J’avais entendu parler de
ce livre : « Oublier Camus » j’en avais lu quelques extraits et
j’avais également lu des critiques, la plupart hostiles a ce livre. J’ai voulu
me faire une idée par moi-même et je l’ai donc lu, plume à la main.
Cette lecture est
éprouvante non seulement parce que l’auteur essaye de démolir la statue
d’Albert Camus mais surtout parce qu’il est d’une mauvaise foi totale et que si
vous voulez avoir une idée de ce qu’est une pensée viciée, il faut le lire.
Venant d’un enseignant on
est tout simplement atterré devant les analyses qu’il produit et qui sont le
fruit d’un parti pris qui n’hésite pas à tordre la vérité pour étayer sa thèse.
Mais venons en à ce qu’il
nous dit.
Il commence (c’est le
tout début du livre) par nous dire que Camus est aimé de tous, que cela est
tout à fait suspect et que cela vient de ce que les lecteurs le lisent avec
hypocrisie et pour se donner bonne conscience !
Exemple. Candidat
Emmanuel Macron dans un entretien a dit qu’il aimait l’œuvre de Camus et
notamment « Noces à Tipaza ». Que n’a-t-il dit là !
Et là vous allez voir un
raisonnement qui est le summum de ce que l’on peut faire en matière de
mauvaise foi.
Je reprends donc le
raisonnement de l’auteur. Selon lui Tipaza a pu être écrit par Camus en raison
des lois de 1936 sur les congés payés ! Or Monsieur Macron porte atteinte
aux acquis sociaux donc son appréciation de Noces à Tipaza serait opportuniste
et hypocrite !
Avez-vous déjà vu un
exemple aussi consternant de pensée ? Admettons même que Monsieur Macron
porte effectivement atteinte aux droits sociaux, est-ce que cela l’empêcherait
d’apprécier la beauté du style, des images et de la philosophie qui des dégage
de ce livre ? C’est tout simplement débile et je pèse mes mots. J’ai relu
ce passage à plusieurs reprises pour être sûr d’avoir bien lu !
Tout le reste est à
l’avenant car rien ne trouve grâce pour cet auteur.
Evidement l’auteur
reprend cette vielle antienne, née de quelques idéologues Algériens selon
laquelle Camus serait en réalité un colonialiste, qu’il aurait un positionnement
toujours ambigu et que si, malgré cela on en fait une sorte de Saint laïc c’est
« parce que la France tient à faire oublier son passé impérial et à
ignorer son présent néocolonial » (p 12).
Donc Camus colonialiste
et qui ne condamne pas, par exemple, les massacres de mai 1945 à Sétif.
Voici ce qu’écrit
l’auteur : « Les massacres de Guelma et Sétif ont provoqué chez les
Français d’Algérie un ressentiment profond et indigné. La répression qui a
suivi a développé dans les masses arabes un sentiment de crainte et
d’hostilité. »
L’auteur de commenter :
« Pour Camus le « massacre c’est donc la centaine de morts
pieds-noirs. En revanche la mort de plus de 10000 Algériens civils,
systématiquement assassinés par l’armée, la police et les milices pieds-noirs
est désigné sous le pudique vocable de « répression ». (p.31)
Ceci est tout simplement
une infamie quand on sait la position de Camus tout au long de cette période et
sa condamnation absolue des violences.
Dans le même passage
l’auteur embraye sur le fait que Camus ne se serait pas soucier de la misère
des Arabes pendant la guerre ! Là encore où vraiment trouver plus de
mauvaise foi ?
En 1939 Camus écrit ses
articles sur la Misère en Kabylie et plus tard il écrit deux textes dans
lesquels il revient sur cette misère : » La famine en Algérie » et
« Des bateaux et de la Justice » deux textes que l’on trouve dans
Chroniques Algériennes :1939-1958 (Collection Folio Gallimard).
Et donc malgré ces
évidences l’auteur prétend que Camus ne se serait pas soucié de la misère en
Algérie !
