Le dernier livre de Daniel Cordier « La victoire en
pleurant » qui vient de paraître est la suite d’Alias Caracalla qui a eu
un grand succès. Daniel Cordier a écrit ce livre dans la dernière partie de sa
vie et peu avant son décès et il revient sur sa vie après la mort de Jean
Moulin « Rex » qui fut son chef et pour lequel il eut une grande
admiration et une grande amitié.
Ce livre se lit avec autant d’intérêt que le précédent et j’y
ai retenu deux parties au milieu d’une foule d’évènements tenant à l’histoire.
J’ai d’abord aimé ce passage où, traversant l’Espagne avec
des camarades pour continuer le combat et alors qu’il est à Madrid il passe
deux jours a visiter le Musée du Prado. De son vivant Jean Moulin qui l’a un
peu initié à l’art lui avait promis de lui faire visiter ce musée et, pendant
que ses camarades visitent la ville, lui déambule dans toutes les salles du
prestigieux musée et admire les nombreux chefs d’œuvre de la peinture
espagnole. Il nous dit ses réactions devant ces œuvres dont beaucoup
l’éblouissent. On sait que dans une autre partie de sa vie il fut marchand de
tableaux et qu’il a laissé une belle
collection d’art moderne. Là ce sont les grands classiques qu’il admire et
auquel il s’initie. Mais les blessures de la guerre ne sont pas loin et il
éclate en sanglot devant les Tes de Mayos, les fusillés ui rappelant ,tout à
coup, ses camarades disparus.
L’autre passage qui m’a intéressé est celui où il évoque sa
rencontre avec Camus et Sartre. Adolescent il avait une admiration pour Sartre
qu’il avait très peu lu. Lorsqu’il le rencontre il est ébloui par
l’intelligence mais aussi par la gentillesse de Sartre qui, à un moment,
souhaitera que Daniel Cordier l’aide à obtenir des fonds pour organiser un
nouveau groupe de résistants. Sartre estime , en effet, que tous les autres
groupes n’ont qu’un but : faire la guerre aux allemands mais que leurs
participants ne réfléchissent pas assez a ce qu’il faudra faire après la
victoire, au nouveau système à mettre en place. Sartre veut que son groupe tout
en se battant soit un groupe qui prépare l’avenir idéologique pour l’après
victoire et il croit ce point essentiel.
Cela m’a conduit a estimer qu’il y avait là une différence assez fondamentale
avec Albert Camus. La participation de Sartre à la résistance a fait débat,
celle de Camus est incontestable. Sartre
reste un théoricien et l’essentiel pour lui est de réfléchir a un système pour
après, Camus, lui, combat. Non pas qu’il ne réfléchisse pas, ses Lettres à un
ami Allemand et ses chroniques dans Combat prouve le contraire mais il sait,
lui, que la priorité absolue est d’abord de vaincre les nazis par les armes et
qu’il sera alors temps de penser au régime a mettre en place.
J’aurai aimé évoqué cela avec Daniel Cordier lorsqu’il y a
maintenant une vingtaine d’années je l’avais reçu dans mon Cabinet d’avocat à
Pau. Mais, à cette époque je connaissais moins Camus et je n’ai pas eu cette discussion qui eut été passionnante et
je suis passé à côté d’un homme à la vie
passionnante.
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