lundi 20 novembre 2023

Jean Baptiste Andrea : Veiller sur elle


                                                        




Veiller sur elle qui vient de recevoir le prix Goncourt est un roman qui avait déjà eu, avant même le prix un grand succès auprès des lecteurs et ce succès est pleinement justifié. Voilà une œuvre très romanesque si l’expression peut être employé pour un roman ! L'auteur a une grande imagination.

Le roman commence dans un couvent de Toscane à Pietra Alba et quelques moines entourent un mourant qui, avant de rendre l’âme se souvient de sa vie et nous la raconte.

Cet homme, à qui son père a donné le prénom de Michel Ange, Michangelo, est appelé Mimo, Mimo Vitaliani et il est né atteint de nanisme, il deviendra un très grand sculpteur et l’on suit cette vie depuis une enfance misérable, des périodes de désordres divers à Florence et à Rome jusqu’à la richesse et à la gloire. Cette carrière il la doit à une famille noble de Pietra Alba les Orsini qui, avec des prélats proches du Vatican, l’aideront à profiter de ses dons de sculpteurs en lui donnant une clientèle nombreuse et riche.

Mais le roman est aussi une histoire d’amour avec Viola la fille des Orsini, une fille singulière qui aime la lecture et qui, toute jeune, sait beaucoup de choses mais qui a un comportement spécial qui la fait passer aux yeux de certains pour une sorcière et qui restera, à part, toute sa vie. Ils se connaitront à 15 ans et malgré de multiples séparations ils se retrouveront toujours et s'aimeront jusqu'à la fin.

Le roman permet  aussi de parcourir une longue période d’histoire de l’Italie et notamment de la période fasciste.

Tout au long du roman le lecteur est intrigué par l’histoire de la Pietà Vitaliani, Pietà plus belle encore, dit-on, que la Pietà de Michel Ange. On en comprendra l’histoire à la fin du roman à la mort de Mimo Vitaliani.

Magnifique roman, plein de rebondissement et qui tient le lecteur en haleine.

On pourra lire, ici  un entretien  intéressant avec l'auteur.

 

 

 

 

 

 


samedi 11 novembre 2023

Gloag: Oublier Camus: Une entreprise idéologique de démolition d'Albert Camus.

 

J’avais entendu parler de ce livre : « Oublier Camus » j’en avais lu quelques extraits et j’avais également lu des critiques, la plupart hostiles a ce livre. J’ai voulu me faire une idée par moi-même et je l’ai donc lu, plume à la main.

Cette lecture est éprouvante non seulement parce que l’auteur essaye de démolir la statue d’Albert Camus mais surtout parce qu’il est d’une mauvaise foi totale et que si vous voulez avoir une idée de ce qu’est une pensée viciée, il faut le lire.

Venant d’un enseignant on est tout simplement atterré devant les analyses qu’il produit et qui sont le fruit d’un parti pris qui n’hésite pas à tordre la vérité pour étayer sa thèse.

Mais venons en à ce qu’il nous dit.

Il commence (c’est le tout début du livre) par nous dire que Camus est aimé de tous, que cela est tout à fait suspect et que cela vient de ce que les lecteurs le lisent avec hypocrisie et pour se donner bonne conscience !

Exemple. Candidat Emmanuel Macron dans un entretien a dit qu’il aimait l’œuvre de Camus et notamment « Noces à Tipaza ». Que n’a-t-il dit là !

Et là vous allez voir un raisonnement qui est le summum de ce que l’on peut faire en matière de mauvaise foi.

Je reprends donc le raisonnement de l’auteur. Selon lui Tipaza a pu être écrit par Camus en raison des lois de 1936 sur les congés payés ! Or Monsieur Macron porte atteinte aux acquis sociaux donc son appréciation de Noces à Tipaza serait opportuniste et hypocrite !

Avez-vous déjà vu un exemple aussi consternant de pensée ? Admettons même que Monsieur Macron porte effectivement atteinte aux droits sociaux, est-ce que cela l’empêcherait d’apprécier la beauté du style, des images et de la philosophie qui des dégage de ce livre ? C’est tout simplement débile et je pèse mes mots. J’ai relu ce passage à plusieurs reprises pour être sûr d’avoir bien lu !

Tout le reste est à l’avenant car rien ne trouve grâce pour cet auteur.

Evidement l’auteur reprend cette vielle antienne, née de quelques idéologues Algériens selon laquelle Camus serait en réalité un colonialiste, qu’il aurait un positionnement toujours ambigu et que si, malgré cela on en fait une sorte de Saint laïc c’est « parce que la France tient à faire oublier son passé impérial et à ignorer son présent néocolonial » (p 12).

Donc Camus colonialiste et qui ne condamne pas, par exemple, les massacres de mai 1945 à Sétif.

