Vient de paraître aux Editions Actes Sud : » La maison indigène » de Claro. C’est un très beau livre au croisement de tout
ce qui m’intéresse : l’Algérie, Albert Camus et Jean Sénac et aussi ce
rapport que l’on a avec son passé, notamment quand on a été la victime d’un
exil définitif. Caro, qui a déjà beaucoup écrit, est né à Paris d’un père
pied-noir qui fut terriblement meurtri par la perte de son pays et qui mourut
très jeune. Caro, celui qui écrit, s’était désintéressé complétement et de sa
famille et de l’Algérie mais il a été rattrapé par ce passé et ce livre est en
grande partie un retour dans ce passé qu’il croyait avoir définitivement
oublié. Il y a un moment émouvant lorsqu’il reçoit une lettre d’un vieil homme
qui a été un ami d’enfance de son père et qu’il va le voir à Marseille.
« C’est à Marseille que va devenir réel le sentiment
d’être lié, ou relié, à un passé dont je n’ai pas voulu, comme on ne veut pas
d’un vêtement dont on est sûr qu’il ne nous ira pas-sans l’avoir essayé- ou comme
on s’interdit de goûter à un plat qu’on imagine empoisonné, alors même que
c’est notre imagination qui est empoisonnée, par la peur, la peur de succomber
à des saveurs qui peut être nous sauveraient de bien des famines. »
Cette recherche de son passé familial va le conduire à cette
maison indigène qui fut construite par l’architecte Léon Claro son grand père
qui construisit beaucoup d’autres bâtiments à Alger comme le Foyer , l’immeuble de l’OFALAC et d’autres
encore, comme le Collège du Champ de Manœuvre où le père de l’auteur fit ses
études !
Cette maison mauresque construite à l’occasion du centenaire
de la conquête fut visitée par un jeune homme de 20 ans, Albert Camus qui en
tira l’un de ses premiers textes littéraires !
Ce récit évoque souvent Jean Sénac que les parents de Claro
hébergèrent à Paris Rue d’Alésia.
J’en apprends aussi beaucoup sur le tournage de l’Etranger
avec Marcello Mastroianni et les nombreuses questions qui apparurent au moment
de la production de ce film.
Enfin comme le livre est touffu j’en apprends aussi sur la
Franc Maçonnerie en Algérie qui milita pour une plus grande justice et pour
l’assimilation sans être suivie. Cela est d’autant plus évocateur, pour moi,
que mon arrière-grand-père, fut lui-même franc- maçon à Sétif et il me plait de
penser qu’il ait soutenu, lui aussi, de telles idées de justice.
Enfin on en apprend beaucoup aussi sur Le Corbusier qui
visita Alger, la Casbah et la Maison indigène avec Leon Claro.
Au total un livre foisonnant où l’auteur croise et recroise
les fils d’un passé qu’il n’a pas connu, allant jusqu’à inventer une parenté très
ancienne des deux familles, la sienne et celle de Camus toutes les deux issues
de Minorque. Et voici une excellente analyse suivie d'un entretien avec l'auteur.
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