Je publie,ici , cette vidéo et j'y ajoute le texte écrit.
CENTENAIRE DU DESTOUR
1920-2020
MESSAGE DE MONSIEUR
JEAN-PIERRE RYF
Mesdames et Messieurs,
Monsieur Foued Mouakhar, en
accord avec Madame Abir Moussi, a bien voulu m’inviter à votre réunion
célébrant les cent ans du Destour.
Cette invitation est évidement
un grand honneur pour moi et je suis désolé de ne pas avoir pu
l’accepter en raison de mon emploi du temps. Je vous remercie cependant
vivement et vous dis mon regret de ne pas pouvoir célébrer avec vous cette
réunion importante.
Je veux cependant vous
adresser ce message en guise de remerciement.
Je veux saluer les nombreux
participants qui montrent leur attachement aux valeurs du parti Destourien et
par là même comme je le dirai leur patriotisme.
Je voudrai d’abord, avant d’en
arriver au fond de mon propos, vous dire dans quel état d’esprit je vous
adresse ce message.
Je connais la Tunisie depuis
plus de cinquante ans et j’y suis venu régulièrement une ou deux fois par an
pour profiter des plaisirs que donne à profusion votre pays : le soleil,
la mer, l’accueil chaleureux de son peuple et parce qu’il évoquait pour moi,
mon Algérie natale, que j’ai quittée à dix-huit ans et dont j’ai toujours gardé
la nostalgie.
La Tunisie, votre pays, a
remplacé un peu pour moi, cette Algérie de mon enfance que je n’ai jamais
oubliée.
Ceci explique que j’ai suivi
l’évolution politique et sociale de votre pays depuis ces cinquante dernières
années et que j’ai donc connu le régime du Président Bourguiba, celui de Ben
Ali et plus récemment tous les évènements qui ont suivi ce que l’on a
appelé : « La révolution du Jasmin »
ou encore « le printemps arabe ».
Je voudrai donc vous dire en
quelques mots, d’une part, comment je vois la situation actuelle et en
second lieu ce que devrait être l’apport de votre parti Destourien à la
Tunisie après sa longue et importante histoire.
Je précise que je le fais sans
aucune volonté d’ingérence, la politique tunisienne n’appartenant qu’aux
Tunisiens, mais comme le ferait un ami.
Je dois vous dire en débutant,
que j’ai eu au lendemain de la « Révolution » et du départ de Ben Ali, un
immense espoir pour votre pays.
J’ai pensé, qu’avec la qualité
du peuple tunisien, due en très grande partie aux réformes du Président
Bourguiba dans le domaine des droits de la femme et de l’éducation, ce pays
allait choisir la voie de la liberté et du progrès et qu’il allait faire encore
un pas de plus vers la modernité.
J’ai, en suivant jour après
jour les débats sur les réseaux sociaux, constaté que les Tunisiens
s’emparaient avec joie de la liberté de s’exprimer et qu’au fil du temps, par l’échange,
la discussion, les débats, chacun progressait dans la connaissance de son
histoire, dans la maîtrise des idées politiques et même dans la connaissance du
droit constitutionnel.
Cependant j’ai aussi constaté
qu’il fallait avoir le cœur bien accroché car je suis passé, comme d’ailleurs
beaucoup de Tunisiens, de l’espoir, à la crainte, à l’indignation ; puis de
nouveau à l’espoir et, hélas, de nouveau aux regrets et à la tristesse.
Mais je n’insiste pas car vous
êtes, tous sans doute, passé par les mêmes étapes que moi.
Je n’entre pas dans les
détails mais ce qui a dominé mes sentiments c’est une véritable colère
et une forme de honte face à ces hommes politiques et leurs partis dont
j’ai détesté l’absence totale de conviction, de patriotisme, occupés seulement
de leurs petits intérêts personnels, sans projet et sans ligne directive.
Vous me trouvez, peut-être,
bien sévères mais la seule excuse que je peux trouver à ces hommes politiques,
sans colonnes vertébrales, c’est la Constitution et le régime électoral,
absolument déplorable qui était voulu par les islamistes et qui a,
malheureusement, été aussi accepté par des partis qui se disent de progrès et
qui favorisent l’émiettement et les tractations douteuses.
Si je voulais résumer la façon
dont je vois la situation actuelle, je dirai que le pays court à la
catastrophe, à la régression, et qu’il ne peut pas s’en sortir avec la classe
politique actuelle et le régime électoral d’aujourd’hui. Car aucun pouvoir
n’existe vraiment.
Comme je l’ai dit dans une
vidéo, le pouvoir n’est ni à Carthage ni au Bardo en raison de l’émiettement
des partis. Aucune politique sérieuse ne peut naître de cette situation.
J’aborde maintenant plus
précisément ce que le Destour, votre parti, dont vous célébrez le
centenaire de la naissance, peut apporter à la Tunisie en cette période
délicate.
Je dirai d’abord que la longue
histoire de votre parti depuis 1920 n’a pas été un long fleuve tranquille et
qu’il a connu des divisions, des séparations, des retours en arrière, des
luttes pour le leadership, mais qu’il faut cependant lui accorder la
constance sur un certain nombre de principes sur lesquels il a toujours été
intransigeant et qui lui ont permis de conduire, d’abord votre pays à
l’indépendance et ensuite à le moderniser en lui donnant un véritable Etat et
une administration efficace.
