mardi 6 janvier 2009

Que me veux-tu? Etude d'une expression

Le hasard m'a conduit à une étude d'un historien d'une expression que j'utilise assez souvent et j'ai eu le plaisir de me trouver citer....
Voici ce texte:
Que me veux-tu ?
Une allusion historique présentée par Jean-Claude Bologne
Si vous dites "Que me veux-tu ?" lorsque vous êtes agacé, vous utilisez une allusion historique. Découvrez son histoire, celle de Fontenelle qui l’aurait utilisée contre une sonate ou même celle de Jésus qui l’aurait répliquée à sa mère, tandis qu’on la retrouve aussi chez Hugo et Verlaine

Voilà une manière très simple de manifester son agacement, et personne n’irait chercher derrière cette expression un peu cavalière une allusion historique. Mais notre attention est attirée par la fréquence des contextes musicaux dans lesquels on la trouve. « Post-modernité, que me veux-tu ? » s’emporte le compositeur John Bréa dans une conférence. « Tango, que me veux-tu ? » renchérit le compositeur Astor Piazzolla (bandonéoniste argentin)...
Dans l’Encyclopédie...
Bernard Le Bouyer de Fontenelle (1657-1757), par Louis Galloche
Elle fait alors directement référence à un mouvement d’humeur du philosophe Fontenelle, mort quasi centenaire en 1757. C’est Jean-Jacques Rousseau qui rapporte l’anecdote en 1765 dans un article de l’Encyclopédie. « Excédé par cette symphonie éternelle », prétend-il, le vieil académicien s’était exclamé au milieu d’un concert, « dans un transport d’impatience » : Sonate, que me veux-tu ? »
La sonate est alors en vogue dans la musique française, et lorsque le jeune Jean-Jacques, qui fut un musicien suisse avant d’être un philosophe français, arrive à Paris, il est lui-même excédé par cette mode tout juste due, selon lui, au manque de musicalité de notre langue. Les Italiens ont inventé l’opéra, mais les Français, pour en imiter l’harmonie, auraient dû préférer l’accord des instruments à celui des voix. « J’ose prédire qu’une mode si peu naturelle ne durera pas », affirme-t-il avec la même conviction que madame de Sévigné prétendant que Racine passerait comme le café. L’immense succès de la musique instrumentale, en général, et de la sonate en particulier suffirait à inscrire Rousseau dans la longue liste des devins de village mal inspirés qui, quant à eux, ne sont pas passés de mode.
Et dans l’Evangile
De la part d’un homme aussi cultivé que Fontenelle, il s’agissait sans doute d’une allusion biblique : « Femme, que me veux-tu ? » disait le Christ à sa mère aux noces de Cana, l’obligeant à faire un miracle alors que, disait-il, son heure n’était pas encore venue.
Mais l’expression de Fontenelle est soudain sur toutes les lèvres. On la retrouve, par exemple, dans un chapitre des Misérables où le vieux Gillenormand grommelle contre les canons parqués dans la cour du Louvre : « Des canons dans la cour du Muséum ! pourquoi faire ? Canon, que me veux-tu ? Vous voulez donc mitrailler l’Apollon du Belvédère ? » Et c’est sans doute par allusion à Fontenelle que Verlaine commence un de ses poèmes saturniens par cette exclamation : « Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? l’automne / faisait voler la grive à travers l’air atone... ». Le succès de ce poème (« Nevermore ») fait quaujourd’hui, on se réfère à Verlaine plus qu’à Fontenelle, surtout lorsque le premier mot est répété : « Algérie, Algérie, que me veux-tu », l’écrit Jean-Pierre Ryf dans le titre de l’un de ses ouvrages.
Ainsi, l’allusion biblique, devenue historique, est-elle désormais une allusion littéraire !
En savoir plus :
Bernard le Bouyer de Fontenelle, immortel de l’Académie des sciences
Jean-Claude Bologne
Jean-Claude Bologne est historien, essayiste et romancier.
Jean-Claude Bologne, Qui m’aime me suive, dictionnaire commenté des allusions historiques, éditions Larousse, 2007

Et pour compléter tout cela voici le poème de Verlaine:

Souvenir, souvenir, que me veux-tu ?
L'automneFaisait voler la grive à travers l'air atone,
Et le soleil dardait un rayon monotone
Sur le bois jaunissant où la bise détone.
Nous étions seul à seule et marchions en rêvant,
Elle et moi, les cheveux et la pensée au vent.
Soudain, tournant vers moi son regard émouvant :
"Quel fut ton plus beau jour ?" fit sa voix d'or vivant,
Sa voix douce et sonore, au frais timbre angélique

Un sourire discret lui donna la réplique,
Et je baisai sa main blanche, dévotement.
- Ah ! les premières fleurs, qu'elles sont parfumées !
Et qu'il bruit avec un murmure charmant
Le premier "oui" qui sort de lèvres bien-aimées !

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