Voici ce qu’écrit l’auteur : « Les massacres de Guelma et Sétif ont provoqué chez les Français d’Algérie un ressentiment profond et indigné. La répression qui a suivi a développé dans les masses arabes un sentiment de crainte et d’hostilité. »

L’auteur de commenter : « Pour Camus le « massacre c’est donc la centaine de morts pieds-noirs. En revanche la mort de plus de 10000 Algériens civils, systématiquement assassinés par l’armée, la police et les milices pieds-noirs est désigné sous le pudique vocable de « répression ». (p.31)

Ceci est tout simplement une infamie quand on sait la position de Camus tout au long de cette période et sa condamnation absolue des violences.

Dans le même passage l’auteur embraye sur le fait que Camus ne se serait pas soucier de la misère des Arabes pendant la guerre ! Là encore où vraiment trouver plus de mauvaise foi ?

En 1939 Camus écrit ses articles sur la Misère en Kabylie et plus tard il écrit deux textes dans lesquels il revient sur cette misère : » La famine en Algérie » et « Des bateaux et de la Justice » deux textes que l’on trouve dans Chroniques Algériennes :1939-1958 (Collection Folio Gallimard).

Et donc malgré ces évidences l’auteur prétend que Camus ne se serait pas soucié de la misère en Algérie !

 

Toujours pour cette période et pour soutenir que Camus était, en réalité, un colonialiste l’auteur nous dit que Camus quitta le parti communiste en 1937 parce que « le parti communiste aurait alors décidé de militer pour l’indépendance » (p. 26) C’est tout simplement un mensonge. Dans un livre consacré a cette question sous la plume de Christian Phèline et d’Agnès Spiquel Courdille il est clairement établi que Camus est exclu et non qu’il est parti de sa propre initiative comme le soutient ce livre. Par ailleurs il est exclu parce qu’il se voit reprocher « de ne pas accepter que soit rompue la solidarité avec le courant messaliste, tournant qui s’impose en conséquence du pacte Staline Laval. » (P. 174).

Evidement évoquer le tournant stalinien du Parti communiste soumis aux dictats de Moscou ne plait pas à Monsieur Gloag mais de là à s’écarter à ce point de la vérité démontre une drôle de conception de études universitaires !

Autre aberration de ce livre. Il tente de démontrer que Camus serait ambigu sur la peine de mort !

Selon l’auteur Camus, au moment de la Libération aurait été partisan de la peine de mort. Je ne sais pas où l’auteur trouve le moindre début de preuve de cette affirmation. Dans les textes qu’il cite (p. 115) Camus demande une sanction forte, déterminée mais jamais la peine de mort.

On sait au contraire que malgré son dégoût devant l’attitude de certaines personnes il demandera avec d’autres la grâce pour éviter la peine de mort. IL faut lire, par exemple la lettre qu’il adresse le 27 janvier 1945 à Marcel Aymé pour s’associer à la demande de grâce de Robert Brasillach.

« Je signe cette demande de grâce pour des raisons qui n’ont rien à voir avec celles que vous donnez ;

J’ai toujours eu horreur de la condamnation à mort et j’ai jugé, qu’en tant qu’individu du moins, je ne pouvais y participer, même par abstention. »

In « Albert Camus contre la peine de mort » Gallimard p.79

Et voilà donc celui que Monsieur Gloag, n’hésitant vraiment devant rien nous présente comme ambigu sur la peine de mort !

 

Enfin et j’en terminerai par là, l’auteur procède à des analyses de l’œuvre romanesque de Camus et y découvre son colonialisme ! L’accusation n’est ni nouvelle ni originale mais elle se base sur une méconnaissance absolue du travail romanesque.

Dans l’Etranger l’arabe n’est pas nommé Camus est donc un colonialiste qui méprise les Arabes !  Comme si, bien au contraire, Camus ne montrait, par ce procédé, une réalité de l’Algérie coloniale et dire qu’il l’approuve est tout simplement une nouvelle infamie.

Et figurez vous que dans la Peste ne serait pas évoqué le nazisme et la politique de l’Allemagne mais la colonisation en Algérie (p.50).

Enfin dans le Premier Homme Camus montrerait clairement son « colonialisme ». Ainsi lorsqu’il évoque un colon qui détruit ses récoltes et qui déclare à un jeune soldat : « Si ce que nous avons fait est mal alors il faut le détruire » c’est ce que pense Camus lui-même comme si on pouvait prêter à un écrivain toutes les pensées (même contradictoires) de ses personnages.

Arrêtons là. Ce livre est un tissu de contrevérités, de mensonges, de travestissement de la réalité sous l’effet d’une idéologie.

Lecteurs de ce billet économisez les 15 Euros pour l’achat de ce livre à moins que vous ne vouliez avoir un exemple de ce que peut faire une vision idéologique. C’est, sur ce terrain, un modèle.

En tous cas M. Gloag aurait été un excellent juge stalinien il en a toutes les méthodes.

Je conseille aussi cet excellent article qui, lui aussi, met clairement en évidence la malhonnêteté intellectuelle de Monsieur Gloag et celui-ci  qui est très complet dans sa critique.