Toujours pour cette
période et pour soutenir que Camus était, en réalité, un colonialiste l’auteur
nous dit que Camus quitta le parti communiste en 1937 parce que « le parti
communiste aurait alors décidé de militer pour l’indépendance » (p. 26)
C’est tout simplement un mensonge. Dans un livre consacré a cette question
sous la plume de Christian Phèline et d’Agnès Spiquel Courdille il est
clairement établi que Camus est exclu et non qu’il est parti de sa propre
initiative comme le soutient ce livre. Par ailleurs il est exclu parce qu’il se
voit reprocher « de ne pas accepter que soit rompue la solidarité avec le
courant messaliste, tournant qui s’impose en conséquence du pacte Staline Laval. »
(P. 174).
Evidement évoquer le
tournant stalinien du Parti communiste soumis aux dictats de Moscou ne plait
pas à Monsieur Gloag mais de là à s’écarter à ce point de la vérité démontre
une drôle de conception de études universitaires !
Autre aberration de ce
livre. Il tente de démontrer que Camus serait ambigu sur la peine de
mort !
Selon l’auteur Camus, au
moment de la Libération aurait été partisan de la peine de mort. Je ne sais pas
où l’auteur trouve le moindre début de preuve de cette affirmation. Dans les
textes qu’il cite (p. 115) Camus demande une sanction forte, déterminée mais
jamais la peine de mort.
On sait au contraire que
malgré son dégoût devant l’attitude de certaines personnes il demandera avec
d’autres la grâce pour éviter la peine de mort. IL faut lire, par exemple la
lettre qu’il adresse le 27 janvier 1945 à Marcel Aymé pour s’associer à la
demande de grâce de Robert Brasillach.
« Je signe cette
demande de grâce pour des raisons qui n’ont rien à voir avec celles que vous
donnez ;
J’ai toujours eu horreur
de la condamnation à mort et j’ai jugé, qu’en tant qu’individu du moins, je ne pouvais
y participer, même par abstention. »
In « Albert Camus
contre la peine de mort » Gallimard p.79
Et voilà donc celui que
Monsieur Gloag, n’hésitant vraiment devant rien nous présente comme ambigu sur
la peine de mort !
Enfin et j’en terminerai
par là, l’auteur procède à des analyses de l’œuvre romanesque de Camus et y
découvre son colonialisme ! L’accusation n’est ni nouvelle ni originale
mais elle se base sur une méconnaissance absolue du travail romanesque.
Dans l’Etranger l’arabe
n’est pas nommé Camus est donc un colonialiste qui méprise les
Arabes ! Comme si, bien au
contraire, Camus ne montrait, par ce procédé, une réalité de l’Algérie
coloniale et dire qu’il l’approuve est tout simplement une nouvelle infamie.
Et figurez vous que dans
la Peste ne serait pas évoqué le nazisme et la politique de l’Allemagne mais la
colonisation en Algérie (p.50).
Enfin dans le Premier
Homme Camus montrerait clairement son « colonialisme ». Ainsi
lorsqu’il évoque un colon qui détruit ses récoltes et qui déclare à un jeune
soldat : « Si ce que nous avons fait est mal alors il faut le
détruire » c’est ce que pense Camus lui-même comme si on pouvait prêter à
un écrivain toutes les pensées (même contradictoires) de ses personnages.
Arrêtons là. Ce livre est
un tissu de contrevérités, de mensonges, de travestissement de la réalité sous
l’effet d’une idéologie.
Lecteurs de ce billet
économisez les 15 Euros pour l’achat de ce livre à moins que vous ne vouliez
avoir un exemple de ce que peut faire une vision idéologique. C’est, sur ce
terrain, un modèle.
En tous cas M. Gloag aurait été un excellent juge stalinien il en a toutes les méthodes.
Je conseille aussi cet excellent article qui, lui aussi, met clairement en évidence la malhonnêteté intellectuelle de Monsieur Gloag et celui-ci qui est très complet dans sa critique.
1 commentaire:
J'économise, soyez sans crainte. Un auteur doit être jugé sur la qualité de son oeuvre! pour le reste, on peut lui faire dire n'importe quoi, en raison de contextes déformés ou détournés.
Merci pour votre indignation.
Rémi Fourment
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