Parmi les qualités
essentielles, à mes yeux, de votre parti, je note d’abord le patriotisme.
En définitive, à l’origine de
votre parti il y a la volonté de faire accéder le pays à l’indépendance et à le
sortir de sa position coloniale. Cela a été un long et difficile combat mais
qui, par la persévérance des fondateurs du parti, est parvenu au résultat
voulu.
La deuxième caractéristique
que je vois dans le Destour c’est son attachement à l’Etat national et
au souci de son efficacité et de son indépendance.
Enfin la troisième
caractéristique est d’être fondamentalement un parti pragmatique,
respectueux des libertés et hostiles aux idéologies totalitaires.
Or on sait depuis Annah
Arendt et Albert Camus combien les totalitarismes sont meurtriers et
attentatoires aux libertés et aux droits de l’homme.
Le pragmatisme, c’est tenir compte
de la réalité, refuser les idéologies plus ou moins rêveuses et avancer en
fonction des possibilités et du réel. N’est-ce pas le Président Bourguiba qui a
théorisé dans le passé la politique des étapes car il était, à la fois, un
visionnaire et un réaliste.
Or ces trois qualités,
patriotisme, pragmatisme, attachement à l’Etat national et lutte contre toutes
formes de totalitarisme, sont absolument indispensables aujourd’hui et très menacées.
D’abord par les partis
islamistes qui ne veulent pas d’Etat et pensent à leur Califat mais aussi par
ce qui reste des pan-arabistes qui croient en cette veille lune de l’unité des
nations arabes et qui, dès lors, ne voient pas l’Etat national d’un bon œil.
Alors que, maintenir un Etat
fort et éclairé, est la seule façon d’aller dans un avenir, certes lointain,
vers des unions avec des pays arabes qui, eux aussi, auraient réussi à entrer
dans le progrès.
En raison de ces idéologies,
certains acceptent que la Tunisie devienne le vassal de certains plus forts ou
plus riches ; alors que précisément le Destour, a toujours considéré
que la Tunisie devait être un Etat indépendant et libre et qu’il a refusé
toutes formes de vassalité., comme vous le faîte encore aujourd’hui avec
votre Présidente.
Par ailleurs, l’ennemi
principal de la Tunisie, est aujourd’hui l’islamisme politique qui est
une idéologie totalitaire et je voudrai insister brièvement sur ce point.
Les partis islamistes
instrumentalisent la religion qui devrait appartenir à tout le monde. Les
Tunisiens sont des musulmans depuis de nombreuses générations et être un parti
qui se dit islamique c’est vouloir créer une division artificielle et
meurtrière entre les Tunisiens dont certains seraient de bons musulmans et
d’autre pas !
Par ailleurs se fonder sur la
religion qui est celle de tout un peuple, c’est vouloir instaurer un régime
totalitaire avec une seule vision des choses et de l’avenir et la création d’un
nouveau tunisien.
Je voudrai, ici, vous rendre
attentif à une phrase qui a été prononcé par M Abdel Fattah Mourou et qui me
paraît la chose la plus grave que j’ai entendue.
C’est lorsque dans un aparté
avec un obscurantiste il a dit en substance : « que les adultes
étaient perdus pour Nadha mais qu’il fallait faire avec les enfants en les
éduquant »
Cette phrase est le propre
des partis totalitaires qui veulent façonner ce qu’ils appellent le
« nouvel homme ». Cela a été vrai des nazis, cela a été vrai des
communistes et l’on sait où cela a conduit !
Ce n’est plus, là, l’éducation à laquelle
votre parti est attaché mais la propagande, l’enrôlement et l’endoctrinement
idéologique.
Voilà les raisons profondes
qui ont fait que j’ai adhéré aussitôt aux discours de votre Présidente Madame
Abir Moussi qui, avec lucidité, clarté, persévérance et courage a mis en
évidence à la fois les dangers de la situation actuelle et qui a élaboré la
seule méthode possible pour en sortir : réformer la Constitution et le
régime électoral pour que puisse émerger un réel pouvoir démocratique mais pas
impuissant.
J’ai la conviction profonde
qu’il est tout à fait possible d’allier démocratie et liberté avec efficacité
et réalisations.
C’est la priorité des
priorités car rien ne se fera, je le répète, sans cela.
Mais il faudra ensuite, je
suis sûr que c’est votre objectif, consolider les libertés, développer
l’éducation la seule vraie richesse en ce monde, ce qu’avait compris le
Président Bourguiba ; et enfin assurer plus de justice sociale,
car la misère, l’absence d’éducation et de culture, conduisent à l’islamisme et
aux idéologies mortifères.
Vaste programme mais exaltant.
Je crois que, ce faisant,
votre Présidente Madame Abir Moussi et vous-même seraient dans la droite ligne
du Destour dont vous célébrez aujourd’hui le centenaire et vous serez,
ainsi, fidèles aux anciens, en appliquant à aujourd’hui les exigences qu’ils
avaient hier.
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