu’elle le fut dans la langue des encycliques ! La condamnation aurait été portée mais n’a pas été entendu. Qui ne voit que c’est bien là le problème. »

Par ailleurs le Professeur Yad Ben Achour nous dit que la condamnation des partis religieux ne peut être une condamnation générale mais qu’elle devrait intervenir au cas par cas !

Dans ce cas on aimerait bien connaître les critères d’un tel tri ! Encore le vrai et le faux Islam, le bon et le mauvais ! Mais qui est habilité à le dire ? Et qui ne voit que cela entrainera encore et encore des difficultés immense et des dérives inévitables ?